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Supermarchés et fournisseurs commencent à négocier, sur fond de manif agricole


AFP le 28/11/2024 à 10:15

Comme chaque année, la grande distribution commence à recevoir les conditions auxquelles leurs fournisseurs agro-industriels veulent leur vendre leur production lors de l'année à venir.

Ils devront se mettre d’accord avant le 1er mars, sous l’oeil attentif du monde agricole et des pouvoirs publics. C’est presque devenu un feuilleton au fil des ans : les négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs agro-industriels, du petit producteur de biscuits aux plus grandes multinationales de la consommation, donnent lieu à d’innombrables passes d’armes.

Pour 2025, le calendrier fait son retour à la normale, après avoir été avancé l’année précédente. Les industriels doivent avoir envoyé leurs conditions générales de vente, base de départ de la négociation, à leurs clients de la grande distribution, aux alentours de la première quinzaine de décembre.

Les entreprises ont ensuite jusqu’au 1er mars pour s’accorder sur les conditions (prix, modalité de livraison, calendrier promotionnel…) auxquelles les distributeurs achètent aux industriels les produits qu’ils vont commercialiser dans leurs rayons le reste de l’année.

Seuls sont concernés les produits de grande marque, comme le Nutella de Ferrero, les Actimel de Danone, les bonbons Haribo, et non les produits sous des marques détenus par les supermarchés (Carrefour, Marque Repère, U, Monique Ranou…), qui pèsent plus du tiers des ventes.

Entre ces mastodontes de la consommation, grands communicants et dominants sur leurs marchés, les débats sont traditionnellement houleux. Ces négociations sont accusées de tirer vers le bas les prix payés aux producteurs agricoles, fabricants et distributeurs s’attribuant la responsabilité les uns aux autres.

« Mieux appliquer » 

Les gouvernements successifs sous Emmanuel Macron ont multiplié des lois dites « Egalim », pour tenter de mieux protéger la rémunération des agriculteurs, notamment en s’efforçant de rendre « non-négociable » le prix de la matière première agricole contenue dans les produits – le lait dans le yaourt, le blé dans le pain…

Les supermarchés rétorquent qu’une part importante de la rémunération des agriculteurs dépend d’autres débouchés, notamment la restauration hors domicile.

La coalition syndicale majoritaire, FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA), a plaidé au cœur de l’été pour « étendre les principes d’Egalimà l’ensemble des débouchés commerciaux », les supermarchés en représentant environ la moitié. Dans leur ligne de mire, l’hôtellerie-restauration et les grossistes.

Egalim a aussi tenté d’encadrer des négociations de plus en plus menées hors de France par les supermarchés. Ces derniers assurent qu’il s’agit d’améliorer leur rapport de force avec les multinationales comme Danone, Nestlé ou Unilever. Les industriels et une partie de la classe politique estiment qu’il s’agit surtout de contourner les législations françaises.

A ce tableau conflictuel s’ajoute le contexte macro-économique : si la hausse des prix s’est globalement apaisée ces derniers mois, le budget des consommateurs reste globalement sous tension et le prix est plus que jamais le critère d’achat n°1 en magasin.

Les supermarchés s’efforcent d’être les moins chers du marché pour attirer du monde, stratégie qui fait le succès du leader du secteur, E.Leclerc. Mais les industriels assurent que cette demande de prix bas nuit à leur santé économique, et qu’elle les pousse à négocier aussi à la baisse avec le secteur agricole.

Le secteur agro-alimentaire dans son ensemble est très divers, avec 19 000 entreprises selon le syndicat professionnel Ania. Il est aussi très concentré: un peu moins de 300 grandes sociétés captent 86 % des ventes.

Dans un rapport d’évaluation des lois « Egalim », le Sénat a récemment appelé « à mieux appliquer » les dispositions existantes plutôt que de légiférer une nouvelle fois, mais les professionnels ne seraient pas surpris qu’une nouvelle loi revienne sur la table en 2025.