Le tournesol (helianthus annuus)
Philippe LETERME, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 09/06/2023 à 11:07
Le tournesol est une astéracée dont les fleurs (ou fleurons) sont groupées en capitules de grandes dimensions. Deux types de fleurons sont visibles : les périphériques ligulés (avec un pétale jaune) sont stériles, de grande taille et généralement jaunes, tandis que ceux du centre, qualifiés de tubulés, sont hermaphrodites et disposés en spirales de Fibonacci.
Le tournesol est cultivé pour la production d’une huile alimentaire de bonne qualité, et les sous-produits de sa trituration (tourteaux) sont utilisés en alimentation animale. Un nouveau type de tournesol est apparu depuis quelques années : appelé tournesol oléique, il fournit une huile composée à 80 % d’acide oléique dit oméga 9, ce qui lui confère une excellente résistance aux températures élevées (friture). Il existe cependant des tournesols sauvages introduits fortuitement, qui sont parfois difficiles à détruire et produisent des graines pauvres en huile, diminuant le rendement. Certaines espèces voisines peuvent être envahissantes comme Helianthus tuberosus (le topinambour).
Aire de la culture
Près de 80 % du tournesol mondial est produit dans le sud du continent européen : grosso modo un tiers dans l’Union européenne, un tiers en Ukraine et un tiers en Russie. En France, le tournesol couvre, en 2021, près de 700 000 hectares (sur une surface totale de terres arables de 17,9 millions d’hectares) répartis quasiment dans toute la France, à l’exception de la bordure maritime nord-ouest et du Massif central sud. Les surfaces en 2022 (880 000 hectares) progressent notamment dans la région Centre et le Sud-Ouest (Figure 1). La production est en majorité oléique (77 %), cette proportion restant stable.
Matériel végétal disponible, cycle de développement et élaboration du rendement
Le catalogue officiel national compte plusieurs dizaines de variétés, essentiellement des hybrides, se distinguant par leurs caractéristiques physiologiques, leur précocité, leur potentiel de rendement, leurs résistances aux bioagresseurs, leur tolérance à certains herbicides et leurs qualités technologiques.
Les principaux critères de choix des agriculteurs sont le type de tournesol (linoléique c’est-à-dire classique, ou oléique), la précocité, la sensibilité aux maladies (phomopsis, verticilium, sclérotinia), le profil de résistance au mildiou, la tolérance à l’orobanche (plante parasite sévissant dans certaines régions) et le rendement. La hiérarchie entre ces critères dépend des risques spécifiques liés aux parcelles choisies.
Les semis de tournesol se réalisent en majorité en avril quand les conditions de température (> 8 °C à 5 cm de profondeur) et d’humidité (sol ressuyé) sont réunies. Ces conditions permettent une levée rapide et vigoureuse, indispensable pour limiter les dégâts d’oiseaux, gibiers et limaces qui peuvent aller jusqu’à détruire la culture. La densité semée est de l’ordre de 70 000 à 75 000 graines par hectare. Pour presque la
moitié de la sole de tournesol, des couverts végétaux sont implantés avant le semis afin d’éviter les sols nus en hiver (mélanges à base de légumineuses, de crucifères, de phacélie). Les récoltes s’étalent de la mi-septembre à la mi-octobre, en fonction des conditions climatiques et de la précocité variétale.
Les récoltes s’étalent de la mi-septembre à la mi-octobre, en fonction des conditions climatiques et de la précocité variétale. Les besoins thermiques de la culture pour réaliser son cycle complet sont variables (somme des températures moyennes journalières au-dessus du zéro de végétation nécessaire pour aller du semis à la maturité). Selon la valeur requise, les variétés sont classées en cinq groupes de précocité : très précoce, précoce, mi-précoce, mi-tardive, tardive.
Avec un zéro de végétation de 4,8 °C, les besoins thermiques moyens sont évalués à 1 780 degrés-jours pour les précoces et à 1 840 pour les miprécoces (ces deux groupes de précocité sont les plus représentés).
La Figure 2 présente les différentes phases de développement de la culture pendant lesquelles s’élaborent les composantes successives du
rendement : nombre de plantes par unité de surface, nombre d’akènes par plante, pourcentage de fécondation, teneur en huile, et poids de mille grains d’où le poids de grain produit par unité de surface correspondant au rendement.
Itinéraires techniques et insertion dans les systèmes de culture
Le tournesol est une culture économe en intrants. Un choix variétal pertinent permet de lutter efficacement contre les principales maladies et pour cela, il existe un outil d’aide à la décision (MyVar mis au point par Terres Inovia) qui permet de guider efficacement l’agriculteur.
La qualité de l’implantation est un garant de réussite car le tournesol ne se ramifiant pas, il n’y a quasiment pas de processus de compensation des plantes manquantes, contrairement par exemple au colza ou aux céréales. Il est ainsi impératif de respecter les conditions précisées précédemment et d’employer un semoir de précision. Par ailleurs, une levée rapide permet de limiter les dégâts d’oiseaux et de gibier, (véritable talon d’Achille de la culture !) contre lesquels il y a peu de moyens de lutte efficaces.
