« Chaque agriculteur doit faire des essais […] pour trouver sa solution »
TNC le 10/08/2020 à 08:38
Considérés à l'origine comme une contrainte, les couverts végétaux ont acquis au fil du temps le statut d'outil multifonction. Daniel Philippe et Philippe Pastoureau témoignent de leurs expériences.
Producteur de maïs grain en monoculture irriguée sur 153 ha en Gironde, Daniel Philippe a introduit les couverts pour améliorer la fertilité de ses sols. « Puis je les ai généralisés pour m’adapter aux exigences de la Pac, confie l’agriculteur. Mes champs sont sablo-limoneux avec 50 à 80 % de sables. Je ne les laboure plus depuis 30 ans. J’ai surtout utilisé la féverole pure, semée début octobre juste après récolte et détruite fin mars. Je la couche au rouleau, puis je fais deux passages croisés au déchaumeur à disques avant le semis de maïs. La féverole est rentable, car sa restitution en azote me permet d’économiser jusqu’à 130 unités/ha dans les parcelles où elle se développe bien depuis plusieurs années. »
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Daniel Philippe constate également que ses sols sont « de plus en plus faciles à travailler : cette année, je n’ai pas utilisé la herse rotative pour semer. Selon moi, les couverts sont une seconde étape aussi efficace que la première étape du non-labour pour l’amélioration agronomique des sols. Depuis l’an dernier, je sème en deux fois un mélange féverole-vesce à proportions variables en fonction du taux de sables des parcelles. Car en sols très sableux, la féverole se plaît moins et la vesce compense. Ce type de couvert fonctionne très bien chez moi, mais il en existe beaucoup d’autres. Chaque agriculteur doit faire des essais dans son système et avec son matériel pour trouver sa solution. »
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Les couverts comme « leurre contre les ravageurs »
De son côté, Philippe Pastoureau a abandonné le labour en 1995 pour un travail du sol simplifié. Éleveur de vaches laitières et de volailles de Loué sur une exploitation de 100 ha dans la Sarthe, il utilise depuis 2018 un semoir à trois trémies Maxidrill de Sky Agriculture. « À l’implantation du colza, j’ai testé le semis sur rangs intercalés d’un mélange de trèfles et luzerne ayant vocation à rester trois ans dans la rotation, explique le polyculteur-éleveur. Mais la luzerne est compliquée à gérer, notamment en raison de sa concurrence avec le blé. Désormais, je sème mon colza sur tous les rangs en association avec du trèfle blanc, du trèfle violet, du sarrasin, du mélilot ou de la lentille en fonction de ce que j’ai à disposition ».
« Je n’utilise pas d’herbicide racinaire en post-semis, ni d’insecticide d’automne, car ces plantes servent de leurre contre les ravageurs. Je maintiens en revanche un anti-graminées, puis, si besoin, un anti-dicotylédones en décembre. Après la récolte, le trèfle violet et les repousses de colza servent de couvert, qui peut atteindre 1 à 3 t de matière sèche en octobre. Selon les années, je le fauche pour les vaches ou le laisse au champ. Je freine alors la pousse du colza au glyphosate avant de semer un méteil à ensiler en avril. Le trèfle violet repart à nouveau dans ce méteil. Un second glyphosate précède le semis de maïs au strip-till, et le blé à suivre est propre et non désherbé à l’automne. Je contrôle les graminées dans le colza et le maïs ».
Pour Philippe Pastoureau, « le système est maîtrisé : je travaille le désherbage sur la rotation avec des doses réduites de 20 à 30 % sans problème de résistance. Je pourrais remplacer le glyphosate par d’autres matières actives, mais cela ne présente aucun intérêt économique ni environnemental. Pour réduire le désherbage, je privilégie le travail simplifié associé à un maximum de résidus sur le sol. »
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