« Les femmes, des agriculteurs comme les autres »
TNC le 08/03/2023 à 05:02
À l'occasion de la journée internationale du droit des femmes, Terre-net donne la parole aux femmes de l'agriculture française. Céréalière, éleveuse ou future éleveuse, viticultrice et maraîchère : cinq agricultrices nous partagent la passion de leur métier.
Mettant à l’honneur l’agriculture et le terroir français, le Salon international de l’agriculture 2023 a fermé ses portes dimanche 5 mars. Mais nous avons souhaité prolonger les festivités encore un peu : retrouvez les portraits de cinq agricultrices rencontrées à cette occasion. Alix, Chloé, Pascale, Tifaine et Sophie nous présentent leur parcours, partagent leur vision du métier et leur passion.
Un métier qui a du sens
Installée dans l’Essonne, Alix Heurtaut a commencé ses études pour devenir infirmière, puis ses racines agricoles l’ont rapidement rappelée, elle se lance alors dans un BTS Acse (Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole). Alix cultive aujourd’hui du blé tendre, de l’orge, du colza et des betteraves sucrières sur la ferme familiale. Ce qui l’anime dans son métier : « le fait de participer à nourrir la population française et de travailler la terre, suivre le cycle complet des cultures. À la moisson, c’est une fierté de récolter le travail d’une année », explique-t-elle. « C’est aussi un métier très varié. Les années se suivent et ne ressemblent pas, notamment avec la météo. Il faut toujours s’adapter et faire évoluer ses pratiques, c’est hyper enrichissant. »
À Cintheaux dans le Calvados, Sophie d’Hoine a aussi repris les rênes de la ferme familiale alors que ses parents ne souhaitaient pas, « suite aux galères rencontrées, la voir faire perdurer cette activité ». Designer de formation, Sophie d’Hoine a effectué cette reconversion suite à un grave accident. Elle se présente aujourd’hui comme une « maraîchère de bien-être ». « Je suis revenue à la terre, c’est une reconstruction, un nouvel enracinement pour faire une agriculture qui a du sens, pour soigner et s’alimenter sainement », précise-t-elle. L’agricultrice est spécialisée dans les asperges vertes au printemps, les agrumes l’hiver ainsi que les légumes de variétés oubliées (petit pois carré de Caen, chou pointu de Valognes…). Elle travaille notamment avec des chefs restaurateurs et souhaite mettre en avant les circuits courts, qui permettent notamment d’avoir le retour direct de la clientèle sur ses produits.
Une révélation
Un contact qu’apprécie aussi particulièrement Tifaine Gatineau, à la tête d’un troupeau de 70 chèvres alpines. « Entre le soin aux animaux, la transformation et la commercialisation des fromages, c’est un métier très diversifié », remarque l’éleveuse qui s’est installée il y a un an en hors-cadre familial. « Je pensais travailler dans le milieu équin à la base. J’ai découvert l’élevage caprin lors de stages dans le cadre de mes études ». Une révélation pour Tifaine : « j’ai su à ce moment que c’était ça que je voulais faire ».
Installée entre terres et vignes à Thézac (Charente-Maritime), Pascale Croc n’est pas, non plus, issue du milieu agricole. Originaire du pays Basque et après des études littéraires, elle a découvert le métier aux côtés de son mari. « Nous avons choisi d’être agriculteurs et de travailler ensemble. […] La collaboration entre époux, cela n’a rien d’évident, ça s’apprend, ça se construit et ça s’entretient », partage-t-elle. « Dans ce métier, il n’y a aucune limite à la créativité, l’imagination, ce qu’on peut faire en relation avec les autres, que ce soit nos collaborateurs, nos collègues, les citoyens, les consommateurs… Je fais un lien fort aujourd’hui entre mes premières amours autour des arts plastiques et les paysages que l’on participe à construire quand on est agriculteur. »
« Comme les hommes, les agricultrices s’incarnent de différentes façons. Ma voie à moi, c’est d’être une agriculture technicienne, une agricultrice gestionnaire, une agriculture commerciale et une cheffe d’équipe. Il faut avoir un panel de compétences, mais j’ai pleinement conscience, après plus de 25 ans de carrière, que cela a ses limites. Pour le renouvellement des générations, il faut peut-être envisager d’avoir des spécialités et d’être moins » couteau suisse » », estime Pascale Croc.
« Faire avancer la mixité »
Aujourd’hui responsable d’une station de sélection en Saône-et-Loire, Chloé Vergneault prévoit de s’installer prochainement en tant qu’éleveuse de Charolaises. « Je suis passionnée et amoureuse de cette race. Je baigne dans ce milieu depuis toute petite, mon père est éleveur sélectionneur de Charolaises dans les Deux-Sèvres », explique Chloé, qui a suivi un cursus étudiant purement agricole et spécifiquement dans les productions animales, du Bac à la licence conseil et commerce. « J’ai déjà eu un projet d’installation avec mon père, qui n’a pas abouti. J’étais très jeune encore. J’aurais désormais « fait mes armes » le jour de mon installation. Le projet est de prendre la place d’un de mes beaux-parents et de m’installer avec mon conjoint en Saône-et-Loire sur une ferme 100 % charolaise. »
Alors qu’elle travaille dans le domaine de la génétique, un secteur très masculin, Chloé Vergneault observe que « le milieu agricole se féminise au fil du temps. Il faut certes faire sa place et prouver les choses, c’est peut-être moins évident que pour un homme, mais cela évolue dans le bon sens ! ». Pascale Croc s’attache à « prouver au quotidien que le métier est accessible à des gens qui ne sont pas nés dans le milieu agricole et aux femmes, qui sont des agriculteurs comme les autres ». Une mission que partage aussi l’association Vox Demeter. Ses objectifs : « mettre en lumière les femmes du monde agricole pour faire avancer la mixité, faire du lien et donner envie de rejoindre le milieu agricole », présente sa fondatrice, Anne Dumonnet-Leca. Les membres de l’association entendent également « contribuer à une meilleure représentativité des femmes dans la communication agricole » notamment. Un grand forum est d’ailleurs prévu en décembre 2023 sur ces sujets. À suivre…