La culture étant peu dense (6 à 7 plantes par mètre carré), il est nécessaire de soigner le désherbage pour préserver les jeunes plantes de la compétition des adventices. La structure du peuplement (culture en rangs écartés d’environ 70 cm) permet de recourir facilement au désherbage mécanique (binage). Il faut noter que la position du cycle de la culture permet de lutter contre nombre de mauvaises herbes en provoquant, par des faux lits de semence, leur levée avant l’implantation du tournesol (à l’automne ou au début du printemps).
Les besoins nutritionnels du tournesol sont modestes, si bien que les fertilisations sont réduites. Ainsi pour l’azote, un apport d’une cinquantaine de kilogrammes par hectare est généralement suffisant, et dans beaucoup de situations l’absence d’apport est possible. Concernant le bore, dont un manque peut pénaliser la culture, un apport pourra être nécessaire si des symptômes de carence apparaissent.
Ces caractéristiques font du tournesol une culture qui s’insère bien dans les systèmes de grande culture. Elle est considérée comme simple, économe en travail (seulement 7 à 8 passages de la préparation du sol à la récolte), avec un calendrier de travail complémentaire de celui des cultures d’hiver, utilisant peu d’intrants (le tournesol est la grande culture présentant l’indice de fréquence de traitement phytosanitaire le plus faible : 2,9 en 2017, source Agreste). L’effet précédent du tournesol sur céréale est estimé à 15 % environ de rendement en plus pour le blé suivant, par rapport à un blé sur blé ; cela s’explique notamment par le contrôle que le tournesol permet de certaines graminées problématiques pour les céréales (ray-grass, vulpin) et par la rupture du cycle des maladies des céréales (fusarioses, piétin).
Une enquête réalisée en 2020 auprès de 295 producteurs par Terres Inovia recense les principales raisons de la culture du tournesol : les cinq premières invoquées sont la gestion de l’enherbement, les charges opérationnelles limitées, la qualité en tant que précédent cultural, les besoins en eau réduits et la facilitation de l’organisation du travail.
Le tournesol et l’eau
Le tournesol est réputé pour ses besoins réduits en eau. C’est l’une des principales raisons de le cultiver, et sans doute la principale dans les régions où l’eau est limitante en été. Les besoins du tournesol sont en effet de l’ordre de 400 millimètres sur la durée du cycle pour atteindre le rendement potentiel, assurés par l’eau stockée dans le sol (réserve utile), la pluviométrie et si nécessaire l’irrigation. C’est entre le début de la
floraison et la fin du remplissage des akènes que le stress hydrique est le plus préjudiciable : le besoin d’eau sur cette période est d’environ 200 millimètres2. Une diminution de 40 % de la satisfaction de ce besoin pourra diminuer de 60 % le rendement ; c’est donc durant cette période que le tournesol valorisera le mieux l’eau d’irrigation quand elle est nécessaire. Des simulations réalisées par Terres Inovia et la Chambre régionale d’agriculture d’Occitanie concluent que la marge brute de la culture progresse de 100 à 200 €/hectare selon le contexte hydrique de l’année et la nature du terrain, avec un apport de 70 litres d’eau par mètre carré, en deux apports de 35 litres chacun.
En avançant au maximum le semis (mais attention aux conditions de levée) et utilisant des variétés à cycle court, il est possible de réduire les risques de déficit hydrique pendant cette période critique, et ainsi limiter le recours à l’irrigation.
Ordres de grandeur des rendements et marges réalisés
Le rendement moyen national sur les dix dernières années est de près de 23 quintaux par hectare, avec un record à près de 30 quintaux par hectare en 2021 et des parcelles ayant atteint 45 quintaux par hectare. Selon Terres Inovia, la marge brute en 2021 se situe entre 1 045 et 1 195 € par hectare (contre 500 € par hectare en moyenne décennale) sous l’hypothèse d’un rendement de 30 quintaux par hectare, d’un prix de vente de 450 € par tonne et de charges opérationnelles de 305 € par hectare.
Caractéristiques et usages des produits récoltés
La Figure 3 présente la composition typique d’une graine de tournesol, ainsi que les profils d’acides gras pour le tournesol linoléique (classique) et le tournesol oléique. La richesse en acide oléique et linoléique (oméga 6) est un atout qualitatif majeur de l’huile de tournesol, ce qui en fait l’huile la plus vendue. La trituration d’une tonne de graines fournit 440 kilogrammes d’huile et 540 kilogrammes de tourteau.
Le tourteau titre environ 28 % de protéine, ce qui est souvent considéré comme faible pour l’alimentation animale. Le décorticage – par enlèvement de la coque riche en cellulose – avant trituration permet de produire un tourteau (dit HighPro) plus riche en énergie et en protéine (37 %) et mieux adapté aux animaux.
Pour approfondir le sujet consultez aussi