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Académie d'Agriculture de France

Le lin oléagineux


Philippe LETERME, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 21/08/2023 à 17:02
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(©Gardenia.net)

Le lin peut être cultivé pour produire de la fibre ou des graines oléagineuses.

1) Présentation de la culture et des zones de production


Le lin oléagineux est cultivé sur plus de 4 millions d’hectares dans le monde, avec un rendement moyen de 8 quintaux par hectare (source FAO 2021), l’Union européenne ne représentant que 4 % de la production mondiale (source Oil Word 2010).
En France, en 2021, la surface de lin oléagineux dépassait les 37 000 hectares avec une zone principale de production s’étendant du Sud de la Champagne jusqu’aux Charentes . Compte tenu des débouchés de cette culture, la filière souhaiterait porter cette surface à au moins 50 000 hectares dès 2024.
Cet objectif semble tout à fait atteignable compte tenu des atouts de la culture. Cette culture de diversification peut être de type hiver ou de type printemps. Le lin d’hiver s’implante de septembre à octobre, et se récolte de début juillet à mi-août. Celui de printemps s’implante de début mars à mi-avril, pour se récolter de début août à mi-septembre. Le choix entre les deux types est essentiellement guidé par l’espérance de rendement (le type hiver est plus productif) et les risques climatiques (froids excessifs en hiver défavorables aux lins d’hiver, sécheresse en fin d’été préjudiciable au lin de printemps). Les semis du lin d’hiver, entre le colza et les céréales à paille, s’insèrent facilement dans le calendrier de travail. Ceux du lin de printemps précèdent les semis de cultures d’été (tournesol, maïs, soja…).

Le lin oléagineux s’avère par ailleurs un excellent précédent de céréales à paille, ce qui lui permet de diversifier et allonger les rotations habituellement pratiquées en grandes cultures. En France, environ 80 % du lin oléagineux est de type hiver. Cela a correspondu à un renversement complet de la production depuis les années 2000, le lin d’hiver ayant jusque-là été anecdotique.
Les graines sont de petite taille (poids de 1 000 graines variant de 5 à 8 grammes), et sont jaunes ou brunes selon les variétés.

2) Utilisation des graines


La trituration des graines permet de produire de l’huile et des tourteaux utilisables en alimentation animale. En 2020, elle concerne environ 15 % du marché national des graines de lin. La graine contient de 35 % à 38 % d’huile et de 20 % à 22 % de protéines.
La composition en acides gras est remarquable avec plus de 55 % d’acide alpha-linolénique (oméga 3), 15 % à 18 % d’acide linoléique (oméga 6) et 17 % à 20 % d’acide oléique. De ce fait, la teneur en acides gras saturés est réduite à moins de 10 %. Ces caractéristiques confèrent à l’huile une forte siccativité et réactivité, en faisant ainsi une matière première de choix pour la fabrication du linoléum (revêtement de sol), de peintures et d’encres, mais aussi de savons.

Par ailleurs, la mise en évidence du rôle bénéfique sur la santé humaine de l’acide alpha-linolénique et du déficit de cet acide gras dans les régimes alimentaires a donné au lin un intérêt potentiel en alimentation humaine. Cependant, la forte teneur en acides gras insaturés (90 %) rend l’huile difficile à conserver, si bien que l’utilisation en alimentation humaine a longtemps été interdite par les pouvoirs publics. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais cette utilisation reste très faible. En revanche, on assiste depuis quelques années à un accroissement de l’utilisation directe des graines dans des produits de boulangerie et viennoiserie, mais là encore, cette utilisation reste faible.

3) Éléments de l’itinéraire technique du lin oléagineux

Le Guide technique Lin Oléagineux 2022 (Terres Inovia), propose de nombreuses recommandations pour construire et optimiser l’itinéraire technique. On ne retiendra ici que quelques points :


Choix variétal : outre le traditionnel rendement, les principaux critères utilisés pour le choix variétal sont la tolérance au froid, la résistance à la verse et la tolérance à la fusariose (seul moyen de lutte contre cette maladie).

