François Purseigle : Des agriculteurs conscients qu’ils peuvent « disparaître »
Communication agricole le 25/02/2017 à 16:25
« Beaucoup d'agriculteurs français sont conscients qu'ils sont susceptibles de disparaître », mais des idées d'organisation innovantes sont en train d'émerger, explique le sociologue François Purseigle (INP-Ensat/Cevipof) au jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture.
Quelle est l’évolution du paysage sociologique et géographique de l’agriculture française ?
« Les agriculteurs sont définitivement en minorité dans la société française, avec moins de 3 % de la population active. Depuis 5-6 ans, il y a une « conscientisation » qu’ils sont susceptibles de disparaître sur leur propre exploitation. Il s’agit d’un facteur-clé dans le malaise agricole. Des crises, ils en ont traversé beaucoup, mais pour la première fois, ce n’est pas le voisin qui est touché par la crise.
Faute de rentabilité de productions traditionnelles, beaucoup ne trouvent pas de repreneurs pour leurs exploitations, les enfants d’agriculteurs ne veulent pas forcément rester dans le métier. Le problème est d’autant plus perceptible qu’on voit beaucoup de jeunes arriver dans la profession avec des projets qui ne correspondent pas aux structures des exploitations à vendre. Ceci conduit beaucoup de familles propriétaires à mettre en place des mesures de sécurisation juridique de leur patrimoine pour permettre de dissocier le patrimoine familial, de l’exploitation. Ce qui les conduit aussi à chercher du personnel pour « faire » à leur place.
On voit aussi de plus en plus en plus d’entreprises agricoles qui se préparent à faire évoluer leurs structures juridiques et qui ne s’interdisent pas, demain, de recevoir des capitaux extérieurs. Au plan géographique, c’est la France de l’ouest qui a vécu le plus de crises à répétition, le porc, la volaille, le lait ont beaucoup trinqué ».
Comment sont accompagnés les nouveaux agriculteurs pour entrer dans le métier ?
« Cette profession se pense désormais sur un temps court, ce qui n’était pas le cas avant, notamment l’entrée dans le métier est beaucoup plus tardive qu’avant. Et le niveau de formation ne cesse de progresser. Un point positif, depuis cinq ans, on a vu émerger de nouveaux dispositifs d’accompagnement à l’installation, portés par des associations, qui font un travail de couveuse d’entreprise, pour permettre à des jeunes d’entrer progressivement dans le métier, des coopératives aussi ont innové pour accompagner des projets d’installation ».
Quelles solutions voyez-vous se dessiner pour engager la mutation de l’agriculture ?
« Je suis frappé par les solutions de facilité proposées par certains politiques. Les circuits courts et les circuits bio sont une solution dans certains cas, mais non, ça ne constituera pas l’alpha et l’omega d’une politique agricole. Ça demande un investissement technique, une appétence pour des questions commerciales. Il ne faut pas oublier que certains agriculteurs n’ont pas choisi ce métier pour faire du bio, mais pour produire, c’est tout.
Du côté positif, on constate de nouvelles façons de penser l’entreprise, des initiatives comme le co-farming qui sont de nouvelles façons de penser l’échange, de mutualiser l’échange de matériels via des plateformes, au delà des formes traditionnelles d’échange. Depuis cinq ans, on voit aussi arriver des plateformes de vente directe de produits, on voit des nouvelles façons d’échanger du service. Les agriculteurs n’attendent plus que tout vienne d’en haut. »