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Menace de surtaxes douanières : les viticulteurs entre craintes et résignation


AFP le 12/02/2025 à 14:45

Les vins et spiritueux européens échapperont-ils à des surtaxes douanières américaines ? Alors que Donald Trump met la pression sur le Vieux continent, les viticulteurs et distributeurs présents au salon Wine Paris sont partagés entre inquiétude et fatalisme.

« Je suis à la fois très inquiet et j’ai aussi le sentiment que le pire n’est jamais sûr. On attend de voir avant de crier », résume auprès de l’AFP Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs français de vins et spiritueux.

Après la rafale de taxes américaines décrétées sur les produits canadiens, mexicains et chinois, ainsi que les droits de douane infligés à l’acier et l’aluminium, l’Europe craint d’être la prochaine cible de l’administration Trump, notamment pour ses vins et spiritueux, très dépendants des exportations.

« On a Trump 2.0, on sait que les tempêtes vont arriver, ce n’est pas une question de si mais de quand. Nous allons probablement avoir une guerre commerciale », estime Miles Beale, directeur général de la Wine and Spirit Trade Association, qui représente plus de 300 grands opérateurs des vins et spiritueux au Royaume-Uni.

« Ca va tomber sur nous je pense, tout le marché s’y est préparé. Dès qu’il y a des guerres économiques, on est en première ligne même si on n’est pas concerné par la problématique de départ », déplore Mathilde Chapoutier, directrice commerciale du groupe M. Chapoutier, important négociant et producteur de vin de la Vallée du Rhône.

« A force, on commence à être résilient… Notre job c’est d’arriver à composer avec ça, on fait comme on peut. Notre stratégie a toujours été d’être sur un maximum de pays possibles, cela nous permet de pouvoir équilibrer », ajoute-t-elle.

Lors de son premier mandat à la Maison Blanche, Donald Trump avait imposé une surtaxe de 25 % sur certains vins européens dans le cadre d’un long différend entre Europe et Etats-Unis sur les aides publiques à l’aéronautique, qui avait coûté 500 millions d’euros à la filière en 2020.

« On est dans le même bateau »

« On est dans l’expectative et c’est difficile de lire dans une boule de cristal », renchérit Jacques-Olivier Pesme, à la tête de la Wine Origins Alliance, une coalition de 34 régions viticoles dans le monde – parmi lesquelles les prestigieuses Nappa Valley, Champagne, Porto, Bordeaux, Xérès ou Chianti Classico.

Si Trump impose de nouvelles taxes, « va-t-il le faire uniformément pour tous les pays de l’Union européenne ? Car en 2019, pour sa hausse de 25 % des tarifs douaniers, il avait sélectionné la France, l’Allemagne ou l’Espagne, mais pas l’Italie. Et est-ce que tous les vins seraient concernés ? En 2019 il avait décidé de taxer tous les vins avec un taux d’alcool inférieur à 14 degrés, soit la grande majorité, mais le Porto y échappait par exemple », rappelle-t-il, en se demandant par ailleurs s’il y aura réellement mise en oeuvre.

Jacques-Olivier Pesme indique que la Wine Origins Alliance, dont certains membres sont américains, s’est jointe à une coalition de toute la filière américaine des vins et spiritieux qui a envoyé des courriers à Trump pour lui dire que si les droits de douane étaient imposés, la filière américaine allait aussi y perdre, notamment du fait que les pays affectés risquent de répondre.

« La filière américaine est la mieux placée pour parler à Trump, on est parfaitement aligné sur le fait que » de nouveaux droits de douane « ne seraient pas bons ni pour eux ni pour nous. On est dans le même bateau, une grande partie de leur activité dépend de nos produits », complète Gabriel Picard pour la Fédération française des vins et spiritueux.

Si le secteur du vin craint une nouvelle guerre commerciale, celui des spiritueux est encore plus inquiet car depuis octobre dernier, Pékin impose déjà aux importateurs de brandys européens (dont le cognac représente 95 % du total) de déposer une caution ou une lettre de garantie bancaire auprès des douanes chinoises, dans le cadre d’une enquête antidumping.

« On est dans un avion dont un moteur est la Chine et l’autre les Etats-Unis, il y en a un qui n’est pas de très bonne humeur et on espère ne pas perdre l’autre », résume Nicolas Ozanam, directeur général de la Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux.