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Laforge, partenaire historique de John Deere, s’est façonné un nom


TNC le 31/03/2025 à 17:53
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Laforge est l'un des deux derniers fabricants de relevage avant en France. Il y en avait une quarantaine dans les années 1990 ! (© TNC)

Le fabricant installé aux confins de l’Aisne, renommé pour ses relevages avant, a su gagner au fil des années la confiance des grands tractoristes, et notamment celle du géant américain, tout en affirmant son identité.

Les pierres extraites de son sol furent utilisées pour bâtir la cathédrale où la France sacrait ses rois. À Hermonville, petite bourgade au nord de Reims, construire solide et durable est une tradition. C’est ici qu’est né en 1972 le spécialiste du relevage avant, l’entreprise Laforge, du patronyme de son fondateur, prénommé Michel.

« Nous avons gardé le nom. Il est plutôt bien adapté à notre secteur d’activité », sourit Hervé Defrancq, l’actuel directeur général.

La disposition moderne en U de l’usine, construite en 1991, facilite le flux de production. (© Terre-net Média)

Agriculteur et garagiste, Michel Laforge était du genre à penser qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. À la recherche d’une effeuilleuse trois points, déçu par Herriau, constructeur réputé de l’époque, il retrousse ses manches, met au point sa machine et, tant qu’à faire, la commercialise, à une période où le taux d’équipements dédiés aux betteraves explose.

Rebelotte pour le relevage avant. Quand Lemoine, spécialiste des attelages tracteurs, ne répond pas à ses attentes, l’exigeant Michel se dit qu’il peut le faire tout seul. L’identité de l’entreprise se dessine.

Les tôles sont découpées par plasma et par oxycoupage jusqu’à 60 mm d’épaisseur. (© Terre-net Média)

Dans les années 1980, un autre intrépide autodidacte entre alors dans la danse : Hubert Defrancq, fils d’agriculteurs venu de l’Aisne voisine qui avait déjà déposé un brevet de charrue avant… à 16 ans ! Elle sera d’ailleurs commercialisée par Naud.

Laforge fait appel à Hubert comme consultant pour élaborer une machine à peser. Le contact est noué. Michel approche de la retraite. En 1986, Hubert, qui a trouvé le temps de devenir ingénieur en géologie en parallèle, rachète l’entreprise. Il abandonne les effeuilleuses : « La production, une dizaine de machines par an, ne permettait pas de lutter ». Il se concentre sur le relevage avant qui a l’avantage de « fonctionner de la même façon sur tous les continents ».

La presse plieuse profite de l’élasticité de l’acier. (© Terre-net Média)

Laforge change de dimension lors du Sima en 1989. Les équipes de John Deere recherchent un partenaire pour équiper leurs tracteurs fabriqués aux USA et destinés au Vieux Continent. L’affaire est conclue. En revanche, le charme vintage de l’atelier d’Hermonville ne séduit pas les ingénieurs vert et jaune… En 1991, l’usine de Villeneuve-sur-Aisne sort de terre. Sa conception moderne, en U, offre deux travées, une dédiée au travail de l’acier et l’autre consacrée à la peinture et à l’assemblage.

« John Deere n’était pas une relation exclusive. Nous travaillions aussi avec Case, Fiat, Renault… Mais c’est une collaboration qui nous a tirés vers le haut, vers une culture de la qualité et de l’exigence », explique Hervé Defrancq.

Une quarantaine de personnes travaillent sur le site de l’usine de Villeneuve-sur-Aisne. (© Terre-net Média)

En France, une quarantaine d’entreprises construisaient alors des relevages avant. Il n’en reste que deux. « Mon père était très orienté solution technique, contrôle électronique, report de charge, gestion du lestage… Chaque cheval du tracteur était utilisé. Il était aussi très présent sur le terrain. Il n’y avait pas de monte usine, tout passait par les concessionnaires ».

Cette technicité poussée se heurte dans les années 2010 à la banalisation du relevage avant. En résumé : pas besoin d’une solution à la pointe pour porter une masse ou une cuve. Hervé, passé par une école de commerce, vient épauler son père en 2014, après quelques années en Suisse dans le trading d’engrais. « Il était inquiet. Laforge, c’était son bébé. Nos visions ne correspondaient pas toujours mais être tous les deux l’a soulagé et il a eu l’intelligence de me laisser la place progressivement ».

Les pièces passent au grenaillage avant la mise en peinture. Au fil des années, les crochets ont pris la couleur verte du partenaire historique, John Deere ! (© Terre-net Média)

En 2022, Hervé Defrancq rachète une entreprise plus diversifiée. Le système DynaTrac, lancé en 2019 et médaille d’or au Sima, guide les outils. Un peu plus tôt, sur une idée du bureau d’études de John Deere, l’EZ Ballast, un système de lestage flexible primé à Agritechnica, voit le jour en 2017.

« Nous sommes passés de sous-traitant à le commercialiser nous-mêmes. Mettre une option au catalogue, pour John Deere, c’est très lourd, il faut du volume. Nous apportons de la souplesse ».

L’EZ Ballast, d’abord dédié aux 7R, débarque en ce mois de mars 2025 sur les 6R 230 et 6R 250 fabriqués par John Deere à Mannheim en Allemagne. Un partenariat avec Agco, pour l’usine Massey Ferguson de Beauvais, a également été noué en janvier. « Nous ne faisons pas que de la découpe, de l’usinage ou de l’assemblage. Nous comprenons le produit final et sommes force de proposition avec notre bureau d’études. Cette agilité plaît aux tractoristes ».

Si quelques pièces ressortent en rouge, les parois vertes de la chaine de peinture témoignent elles aussi des liens étroits avec John Deere… (© Terre-net Média)

Laforge réalise plus de 80 % de son chiffre d’affaires, qui tourne autour des 20 M€, à l’export. L’entreprise possède d’ailleurs depuis 2007 une usine dans l’Iowa, où sont fabriqués des ponts roulants, à deux pas du site emblématique de John Deere à Waterloo.

Les 80 salariés du groupe sont répartis à parts égales entre la France et les USA. « Nous avons aujourd’hui plusieurs cordes à notre arc, nous avons retrouvé une dynamique », se félicite Hervé Defrancq.