Comment les jeunes voient-ils leur futur métier d’éleveur ?
TNC le 30/09/2022 à 08:41
Nouveauté du Space 2022, l'espace Jeunes a fait la promotion des formations et professions agricoles auprès des lycéens, en leur donnant la parole pour qu'ils puissent exprimer leurs attentes et leurs interrogations. Huit d'entre eux nous expliquent pourquoi ils souhaitent devenir éleveur laitier, ou non. Prix, revenu, conditions de travail, environnement, relations avec la société... Découvrez le regard qu'ils portent sur le métier qu'ils envisagent et l'avenir de l'élevage en général.
Ils s’appellent Anaïs, Marie, Alizée, Estéban, Gautier, Gaylor, Alexandre et Martin, ont entre 18 et 20 ans et sont en BTS Acse au campus agricole Théodore Monod du Rheu (Ille-et-Vilaine) ou au lycée agricole La Ville Davy à Quessoy (Côtes-d’Armor). Au Space, ils sont venus avec leur établissement au sein de l’Espace Jeunes, une nouveauté de l’édition 2022 pour mettre en avant les formations et professions de l’agriculture et de l’élevage auprès des lycéens, et leur permettre de s’exprimer sur leur avenir.
Partager leurs envies, interrogations, inquiétudes
Anaïs et Estéban, par exemple, ont participé à une table-ronde avec le ministre de l’agriculture, auquel ils ont posé des questions pour le moins pertinentes : comment redonner de l’attractivité au métier d’éleveur et de salarié agricole, comment faciliter les reprises d’exploitations dont les montants s’alourdissent de plus en plus, est-ce que les agriculteurs dépendront toujours des aides Pac… ?
Lors d’un deuxième débat, Marie et Alexandre, eux, ont questionné Loïc Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne, sur ces mêmes thématiques et sur la volonté ou non des politiques de promouvoir une agriculture forte et diversifiée. Quant aux quatre autres jeunes, ils ont saisi l’opportunité qui leur était donnée de partager, avec les personnes présentes, leurs projets, leurs envies, leurs interrogations, leurs inquiétudes.
Comment redonner de l’attractivité à l’élevage ?
La relève est là, motivée et les pieds sur terre !
Encourageant et même réconfortant : la relève est là, prête et motivée pour répondre au défi du renouvellement des générations en élevage. Et pas de n’importe quelle façon, simplement pour réaliser un rêve d’enfant. Au contraire, ces jeunes, du milieu agricole ou non, font preuve de maturité et ont les pieds sur terre.
Ils savent ce qu’ils veulent et ne veulent pas, et nous le disent !
Ça fait plaisir à voir ! Ils ne se lancent pas à la légère, sans réfléchir au préalable à la manière dont ils vont exercer leur métier d’éleveur laitier, aux conditions et temps de travail en particulier (d’ailleurs, la plupart préfère ne pas s’installer tout de suite pour d’abord gagner en expérience). Ni sans se soucier de la conjoncture difficile, du manque de revenu, des enjeux environnementaux, du regard critique de la société à l’égard des agriculteurs. Ils savent ce qu’ils veulent et ne veulent pas.
« Vivons-nous de notre métier ? »
Anaïs ne vient pas du milieu agricole, mais souhaite « produire du lait » de vaches ou de chèvres. Pour « acquérir l’expérience » nécessaire, elle prévoit « d’être salariée dans des exploitations » pendant quelques années. Car elle devra en même temps « gérer la conjoncture et l’environnement », elle en a bien conscience. Alors elle « réfléchit aux solutions » pour y arriver même si elle « n’a pas encore toutes les réponses ». Estéban, lui, aimerait s’installer en bovin lait avec son oncle. Mais auparavant, il désire « aller voir ailleurs » pour approfondir ses « connaissances techniques », pourquoi pas dans le conseil en élevage. « L’avenir de la filière laitière », il y croit. Selon lui, « ce sera toujours un marché demandeur, même si la conjoncture pour les années qui viennent demeure floue ».
