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Journée internationale de la femme rurale

« En finir avec les zones blanches en matière d’égalité hommes/femmes »


TNC le 15/10/2021 à 07:12
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Statut de conjointe-collaboratrice, DJA, Service de remplacement... Au-delà des progrès réalisés, le Sénat propose plusieurs leviers pour renforcer l'égalité hommes/femmes en agriculture. (©Éric, Fotolia)

Présenté la veille de la Journée internationale de la femme rurale, le rapport du Sénat "En finir avec les zones blanches en matière d'égalité" offre un joli clin d'œil à toutes les Françaises qui vivent dans ces territoires. 70 propositions sont formulées autour de 6 axes clés pour renforcer la parité dans ces zones où certains freins demeurent. Plusieurs d'entre elles concernent les agricultrices.

« Aucune des 181 mesures que contient l’agenda rural du gouvernement présenté à l’automne 2019, et qui constitue le socle de sa politique en faveur des territoires ruraux, ne mentionne les femmes, déplore Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat et sénatrice de la Vendée. Pourtant, elles sont 11 millions, soit un tiers des Françaises. » Et surtout, elles sont encore victimes de nombreuses inégalités. 

181 mesures dans l’agenda rural, sans mention des femmes.
Pourtant : 11 millions de femmes rurales (1/3 des Françaises).

« Il s’agit d’un sujet majeur », insiste-t-elle. C’est pourquoi le Sénat a lancé, il y a 10 mois, une mission d’information sur les femmes rurales, afin de dresser un état des lieux de la situation et des obstacles auxquels elles sont confrontées, puis de proposer des pistes pour faire évoluer les choses en s’inspirant « des bonnes pratiques et des initiatives innovantes » observées localement et transposables ailleurs. 

70 propositions sont ressorties de ce travail, s’appuyant sur une trentaine d’heures d’auditions et de tables rondes, plus de 1 000 témoignages/rencontres dans les territoires et une consultation publique sur le site internet de l’institution. L’objectif : « mieux articuler égalité femmes/hommes et égalité territoriale, mais aussi renforcer l’autonomie et l’intégration sociale, professionnelle et politique des femmes ». Regroupées dans le rapport « Femmes et ruralité : en finir avec les zones blanches de l’égalité », elles ont été dévoilées le 14 octobre 2021, date symbolique, à la veille de la Journée internationale de la femme rurale.

6 axes d’action ont été identifiés :

1- Un volet spécifique pour les agricultrices

« Force est de constater que le rapport « Femmes et agriculture » de notre délégation, datant de 2017, n’est pas obsolète  », fait remarquer Marie-Pierre Monier, sénatrice de la Drôme et rapporteure.

  • Même si plusieurs avancées ont été réalisées en termes de :

– statut (pour les conjointes d’agriculteurs) et reconnaissance juridique du travail

– droits sociaux (congé maternité, revalorisation des petites retraites)

– formation (hausse du nombre de filles dans l’enseignement agricole : 44 % à la rentrée 2021)

  • Toutefois, il faut noter quelques tendances moins encourageantes :

– une stagnation du nombre de cheffes d’exploitation depuis 10 ans (autour de 25 %)

– un moindre niveau d’attribution de DJA (dotation jeune agriculteur) en raison d’installations plus tardives que leurs collègues masculins (56 % après 40 ans pour les femmes contre 20 % pour les hommes)

– la persistance du statut de conjointe collaboratrice, très défavorable en matière de droits

– une encore rare utilisation du Service de remplacement

– et trop faible représentation dans les organisations professionnelles

« Les agricultrices rencontrent toujours plus de difficultés pour s’installer que les agriculteurs. Elles ont notamment davantage de mal à convaincre les banques », pointe Marie-Pierre Monier. 

  • Les préconisations :

– supprimer le statut de conjointe collaboratrice ou au moins le limiter à 5 ans maximum (et éviter l’absence de statut)

– veiller à une juste répartition des aides à l’installation (autant pour les financements publics que privés) et réfléchir aux soutiens financiers à mettre en place au-delà de la limite d’âge de 40 ans de la DJA 

– simplifier les gardes d’enfant et le recours au Service de remplacement (en adoptant l’offre aux contraintes des exploitantes et en y apportant plus de souplesse)

– conforter la mise en réseau au sein de la profession

– instaurer des quotas dans les instances professionnelles

– poursuivre l’amélioration des conditions de travail

– sensibiliser les élèves de l’enseignement agricole pour combattre les stéréotypes de genre

– informer les futures agricultrices sur leurs droits pendant leur formation

« Il faut aussi communiquer et mettre en avant des exemples d’agricultrices, épanouies sur leur exploitation et dans leur milieu professionnel, pour donner aux autres l’envie de se lancer », ajoute la rapporteure.

