La fronde contre la baisse brutale des tarifs du photovoltaïque s’amplifie
TNC le 14/03/2025 à 12:52
Dégressivité accrue, prix du mégawattheure raboté, limitation des installations… Les acteurs de la filière font pression sur le gouvernement pour ne pas « mettre à l’arrêt toute une partie d’une filière en plein essor » et « priver les agriculteurs d’un complément de revenus parfois vital ».
Le gouvernement diminue son soutien à l’énergie photovoltaïque pour les installations de faible puissance sur les toitures de bâtiments, notamment le « segment S21 » de 100 à 500 kWc qui concerne principalement les agriculteurs. L’arrêté est à retrouver sur le site du ministère de l’Économie.
Le tarif d’achat de l’électricité solaire sur ce segment est passé, rétroactivement au 1er février, de 105 € à 95 € le mégawattheure (MWh). La modification du facteur de dégressivité entraînera une chute progressive du tarif jusqu’à 80 €/MWh dès mai 2025 en cas de dépassement des objectifs de production. Des appels d’offres simplifiés seront mis en place pour toute nouvelle installation, dont le nombre sera contrôlé car l’État entend privilégier les très grosses structures.
« Le tarif de soutien sera ajusté pour préserver l’équilibre économique des projets, tout en maîtrisant la dépense publique. Ce soutien sera réservé, dès juin 2026, aux projets faisant l’objet d’un approvisionnement résilient européen, avec un tarif adapté à cet horizon. Ce critère offrira des débouchés aux usines européennes et favorisera la réimplantation de projets industriels au niveau local », met en avant le ministère de l’industrie et de l’énergie.
« Plus aucun projet ne sera viable économiquement »
Le gouvernement espère ainsi contrer le quasi-monopole de la Chine sur la production de panneaux photovoltaïques et canaliser le segment S21 qui a connu un essor fulgurant ces dernières années en prenant une ampleur qu’il estime ne plus maîtriser. Des arguments qui ne convainquent pas les principaux concernés.
Les deux principaux syndicats qui structurent la filière, Enerplan et le Syndicat des énergies renouvelables, ont déjà fait part de leur hostilité, en assénant que « plus aucun projet ne sera viable économiquement en 2025 » sur ce segment.
60 000 emplois menacés
« Les agriculteurs porteurs de ces projets ont des besoins réels en bâtiments (mise aux normes, bien-être animal…). La production d’énergie photovoltaïque est un levier de transition énergétique de l’agriculture mais également une source de revenu diversifiée à l’heure où les revenus agricoles sont massacrés », tacle de son côté la Coordination rurale.
Plusieurs élus prennent depuis quelques jours le relai de cette mobilisation. « Cette décision risque de mettre à l’arrêt toute une partie d’une filière en plein essor. 60 000 emplois qualifiés, directs et indirects et non délocalisables, sont menacés. Je pense aussi aux risques que cette réforme fait peser sur les agriculteurs, qui ne pourront plus bénéficier de ce complément de revenu parfois vital », a écrit, dans un courrier au gouvernement, Carole Delga, la présidente de la région Occitanie.
Des assouplissements rejetés par l’État
« Les modifications annoncées et le manque de concertation des acteurs de la filière risquent de mettre en péril les projets solaires territoriaux, les modèles portés par les collectivités et structures associées mais aussi les projets photovoltaïques des agriculteurs. Dans le Gers, 80 % des installations photovoltaïques en toiture concernent des exploitations agricoles », alerte le sénateur du Gers, Alain Duffourg, qui appelle le gouvernement à « suspendre sa décision » et à ouvrir le dialogue « avec tous les acteurs de la filière ».
Enfin, même le Conseil supérieur de l’énergie, instance consultative fédérant tous les acteurs concernés par la réglementation énergétique en France (entreprises, syndicats, consommateurs, élus…), s’est joint aux critiques. Il s’oppose à une dégressivité excessive et brutale du tarif d’achat de l’électricité et préconise le maintien d’un tarif fixe à 95 € / MWh jusqu’à la mise en place d’un nouveau dispositif encadrant la filière. Cette proposition, votée même par EDF, a été rejetée par les représentants de l’État.