Depuis qu’il a 10 ans, Gautier, fils d’éleveur laitier, « passe tout son temps libre à la ferme ». Si aujourd’hui il remplace régulièrement son père le week-end, il envisage lui aussi de « faire autre chose » avant de devenir lui-même producteur et de « reprendre la ferme familiale ». « Dans le domaine du conseil et notamment la génétique, une passion », mentionne-t-il. « Comment sera la conjoncture au moment de l’installation ? Vivrons-nous de notre métier ? Comment les gens verront notre profession ? Ces questions, tous les jeunes futurs installés se les posent », souligne Gautier. Et c’est normal ! « Il y a toute une réflexion à mener car on ne s’engage pas que pour quelques années, mais pour une carrière entière », insiste-t-il.
« Avoir une vie perso »
Alizée « projette d’élever des chèvres laitières en conventionnel ». Son souci : « trouver de l’argent » pour concrétiser son installation en élevage. Améliorer la valorisation des ses productions, et en particulier des chevreaux, est aussi essentiel selon elle. « À 2 €, on ne peut pas vivre ! », lance la jeune fille. Quant à Martin, il a l’intention avec son cousin de rejoindre le Gaec familial d’ici une dizaine d’années. Au préalable, il va peut-être « travailler en coopératives ou en tant que salarié dans une ferme ». S’il ne sait pas encore s’il s’occupera de l’atelier lait ou porc, il est certain « qu’il devra faire des choix » pour « ne pas être esclave de son métier d’éleveur ».
Marie prendrait la suite de son père, producteur de lait, en créant une activité de transformation en fromages et yaourts. Mais pas avant 10 ans, le temps de faire ses armes en tant que conseillère et comptable. Elle tient à « avoir une vie perso et de famille, avec deux week-ends par mois et des vacances », pour se rapprocher de ce qui existe dans les autres professions. Alors Marie réfléchit à « s’associer avec un tiers ou embaucher un salarié à mi-temps ».
Alexandre se destine, « à plus ou moins long terme », à reprendre le flambeau de son père et son oncle, éleveurs de vaches laitières. « Si c’est possible, il ne faut pas se mettre non plus le couteau sous la gorge », précise-t-il. En attendant, il espère poursuivre ses études et avoir quelques expériences professionnelles hors exploitations agricoles. Son but par la suite : optimiser le confort de travail au sein de l’élevage, pour « se libérer du temps et ne pas s’user physiquement ». Gaylor, enfin, opterait plutôt pour le salariat que pour le métier de chef d’exploitation. Fils de producteur laitier, « il connaît les contraintes et l’astreinte », et aspire à davantage de « liberté », pour voyager entre autres. Outre les vacances, il évoque « le salaire fixe » et assuré alors que « quand on est agriculteur, on n’est pas sûr d’en avoir un pour vivre, surtout avec la conjoncture actuelle ».
Regard d’une enseignante sur ces élèves, futurs éleveurs
Claudine Le Guen, directrice du Campus Monod, « partage beaucoup de choses » qu’ont dites ces jeunes, dont certains sont scolarisés dans son établissement. « Ils sont matures pour leur âge, fait-elle remarquer. Leurs questions et leurs réflexions sont tout à fait pertinentes. Ce sont celles qu’il faut avoir en tête quand on veut s’installer ou devenir salarié en agriculture. »
Comment l’enseignement agricole peut-il les aider à relever tous les enjeux cités ? Le ministère de l’agriculture planche sur cette problématique depuis plusieurs années, à travers notamment le plan « Enseigner à produire autrement », avance Claudine Le Guen. « Il faut dépasser les modèles présentés traditionnellement, aux schémas parfois tout faits et plaqués sur chaque zone de production », ajoute-t-elle. Objectif : « que les jeunes se questionnent suffisamment sur leurs souhaits et les besoins de leur territoire, pour trouver le système d’exploitation le plus adapté. »