Comment s’adapter au contexte « carburants » et améliorer l’autonomie protéique?
Politique et syndicats le 08/02/2018 à 18:25
Pour répondre au triple défi de l’évolution du contexte autour des carburants, de l’indépendance protéique de la ferme France et du développement de la bioéconomie, la filière oléoprotéagineuse ambitionne d’augmenter les surfaces de 500 000 hectares en quatre ans.
Comme les autres interprofessions, Terres Univia a présenté mi-décembre 2017 son plan de filière. Un plan mettant en avant le « made in France » des huiles et protéines végétales. L’ambition de la filière est bien de « produire et transformer en France », pour à la fois réduire un déficit chronique en protéines végétales et s’adapter à une évolution de la réglementation sur les énergies renouvelables pas vraiment favorable.
« C’est bien par la valorisation concomitante des protéines – par la production de tourteaux – et de l’huile – dont un tiers est actuellement valorisé en alimentation humaine, et deux tiers en carburant renouvelable – que le développement de la culture des oléagineux, et plus particulièrement du colza, a pu s’opérer en France comme dans le reste du monde », rappelle Terres Univia. Cette double valorisation a ainsi conduit à réduire la dépendance nationale en matières riches en protéines à 45 % destinées à nos élevages, alors que ce taux tourne plutôt autour de 70 % en moyenne dans le reste de l’Union européenne.
Ceci dit, certains préfèrent, à juste titre parfois, regarder le verre à moitié vide : la France importe toujours près de la moitié des protéines, notamment pour l’alimentation animale. Pour une meilleure autonomie protéique, la filière ambitionne de développer les cultures oléagineuses et protéagineuses, dont les légumineuses à graines afin de passer de 2,5 à 3 millions d’hectares cultivés en France à horizon 2022. Soit une hausse de 20 % en seulement quatre ans !
Dans ce cadre, Coop de France Déshydratation, qui a participé à l’élaboration du plan de filière, entend développer la production de luzerne déshydratée sur 40 000 hectares supplémentaires.
Dans cette même quête d’indépendance protéique, il s’agit de développer « une filière nationale de soja non OGM clairement identifiable à tous les niveaux de la chaîne de valeur, de l’agriculteur au consommateur. Avec 142 000 hectares cultivés en 2017, pour une production de 400 000 tonnes de graines, la filière, qui projette 250 000 ha d’ici 2025, n’est qu’au milieu du gué. Les acteurs de la filière seront par ailleurs en mesure de proposer, dès la récolte 2018, « une charte « Soja de France » garantissant un soja d’origine France, non OGM, tracé et durable depuis la production jusqu’à la transformation de la graine. »
Pour les agriculteurs tentés par la production, la filière avance quelques arguments : « Intégrer le soja dans les rotations présente de nombreux avantages environnementaux et permet d’obtenir des rendements plus stables. (…) Il permet par exemple d’économiser 30 à 40 unités d’azote sur le maïs suivant. Le soja dispose également d’une bonne capacité à valoriser l’eau. Avec les variétés cultivées actuelles, il est peu sensible aux ravageurs et aux maladies et nécessite donc peu ou pas de protection insecticide ou fongicide en culture. Son implantation ne nécessite aucun matériel particulier, et il peut être désherbé mécaniquement. »
L’atteinte de ces objectifs ne sera possible que si la mécanique interprofessionnelle, de la graine semée par le producteur jusqu’à la protéine dans l’auge des exploitations d’élevage, est bien huilée. « Il faudra renforcer le partenariat avec les filières d’élevage pour adapter au mieux l’offre à la demande. »
Le plan de filière évoque donc un « plan protéines ambitieux », mais aussi la « volonté commune de développer les biocarburants coproduits avec les protéines » pour « éviter d’importer de l’huile de palme et réduire notre dépendance aux hydrocarbures fossiles ». La dynamique de la filière oléagineuse reste malgré elle dépendante de la politique énergétique européenne.
La consommation de gazole routier est destinée à diminuer voire disparaître à en croire certaines personnalités politiques. La directive européenne sur les énergies renouvelables dite « RED II » prévoit un taux d’incorporation maximum de biocarburant de première génération de 3,8 % d’ici 2030 alors qu’il tourne autour de 7 % en France depuis 2013. Le projet de texte européen impliquerait un déficit de 1,3 million de tonnes de tourteaux de colza (- 56 %). L’autonomie protéique passerait de 54 % à seulement 28 % entraînant une hausse massive des importations de tourteaux de soja. Difficile dans ces conditions d’atteindre les objectifs de la filière.
Les biocarburants de première génération ne seront plus, tôt ou tard, le pilier du développement de la filière oléagineuse. Et la filière doit nécessairement se concentrer sur les nouveaux débouchés. Un carburant « B100 » 100 % biosourcé issu d’ester de colza pour les flottes captives de camions en est un.
Reste que la filière devra être accompagnée par une politique elle aussi ambitieuse, notamment en matière de recherche et de soutien à l’innovation, mais aussi en accompagnement des producteurs et transformateurs. « Un premier chiffrage des surcoûts induits par ces transformations a été effectué en synergie avec Intercéréales. Terres Univia et Intercéréales chiffrent à 10,225 Mds€ sur 15 ans le coût nécessaire à la transition des exploitations et le soutien aux productions céréalières et oléoprotéagineuses. Auxquels il faut ajouter « 555 M€ spécifiques à la filière des huiles et protéines végétales », pour moderniser la logistique, le stockage et la transformation, développer la R&D et soutenir l’innovation « hors recherche publique ». Sans compter un « besoin de 15 M€ pour amorcer un fonds assurantiel pour les agriculteurs. Car la gestion des aléas et de la volatilité des marchés reste, pour l’heure, un enjeu sans réponse adéquate. »