2- Faciliter les mobilités individuelles et collectives

« C’est la clé de tout, le premier enjeu à relever, duquel dépendent tous les autres : accès à l’emploi, à la formation, aux commerces, services publics et loisirs, à la santé, aux dispositifs d’aide par exemple en cas de violences conjugales », souligne Annick Billon. Dans les zones rurales, les femmes détentrices du permis B sont 10 % moins nombreuses que les hommes. Or 80 % des déplacements s’effectuent en voiture puisque le réseau de transports en commun demeure restreint. De plus, l’éloignement des services publics accroît l’isolement des femmes rurales et la méconnaissance de leurs droits. « Les collectivités locales ont un grand rôle à jouer dans ce domaine. » Parmi les solutions envisagées : développer les transports publics, notamment à la demande, les aires de covoiturage et les services publics itinérants.

En zones rurales : 10 % de moins de détentrices du permis B (par rapport aux hommes).

3- Rendre plus accessibles la formation, l’orientation et l’emploi 

Les jeunes femmes dans les campagnes font moins d’études et exercent des métiers plus précaires qu’en ville, et à temps partiel. 52 % visent un Bac + 4 ou 5 contre 65 % de leurs homologues citadines. Pour y remédier, elles sont souvent obligées de partir car l’offre de formation et d’emplois à proximité est réduite, peu diversifiée et assez influencée par les stéréotypes de genre. Ainsi, 25 % d’entre elles travaillent dans le  soin et l’aide à la personne, où précarité, faible rémunération et horaires décalés sont plus fréquents. D’où un risque accru de pauvreté et de dépendance vis-à-vis du conjoint. Quelques idées suggérées dans le rapport : réaliser des campagnes de communication non stéréotypées, favoriser la mobilité territoriale, inciter les filières professionnelles à davantage de mixité, notamment dans les secteurs porteurs, mais également renforcer le soutien financier, l’information, l’accompagnement et la reconnaissance de l’entrepreneuriat féminin.

52 % des jeunes rurales visent un Bac + 4 ou 5 (65 % des citadines).

4- Améliorer l’accès aux soins  

Les femmes rurales sont particulièrement impactées par l’extension des déserts médicaux : dans 77 départements, la densité de gynécologues est inférieure à la moyenne nationale et 13 n’en ont aucun. S’en suivent un moindre dépistage des cancers féminins. Par ailleurs, le nombre de maternités a été divisé par 3 en 40 ans. Les leviers pouvant être actionnés en matière de santé : le recours à la médecine itinérante et aux téléconsultations (« mais encore faut-il qu’il n’y ait plus de zones blanches, sans couverture réseau tant internet que de téléphonie mobile », pointent plusieurs rapporteurs), la construction de centres périnataux de proximité, l’incitation à l’installation de professionnels (financièrement et via des regroupements dans des maisons de santé).

Nombre de maternités divisé par 3 en 40 ans.

5- Lutter contre les violences conjugales

50 % des interventions de gendarmerie pour violence envers une femme et 50 % des féminicides ont lieu en milieu rural, pour seulement 26 % des appels au numéro national des victimes et alors que seul un tiers de la population féminine française y vit. Des chiffres qui s’expliquent par un isolement géographique et social, une mobilité plus difficile, un manque d’information et de moyens de prise en charge. Pour les faire baisser, on peut agir en particulier sur la prévention et la sensibilisation, dès le plus jeune âge, et en informant davantage sur les dispositifs d’aide. Il convient aussi d’augmenter le nombre de structures d’accueil et de personnels dédiés.

Violences conjugales : 50 % d’interventions de gendarmerie et de féminicides.

6- Atteindre la parité dans les instances politiques locales

Certes, depuis la loi de 1999, on observe une nette féminisation parmi les élus locaux, mais la part des femmes reste peu importante. Principales raisons évoquées : une formation insuffisante, des difficultés à se faire entendre, à concilier ses engagements avec la vie professionnelle et personnelle, mais également le fait de devoir faire face à la défiance de certains et parfois à des propos sexistes. La principale voie de progrès selon la délégation du droit des femmes du Sénat : « étendre l’obligation de parité, qui ne s’applique qu’à celles de plus de 1 000 habitants, à toutes les communes. » Autres suggestions : nommer un référent « égalité » dans toutes les communes et intercommunalités, puis encourager les réseaux d’élues et le « marrainage ».

Obliger toutes les communes à la parité.

« Au-delà de ces constats et des réponses qui peuvent y être apportées, listées dans le rapport, le challenge de taille maintenant est de faire bouger les lignes. La première étape : porter et faire adopter nos recommandations, de l’échelle nationale à locale. En prenant cette problématique à bras-le-corps, nous voulons montrer aux femmes rurales qu’elles ne sont plus seules », conclut Annick Billon.

Objectif maintenant : faire bouger les lignes, montrer aux femmes rurales qu’elles ne sont plus seules.