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Au cœur de La Campagne, la benne agricole qui porte bien son nom


TNC le 17/10/2024 à 05:00
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La Campagne produit environ 300 bennes par an. (© TNC)

Reportage chez le constructeur du Pas-de-Calais, qui a plus que doublé son chiffre d’affaires en 10 ans et affiche de grandes ambitions dans un secteur extrêmement concurrentiel, tout en conservant une dimension familiale.

La Campagne. Quel meilleur nom pour des bennes au rouge pimpant qui sillonnent les champs et les chemins ? Ce patronyme idéal n’est pas le fruit d’intenses recherches en marketing : il s’inspire du village où est implanté le siège de l’entreprise, Campagne-lès-Hesdin, dans le Pas-de-Calais. « C’est vrai que c’est bien approprié. Les gens ne sont pas toujours au courant de cette origine », sourit Gautier Lecureux, 41 ans, le PDG de l’entreprise.

Au départ de La Campagne étaient deux frères, Antoine et Henri Corne, deux caractères bien trempés, qui se sont lancés, chacun de leur côté, dans la fabrication de bennes. En 1957, Antoine installe son petit garage à Vrély, dans la Somme. En 1964, à la recherche de terrains, il s’implante à Campagne-lès-Hesdin. L’entreprise n’en bougera plus.

Les soudures se font toutes à hauteur d’homme, pour le confort de travail et une meilleure qualité. (© Terre-net Média)

Dans ces années où tendre deux bâches dans un hangar faisait office d’atelier de peinture, il s’équipe d’une cabine dédiée dès 1973. « Le marché local, c’était la betterave et la pomme de terre, il fallait du costaud », souligne Gautier Lecureux. Antoine Corne voit vite loin et grand. À une époque où chaque canton a encore un ferronnier qui fabriquait des machines, lui exporte déjà sa production jusqu’au Canada ou en Afrique.

Le destin frappe cette ambition en plein vol : en 1976, l’avion d’Antoine Corne s’écrase alors qu’il se rend chez un concessionnaire en Seine-Maritime. « Il avait un petit coucou, il décollait de l’aérodrome d’Abbeville et se déplaçait comme ça », raconte le PDG. L’épouse d’Antoine, Antoinette, ça ne s’invente pas, prend les rênes de La Campagne. Pas simple pour une femme d’évoluer alors (et aujourd’hui encore) dans le viril milieu du machinisme.

Les caisses et châssis sont grenaillés pour permettre à la peinture de mieux accrocher ensuite. (© Terre-net Média)

Antoinette mène pourtant sa barque jusqu’à sa retraite en 1995, quand elle revend l’entreprise à Dominique Jocquin, issu d’une famille spécialisée dans la benne de camion. Le repreneur conserve l’histoire (l’entreprise se nomme aujourd’hui encore Antoine Corne, La Campagne en est la marque) et tous les employés. Il insuffle le savoir-faire et la modernité issus du monde du poids lourd : une cabine de grenaillage, un bureau d’études, des logiciels 3D…

C’est en 2003 que débarque Gautier Lecureux, alors tout jeune commercial en alternance. Un enfant de la campagne, avec et sans majuscule : ce fils d’agriculteurs gravit tous les échelons de l’entreprise, jusqu’à la racheter en 2015. « Je conserve cet esprit familial, à taille humaine. Le matin, je fais le tour et je salue tout le monde. Et je fais toujours un peu de clientèle, j’aime ça », confie le PDG.

Les résultats sont là : 3e constructeur en termes d’immatriculations de bennes agricoles en France en 2023, un chiffre d’affaires passé de 10 M€ en 2015 à 25 M€, 80 employés, un dossier d’homologation européenne en cours pour viser de nouveaux marchés comme les pays de l’Est…

Le montage permet d’ajouter toutes les options commandées par les clients. (© Terre-net Média)

Une croissance interne mais aussi externe, avec la reprise en 2019 de Panien, spécialiste de l’épandage, qui a rejoint le site d’Hermies, dans le Pas-de-Calais, où La Campagne fabrique ses plateaux à paille et porte-engins. La structure Panien – La Campagne vient d’ailleurs tout juste de voir le jour, le 1er octobre.

Pour continuer cette ascension, un tout récent bâtiment de 3 600 m² a vu le jour à Campagne-lès-Hesdin. Gautier Lecureux réfléchit déjà aux prochains agrandissements. L’usine, jadis à l’écart du village, est aujourd’hui entourée de maisons, souvent construites au fil des années par des salariés. Voir plus grand est une nécessité du marché : « les bennes sont de plus en plus grandes. Il y a 10 ans, on faisait 10 % de 3 essieux, maintenant c’est 70 % ».

La Campagne ne cesse de s’agrandir pour augmenter sa production et s’adapter à des bennes toujours plus volumineuses. (© Terre-net Média)

Pour sa matière première, La Campagne se fournit chez Arcelor. Dans le bâtiment de soudure, des retourneurs font pivoter la benne pour toujours travailler à hauteur d’homme. Direction ensuite le grenaillage — « nous avons deux cabines, la peinture accroche mieux ensuite » — et la peinture pour les caisses et châssis (deux couches d’apprêt époxy et deux de laque polyuréthane pour résister aux UV). Les petits accessoires sont, eux, peints à la poudre et passés au four.

Vient alors le montage de l’hydraulique, des roues, des rehausses… « Toutes nos bennes sont standardisées et pré-équipées pour accueillir une passerelle, un bâchage, des garde-boue… Il n’y a pas besoin de ressouder pour rajouter une option plus tard », explique Gautier Lecureux. Chaque benne est enfin testée, soufflée et regraissée comme il se doit avant de partir retrouver… la campagne.