L214 relève les failles, aux éleveurs d’apporter leurs preuves !
TNC le 11/12/2018 à 14:25
Comment répondre à L214, qui milite pour l’abolition de l’élevage ? Depuis deux ans, avec des actions coup de poing, des vidéos chocs et un discours accessible à tous, cette association est devenue le « chouchou » des médias grands publics. Deux experts de la communication se sont penchés sur le sujet et ont décrypté ses méthodes. Ils conseillent à la filière élevage de reconnaître et de réparer ses erreurs et aux éleveurs d'expliquer leur métier directement au grand public, par exemple sur les réseaux sociaux.
« Les ingrédients d’une communication explosive » : voici le titre (qui en dit long) de l’étude réalisée par Amaury Bessard (directeur réputation et communication sensible de l’agence Shan et vice-président du Syrpa) et Olivier Cimelière (special adviser chez Saper Vedere) sur la communication de l’association L214. Créée en 2008, l’association est en fait reconnue par le grand public depuis seulement deux ans du fait de ses actions chocs qui se multiplient et qui trouvent un écho médiatique et sociétal de plus en plus important. Les deux experts ont tenté d’en savoir plus sur cette stratégie de communication.
Agriculteurs : apportez vos preuves !
Inscrits dans le courant antispéciste et prônant le régime vegan, ses dirigeants et militants ont pour objectif d’abolir l’élevage. Pour cela, ils dénoncent les dysfonctionnements du système (des conditions déplorables dans certains abattoirs, des mauvais traitements dans certains élevages, etc.). Amaury Bessard affirme : « Ils attaquent le système par ses failles. Ils sont dans une communication intensive négative et tentent de susciter l’émotion et ça marche ! Leur stratégie est efficace et ne laisse aucune chance aux agriculteurs de riposter. En effet, comment se justifier face à de tels scandales ? »
Il avoue alors : « Faire face à ces attaques est complexe et on pourrait croire, à chaud, que la guerre est perdue d’avance mais ça n’est pas le cas ! Le monde agricole doit accepter d’avoir perdu une bataille, il n’est pas armé de la même manière. Il lui faut davantage travailler sur du long terme pour revaloriser son image. »
Il conseille alors aux éleveurs : « Il ne faut pas jouer sur le même terrain que l’opposition : on ne peut pas monter une nouvelle propagande pour contrer la leur. La filière doit se mobiliser, accepter que certaines choses ne vont pas, reconnaître ses erreurs et expliquer comment les réparer. Les français font encore suffisamment confiance aux agriculteurs pour que ça fonctionne (cf. le dernier baromètre d’image des agriculteurs de l’Ifop). »
Selon l’expert de la communication, « Le monde agricole doit plus et mieux communiquer. Les agriculteurs commencent à s’y mettre mais leurs actions n’interpellent pas encore les médias grand public comme peuvent le faire celles de L214 par exemple. Nous ne devons plus être dans une communication « one to many » : l’interprofession seule ne suffit plus à convaincre le consommateur. Un éleveur qui explique sa façon de travailler via les réseaux sociaux est aujourd’hui bien plus crédible aux yeux de la population. Il se doit de prouver toute la légitimité de l’élevage. » Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à communiquer ainsi ; on peut par exemple citer Agriskippy, Agrikol, Thierry Bailliet, Elodie, Théo, et des communautés comme Agribretagne, Franceagritwittos et bien d’autres…
Enfin, le professionnel explique : « Si l’association L214 a une vision plutôt idéologique et commet des actions émotionnellement brutales, elle condamne toutefois les actions violentes comme celles récemment menées contre les boucheries. Ces mouvements violents desservent l’image véhiculée par la communauté végan et ils peuvent leur porter préjudice. C’est ce à quoi on assiste actuellement aux États-Unis : les antispécistes, qui étaient (là-bas aussi) devenus les chouchous des médias, ont vu leur cote baisser depuis quelques temps. En effet, l’opinion publique peut changer d’avis et condamner ces actions violentes et cela a comme effet de rééquilibrer la balance. »
Des images, de l’exclusivité et du rayonnement
Dans leur étude, les professionnels de la communication ont mis en avant trois cas pour comprendre la stratégie de mobilisation médiatique de L214 :
– Le 6 septembre 2017, l’association divulgue des images filmées en caméras cachées dans un élevage de poulets. Les vidéos sont diffusées en exclusivité à la télévision en accès prime time sur TMC dans l’émission Quotidien.
– Le 19 décembre 2017, L214 sort une enquête sur l’élevage de lapins Orylag. La révélation se fait sur un mode bi-canal : une exclusivité avec la rubrique environnement du journal Le Monde et une vidéo Brut sur les réseaux sociaux.
– Le 22 février 2018, une nouvelle campagne voit le jour sur les réseaux sociaux. Il s’agit de #BalanceTaFourrure. Pour cela, l’association s’est associée à Kim Glo, une personnalité issue de la téléréalité. Cela permet aux activistes de faire rayonner leur message au-delà de leur sphère d’influence traditionnelle.
Selon Amaury Bessard et Olivier Cimelière : « La force de L214 ne réside plus seulement dans sa capacité à tourner des images chocs mais également, et peut-être surtout, dans sa capacité à les diffuser au plus grand nombre. » Sa feuille de route est la suivante :
- du contenu à fort impact (images chocs) diffusé en plusieurs formats selon les plateformes (réseaux sociaux, site de l’association, média, etc.) ;
- un rayonnement large grâce à des porte-paroles et ambassadeurs toujours plus importants et diversifiés ;
- une négociation des exclusivités lors du lancement de ses campagnes avec notamment Le Monde et Le Parisien.
Se mobiliser pour Attirer
En analysant la sphère d’influence de l’association sur Twitter, les experts ont identifié quatre grandes communautés :
– les souverains et « patriotes » : ce sont des personnes de droite et d’extrême droite, plutôt favorables à l’amélioration du bien-être animal qu’à l’abolition de l’élevage ;
– une communauté végan constituée de personnes socialistes, du front de gauche et du mouvement Europe écologie les verts ;
– une communauté végan et protection animale anglophone ;
– et une communauté végan et protection animale francophone.
Selon eux, L214 ne parvient pas à décloisonner les communautés qui relaient ses messages et n’arrive pas encore à mobiliser l’ensemble de son écosystème. En revanche, elle réussit à mobiliser suffisamment pour attirer le regard et l’attention. À nous et à tous les professionnels du monde agricole de travailler main dans la main pour ramener les micros et caméras aux réalités positives de l’élevage !
>> Pour agir en ce sens, le Crédit Mutuel devient partenaire de la nouvelle catégorie « Agriculture et Territoires » du concours « Je filme le métier qui me plait ». Pour plus d’informations : https://www.jefilmelemetierquimeplait.tv
>> Pour en savoir plus, consultez l’étude sur L214 : Les ingrédients d’une communication explosive