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« Infox » et méfiance généralisée

Mac Lesggy: « Agriculteurs, ne laissez pas respirer les promoteurs de fakenews »


TNC le 19/04/2019 à 09:20
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Lors d’un débat organisé par le Syrpa, l’association des communicants en agriculture, Mac Lesggy, l’animateur et producteur de la célèbre émission E=M6, ingénieur agronome de formation, estime qu’il faut une « mobilisation générale » des agriculteurs et scientifiques face aux promoteurs de fakenews. Pour lui, la « riposte » s’impose pour que la science retrouve sa juste place dans les débats sur les produits phytosanitaires et les pratiques agricoles.

Agriculteurs, scientifiques et communicants dans le secteur agricole ne savent plus quoi faire : sur de nombreux sujets, comme le glyphosate ou plus généralement l’usage des produits phytosanitaires, le débat a été accaparé par certaines ONG et militants « anti-chimie », prêts à divulguer des arguments fallacieux, à tromper les citoyens et, surtout, à rejeter la parole scientifique.

Alors que se développent les « infox » et une méfiance généralisée à l’égard de certaines pratiques agricoles, « comment réintroduire de la science dans la communication ? » Telle était la question posée par le Syrpa, le réseau des communicants en agriculture, lors d’un débat organisé mercredi 17 avril 2019.

Invité à débattre et donner son point de vue d’ingénieur agronome – il a suivi sa formation à AgroParisTech, l’INA-PG à l’époque – Mac Lesggy, producteur et animateur de la célèbre émission de vulgarisation scientifique E=M6, regrette la tendance à la dévalorisation de la parole scientifique : « On assiste à une véritable chasse aux sorcières à l’encontre de la pureté scientifique. Si un organisateur de débat ou un institut scientifique a l’idée de se faire soutenir financièrement pour payer les petits fours du cocktail de bienvenue, c’est immédiatement jugé suspect », déplore-t-il.

Et l’animateur n’y va pas par quatre chemins : « Les promoteurs de fakenews, il ne faut pas les laisser respirer ! Il faut une mobilisation générale des entreprises et des agriculteurs ! Il faut organiser la riposte ! », insiste-t-il.

« Malheureusement, la révélation de scandale est générateur d’audience ! Et comme il en faut beaucoup, certains n’hésitent pas à les fabriquer, à monter en épingle une histoire qui n’a pas lieu de faire tant polémique », explique-t-il, faisant allusion, notamment à l’étude, jugée faussée et erronée par la suite, du chercheur Gilles-Eric Séralini, qu’une célèbre émission du service public a relayé et continue de défendre.

« Vous avez des organisations militantes qui ont assimilé toutes les ficelles de la communication pour leurs intérêts. Ils ont compris que les français ne comprendraient pas la différence entre danger et risque », évoquant, là encore, le sujet du glyphosate.

Mac Lesggy prévient aussi : « Aujourd’hui, quasiment tous les élus parisiens veulent une alimentation biologique partout dans les cantines. Le résultat à attendre, c’est que toute une génération de citadins va croire, dans quelques années, que tout ce qui n’est pas bio est empoisonné ! »

Malgré « une vision majoritairement positive de la science en général », il n’y a plus de « consensus permissif », autrement dit, il n’y a plus « cette indifférence bienveillante à l’égard de la science », a relevé le politologue Eddy Fougier. Pour ce politologue, ce phénomène de suspicion croissante tient à plusieurs facteurs, notamment la dérégulation du marché de l’information – avec l’essor énorme des réseaux sociaux, et la montée en puissance d’une « contestation de la science » par des groupes militants, voire violents, ou par des acteurs qui donnent du crédit aux « anti-sciences ».

« Ceci dit, poursuit-il, le monde scientifique n’est pas non plus complètement étranger aux critiques », citant « les affaires de plagiat ou de falsification ».

Que faire, donc, pour « réintroduire de la science dans la communication autour des enjeux agricoles » ? Deux idées ont émergé du débat. Les chercheurs pourraient prendre part eux-mêmes au débat pour expliquer ce qu’il font. « Peut-être que, demain, à l’instar des agriculteurs – les FranceAgriTwittos – qui communiquent sur Twitter, des scientifiques expliqueront en vidéo ce qu’ils font au quotidien sur les réseaux sociaux », a suggéré Philippe Mauguin, PDG de l’Inra, même si la tâche s’avère difficile. « Tout le processus scientifique, long et rigoureux, est inaudible au grand public. » Comment, en effet, vulgariser en 280 caractères une étude scientifique de dix pages publiée dans une revue à comité de lecture ?

Mac Lesggy se montre néanmoins sceptique. Je vois mal les scientifiques sortir de leurs laboratoires. » Pour lui, c’est aux journalistes de relayer correctement le travail scientifique. « Mais la génération de journalistes qui va relayer le travail scientifique n’existe pas encore », regrette-t-il.

L’animateur et ingénieur évoque ainsi une autre piste : « Pourquoi ne pas noter, avec un baromètre, les médias pour leur rigueur scientifique ? »