De nombreuses incertitudes pèsent sur les producteurs de lait bio
TNC le 28/06/2021 à 10:00
Si le chiffre d’affaires de la filière biologique ne cesse d’augmenter, les producteurs de lait bio français sont aujourd’hui confrontés à de nouveaux défis, face à une balance offre-demande qui tend à s’inverser, et une montée en gamme du lait conventionnel qui les concurrence.
Alors que la France était au démarrage peu active dans la production de lait biologique, la filière a changé de dimension ces dernières années, rattrapant l’Allemagne (premier producteur européen) et dépassant le Danemark et l’Autriche, a rappelé Benoit Baron, chargé d’études à l’Idele, à l’occasion d’un webinaire organisé le 24 juin. Deux premières vagues de conversion, et une troisième très dynamique depuis 2017, portent le nombre de vaches laitières en bio ou en conversion à 243 000 (en 2019) soit 7 % du cheptel national. En 2020, ce sont 1,1 milliard de litres de lait biologique qui ont été collectés soit 4,6 % de la collecte nationale. En 2021, on approche 1,2 Mrd de litres, soit 5 % de la collecte laitière nationale, précise Benoit Baron.
Saisonnalité, mix produit, des spécificités à prendre en compte
Les fermes laitières bio sont, en général, plus petites que les conventionnelles, avec 56 vaches laitières contre 66 en moyenne, et une productivité plus faible, liée aussi en partie à une plus forte dépendance climatique (importance plus grande de l’herbe et du pâturage dans ces systèmes).
Si le prix plus élevé qu’en conventionnel est déclencheur de conversions, il n’est pas suffisant à lui seul : les aides à la conversion et les dynamiques de marché jouent également un rôle. Or, ces dernières années, la balance offre-demande tend à s’inverser, la filière bio doit gérer l’afflux de lait, indique Benoit Baron. Sans compter que la saisonnalité, plus marquée qu’en conventionnel, est une difficulté supplémentaire. Elle se traduit d’ailleurs dans le prix du lait avec 80 ou 90 € d’amplitude entre les prix hauts de septembre – octobre, et les prix bas d’avril, au moment du pic de production.
Par ailleurs, le lait bio est plus ou moins représenté selon les catégories de produits. Il s’avère ainsi très présent sur le lait liquide, mais beaucoup moins sur les fromages. Le mix produit diffère donc de celui de la filière laitière dans son ensemble.
Un contexte incertain
Et si le chiffre d’affaires des produits laitiers bio représente aujourd’hui un milliard d’euros, la croissance de la consommation ralentit et plusieurs laiteries ont d’ailleurs stoppé les conversions. Les rayons proposant des produits laitiers bio restent globalement en croissance, mais l’on constate une décroissance sur l’ultrafrais depuis l’année dernière.
Il ne faut pas oublier, explique Benoît Baron, que 50 % des achats de produits bio reposent sur 15 % de consommateurs, qui ne sont pas forcément prêts à acheter beaucoup plus. « Pour augmenter les volumes, il faut aller chercher de nouveaux consommateurs », explique-t-il.
Or, si les attentes sociétales de plus en plus fortes peuvent être bénéfiques au bio, l’offre conventionnelle monte également en gamme et propose aujourd’hui plus de garanties sur l’origine du lait mais aussi de l’alimentation animale, une transparence dans la filière, davantage de temps de pâturage, une dimension équitable, etc. Ce qui oblige le bio à monter en gamme lui aussi, mais ce segment, déjà restreint, aura forcément des difficultés à se segmenter davantage. Un certain nombre de défis sont donc à relever, pour faire face aussi au besoin de renouvellement des générations qui va se faire sentir, avec le départ à la retraite des premiers convertis dans les prochaines années…