L’essentiel des objectifs fixés pour les productions céréalières
Politique et syndicats le 01/02/2018 à 18:25
Avec le plan qu’ils ont élaboré à la demande du Gouvernement, les représentants de l’interprofession céréalière entendent conquérir de nouveaux marchés, dans une logique de volume et d’export, tout en opérant la « montée en gamme » souhaitée par Emmanuel Macron. Le coût des nombreux objectifs est à la hauteur des ambitions : 14 Mds€ sur 15 ans, soit l’équivalent de 150 €/ha pendant cinq ans.
Le plan de la filière céréalière déposé mi-décembre 2017 par Intercéréales, à la demande du Gouvernement et d’Emmanuel Macron, s’articule en trois axes : « accompagner toutes les créations de valeurs du territoire local à l’international », « développer les exportations de céréales et produits transformés », et « créer de la valeur par le développement de la bioéconomie et de l’économie circulaire ».
Pour « orienter la production en fonction des besoins des marchés », la première action identifiée par le plan, la filière devra d’abord redoubler d’efforts pour « anticiper les attentes par une meilleure connaissance des marchés » et « soutenir la recherche et le développement afin de lancer de nouveaux programmes concernant la génétique, l’agronomie, l’amélioration des procédés de production ».
La filière souhaite aussi « élargir le plan protéines à l’orge brassicole et le maïs. En blé tendre et blé dur, seulement 23 % des surfaces sont fertilisées avec l’appui d’un OAD. Intercéréales souhaite porter cette proportion à 40 % d’ici cinq ans.
Selon la filière, la création de valeurs, quelle que soit l’échelle, passera aussi par une amélioration du suivi global des impuretés.
Par ailleurs, pour développer les exportations « pour les couples produits/destinations sur lesquelles l’origine France a des atouts compétitifs et qualitatifs », il faudra « se mettre en position d’exporter dès le début de la campagne ». Ces dernières années, en particulier en 2016 et en 2017, la France est restée attentiste sur les premiers mois de la campagne de commercialisation, laissant notamment les origines russes satisfaire de nombreux marchés au Maghreb.
Créer de la valeur sur les marchés existants ne suffira pas. La valorisation des co-produits en alimentation animale, les biomatériaux, la méthanisation, les biocombustibles et biocarburants, les biomolécules et les bioplastiques constituent une multitude de débouchés qui seront à développer. La filière entend « améliorer ses connaissances des gisements et des marchés, soutenir l’innovation, développer et promouvoir ces produits biosourcés ».
La filière souhaite également apporter sa contribution au programme 4 pour 1 000 sur le stockage du carbone dans le sol, défendu par l’ancien ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll.
Aussi, l’enjeu du gaspillage alimentaire commence au début de la chaîne de production de céréales. La filière souhaite, à l’horizon de cinq ans, « valoriser l’ensemble des fractions de céréales, pour qu’il ne reste rien à valoriser in fine pour les producteurs de coproduits et tendre vers le zéro déchet. »
La production biologique, pas seulement de céréales, représentait en 2016 5,7 % de la SAU. Pas de quoi satisfaire une demande qui explose chez les consommateurs. La consommation en produits biologiques a bondi de 21 % entre 2015 et 2016. Le marché, qui a doublé en seulement six ans, dépasse désormais les 7 Mds€.
La filière céréalière est quelque peu à la traîne. Les surfaces de grandes cultures biologiques atteignent 357 000 ha fin 2016, dont 40 % en conversion, soit 3 % des surfaces totales en céréales et oléo-protéagineux.
Pour rattraper ce retard, la filière souhaite doubler les surfaces de grandes cultures – céréales et oléoprotéagineux – biologiques en cinq ans.
L’enjeu de la traçabilité n’est pas nouveau, mais l’essor des nouvelles technologies numériques ouvre un potentiel énorme par rapport à ce qui se fait aujourd’hui. La filière souhaite profiter du numérique pour aller bien au-delà de la « traçabilité réglementaire » pour « connecter les producteurs et les consommateurs ». Un projet dans ce sens doit être lancé début 2018 pour « offrir plus de transparence pour le consommateur : d’où vient la céréale, dans quel organisme stockeur a-t-elle été collectée, chez quel meunier ou malteur a-t-elle été transformée, où a été fabriqué le produit fini, etc. »
L’innovation, deuxième axe du plan de filière, doit d’abord permettre de « développer et déployer des solutions de protection des cultures efficaces et durables ». L’urgence, pour la filière, est de trouver des alternatives au glyphosate, qu’Emmanuel Macron souhaite interdire d’ici trois ans.
La filière le rappelle : « le zéro phyto absolu » n’est pas possible car il conduirait à des situations d’impasses techniques, mais aussi au regard du risque de développement de mycotoxines ». Un engagement de réduction chiffré à cinq ans n’est pas non plus envisageable au vu des incertitudes qui pèsent sur la filière.
Pour Intercéréales, la recherche devra se concentrer à la fois sur la génétique, les solutions de biocontrôle, l’agronomie, les solutions mécaniques de gestion des adventices et le développement du numérique.
La transition vers des techniques culturales plus économes en intrants, économiquement viables et plus acceptables par la société passera notamment par un « plan de modernisation du matériel de pulvérisation ». Selon les modèles de matériel, les buses à injection à air réduisent de 45 % à 75 % la dérive par rapport à une fente classique. D’ici 2022, Intercéréales veut « doubler les surfaces utilisant du matériel de pulvérisation de précision ».
Cette transition aura un coût élevé. « Le coût est estimé globalement en moyenne à 150 €/ha pendant cinq ans », explique Intercéréales : 70 €/ha pour les investissements en agroéquipement, 20 €/ha en accompagnement et en conseil, 30 €/ha en formation et information et 30 €/ha correspondant aux « fluctuations des rendements et des prises de risques ». Cette transition s’étalera sur 15 ans.
Dans la logique de réduction des produits phytosanitaires, la filière souhaite développer le stockage des grains sans recours aux insecticides de stockage. Cela passera d’abord par la définition d’itinéraires de stockage d’ici cinq ans. L’autre grand objectif à cette échéance consistera à « réduire de moitié la part des céréales pouvant contenir des résidus d’insecticides chimiques. »
Le défi climatique apparaît de plus en plus comme un argument légitime au développement du stockage de l’eau. Depuis des années, le dossier est sensible et les paroles gouvernementales sont restées sans réponses concrètes.
« Le volume moyen d’irrigation par hectare en France (1 800 m3/ha) est très inférieur à la moyenne européenne (4 000 m3/ha) », rappelle Intercéréales. « Et la productivité globale de l’eau d’irrigation a été améliorée de plus de 30 % en 20 ans. » Des arguments légitimes pour solliciter le Gouvernement pour un véritable « plan eau ». « L’objectif est de stocker 750 millions de m3 en plus sur le quinquennat », explique l’interprofession.
« Sur les 180 milliards de m3 par an renouvelables dont dispose la France en ressource interne en eau, le secteur agricole ne prélève que 3 milliards de m3 par an, soit seulement 1,7 % de la ressource. »
Dernier des trois axes du plan de filière : « améliorer la compétitivité de la filière et assurer un revenu aux producteurs ». Selon Intercéréales, producteurs et transformateurs peuvent encore améliorer leur compétitivité. Avec un objectif chiffré : « gagner plus de 15 € /tonne sur l’ensemble de la filière ».
Pour les producteurs, il faudrait « identifier les leviers à mettre en œuvre dans les exploitations pour produire durablement, par exemple, du blé à 140 €/tonne ».
En aval de la filière, il s’agira aussi d’améliorer une chaîne logistique déficiente, car trop axée sur le fret routier. « 88 % des marchandises transitent par la route, 9,9 % par le rail et seulement 2,2 % par le transport fluvial. » Au début des années 90, le transport ferroviaire représentait encore 20 % du transport de céréales.
Les frets ferroviaires et fluviaux apparaissent pourtant comme une solution d’avenir, répondant à l’enjeu énergétique : 5 trains complets permettraient d’éviter de faire rouler 250 camions. La remise à niveau des lignes capillaires ne demanderait pas un investissement démesuré : le coût global est estimé à 40 M€, correspondant à seulement 0,8 % du budget total de la remise à niveau des lignes ferrées.
Le coût de ce plan est à la hauteur des ambitions. « Au total : le coût global de transformation est estimé à 13,9 milliards d’€ dont
La transition au niveau de la production est envisagée sur 15 ans (chaque exploitation engagée étant elle sur une dynamique chiffrée sur cinq ans). Par contre, pour les autres maillons, les coûts ont été évalués sur cinq ans. »