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Témoignages

Semis direct, à dents ou à disques ? Les conseils de quatre agriculteurs


TNC le 20/10/2023 à 18:02
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A dents ou à disques, le choix du semoir pour du semis direct sous couvert s'avère particulièrement crucial pour la bonne implantation des graines. (© Mathieu Bonnehon/Banque d'images FranceAgriTwittos)

Réunis par AgroLeague, groupe spécialisé dans l’agriculture de conservation des sols, les exploitants ont fait part de leur riche expérience.

Le temps des semis bat son plein, dans une période compliquée, où les pluies intenses font suite, sans transition, à la sécheresse. Dans ce contexte épineux, le choix du semoir est crucial. AgroLeague, le 1er groupe français technique dédié à l’agriculture de conservation des sols, a organisé un échange entre des exploitants experts de la question. Laurent Lorré, Guillaume Dreux, Jérôme Dufresne et Paul Champouillon ont fait part de leur expérience en matière de machine et de semis direct.

Dans la famille de Paul Champouillon, construire, fabriquer et ajuster ses machines est une tradition. Il est équipé d’un « semoir à dents de 4 m, 20 cm d’inter-rang, monté sur parallélogramme, terrage mécanique et pointe fine pour positionner la graine ». « Le semoir à dents est plus facile à concevoir soi-même. Et la dent est avantagée dans les pailles, estime celui qui travaille sur 70 % de sols argileux et 30 % de sableux en Meurthe-et-Moselle. Des disques ouvreurs avant les dents permettent toutefois de gagner en polyvalence ».

Laurent Lorré, sur des terres argilo-calcaires dans l’Eure-et-Loir, privilégie le semoir à disques, un John Deere 750 A. « Il est plus précis en profondeur et passe dans des couverts développés », justifie-t-il. Tout n’est pas parfait : difficulté dans les sols humides, manque de minéralisation sur le rang et ajout d’engrais pour compenser, entretien et maîtrise plus « pointus »…

Pour Laurent Lorré, agriculteur en Eure-et-Loir, un semoir à disques est plus précis en profondeur notamment dans les couverts développés. (© Alain Van de Kerckhove)

« En porté, c’est moins cher »

Les sols sablonneux de la Sarthe ont mené Guillaume Dreux vers le semoir à dents. Comme ses confrères, il s’adapte. Il n’hésite ainsi pas à passer « le broyeur dans le couvert 15 jours avant les semis ». « Et après du maïs grain, qui laisse beaucoup de résidus, j’utilise encore un semoir à la volée », confie-t-il.

Enfin, pour Jérôme Dufresne, implanté sur « des terres défrichées compliquées », c’est « ceinture et bretelles », avec un semoir à dents Primera qu’il utilise « derrière les pailles » et un semoir Weaving à disques inclinés qu’il privilégie après le maïs.

Toutes ces machines sont-elles portées ou semi-portées ? « Au-dessus de 3 m, c’est trop long pour être porté, c’est une aberration », assène Laurent Lorré. Paul Champouillon nuance : « porté c’est quand même un peu moins cher. Et sur de petites exploitations, cela a sa place ».

L’inter-rang de 20 cm fait l’unanimité

Dans ce florilège d’expériences, pour Laurent Lorré, une certitude se dégage : « dans les pierres, c’est le disque. Le disque va les renfoncer à chaque passage, au bout de 4 ou 5 ans, la terre est bien en surface. Avec les dents, au bout de 10 ans, c’est un champ de pierres ».

Une autre donnée semble mettre les quatre spécialistes d’accord : l’inter-rang de 20 cm. « Nous sommes passés de 16 cm à 20 cm, nous n’avons pas vu de différence de rendement », raconte Paul Champouillon. « 20 cm c’est un bon compromis en France », analyse Laurent Lorré. « Plus l’inter-rang est large, moins le coût de fabrication est élevé pour les constructeurs, mais le prix à la vente, lui, reste stable… Il faut se méfier des annonces soi-disant révolutionnaires », avertit Paul Champouillon.

Pour les semis de printemps, Laurent Lorré conseille aux utilisateurs de disques d’attendre un terrain bien ressuyé. Paul Champouillon a appris du printemps dernier, très humide, « avec de magnifiques couverts, parfaits pour faire de belles photos mais très durs à gérer », sourit-il. Il s’oriente vers une destruction plus précoce du couvert à l’approche des beaux jours en 2024. Idem pour Guillaume Dreux : « Le 15 mars, grand maximum, le couvert est détruit, quelles que soient les conditions ».

« Ne pas juste faire comme le voisin »

Le coût de l’investissement dans un semoir de qualité rentre en ligne de compte. « Moi j’ai enlevé toutes les options, cela passait mieux sans rien. Et si jamais cela ne va pas, on fabrique et on rajoute », dit Jérôme Dufresne. A contrario, Paul Champouillon pense qu’il « faut se poser les bonnes questions toute de suite, anticiper les problèmes, penser à une fertilisation localisée, à bien fermer le rang… Il ne faut pas être trop radin non plus. Un semis réussi, c’est une rotation réussie, c’est de l’argent qui rentre, c’est vite rentabilisé. » Laurent Lorré conseille d’ajouter les accessoires seulement après les avoir vus fonctionner. « Et surtout ne pas dépenser n’importe comment. Un chasse résidus fixe, par exemple, c’est dépassé depuis 20 ans… »

Il n’existe donc pas de solution miracle et universelle. « La France est vaste, avec des contextes très variés. Il n’y a pas de bon ou de mauvais semoir, il faut surtout bien analyser son exploitation et ses besoins », constate Laurent Lorré. « Il faut aller voir un maximum de semoirs avant de se décider, renchérit Guillaume Dreux. Il ne faut pas juste faire comme le voisin ou sur les réseaux sociaux ».