Choix de la parcelle : on respectera un délai de retour de 4 à 5 ans pour limiter les risques phytosanitaires. Le lin étant une culture peu couvrante, on évitera de l’implanter dans des parcelles où la pression des adventices est forte.

Fertilisation : besoins faibles en phosphore et potasse, relativement limités en azote (des apports supérieurs à 100 kilogrammes par hectare ne se justifient que dans des situations à très fort potentiel de rendement). Une mention spéciale est à accorder au zinc, que le lin exporte beaucoup (300 grammes par hectare d’élément pur). L’utilisation de semences enrobées avec du zinc permet d’anticiper le risque de carence.

Désherbage : de manière préventive, on privilégiera des parcelles « propres », ainsi que des rotations longues et diversifiées permettant de gérer efficacement le stock de semences adventices. Plusieurs déchaumages avant le semis créeront des faux lits de semences réduisant ce stock.
En curatif, le désherbage mécanique pourra être utilisé si les conditions sont favorables (sol ressuyé, absence de pluies). Enfin, des solutions de désherbage chimique existent pour gérer préventivement les situations les plus critiques.

Maladies : deux maladies principales :

  • La septoriose, qui se manifeste en situations humides et douces avec de fortes densités de végétation ; en cas de forte attaque, des solutions fongicides existent.
  • Ce n’est pas le cas pour la fusariose, où le seul moyen de lutte réside dans l’utilisation d’une variété tolérante et dans l’allongement du délai de retour du lin (au moins 4-5 ans) pour réduite l’inoculum.

Gestion des résidus : les pailles de lin sont fibreuses. Elles peuvent être récoltées et valorisées directement (isolation des bâtiments), mais le plus souvent seront incorporées au sol. Pour faciliter leur décomposition, un broyage soigneux est nécessaire.
En règle générale, grâce à son système racinaire, le lin laisse une structure de sol favorable à la culture suivante, ce qui permet une implantation avec un travail du sol minimum.
Il facilite le désherbage des céréales à paille ou du colza, notamment pour les parcelles où sont présentes des crucifères et du géranium, en créant une rupture dans les rotations. Le lin s’avère ainsi une excellente tête de rotation.

Rendements, charges et marges d’un blé de lin et d’un blé de blé (enquête en Eure-et-Loir 2009, Terres Inovia)
rendement, charges opérationnelles et marges brutes observées pour un blé de lin ou un blé de blé.

4) Résultats techniques et économiques


Le lin d’hiver peut produire régulièrement 20 à 25 quintaux par hectare, en conditions favorables, seulement 15 à 18 quintaux par hectare dans les terres à faible potentiel, ce qui peut demeurer rentable si les charges sont maîtrisées.
Les rendements du lin de printemps sont plus irréguliers mais peuvent atteindre 20 quintaux par hectare.
Les charges opérationnelles sont similaires entre lin d’hiver et de printemps, comprises entre 450 et 600 € par hectare, dans le contexte de prix de début 2022.
Le principal poste de charge est la fertilisation. Les charges de pesticides sont modérées en cohérence avec l’indice de fréquence de traitement relativement faible de la culture (3,8 en 2017 – source Agreste 2019).

Marges brutes indicatives (en €/ha) du lin oléagineux (source Terres Inovia)


Le tableau ci-dessus présente l’éventail des marges brutes indicatives atteignables en lin oléagineux pour un niveau de charges de 550 € par hectare, en fonction du rendement et du prix de vente.
La culture est généralement produite sous contrat avec un acheteur, après fixation d’un prix de vente : cela permet de sécuriser le résultat dans un contexte de volatilité des prix.

Académie d’Agriculture de France (academie-agriculture.fr)

(©Académie d’agriculture de France)



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