« Tout est écrit dans le sol, pour le lire, il faut l’ouvrir »
TNC le 25/06/2021 à 18:03
Pour Christophe Frebourg, conseiller indépendant en agronomie, mieux connaître son sol est capital, pour optimiser ses ressources et limiter le recours aux intrants notamment. L'expert a mis en place un protocole bien particulier pour « appréhender le sol de façon simple » et dans lequel il fait intervenir presque tous les sens. Lors d'une journée organisée par la Sobac dans l'Oise, il nous partage son expérience et ses connaissances, lui qui a plus de 5 000 profils de sol à son actif.
Le sol, « il faut l’appréhender de façon simple », insiste Christophe Frebourg, président de la société Frebourg Agro-ressources. Après 20 ans dans la distribution agricole et le conseil agronomique, il a découvert, en 2000, « l’importance de la fertilité biologique des sols », il travaille depuis pour développer son expertise et a créé son entreprise de conseil indépendant.
Une fosse de 0 à 2 m
Il a notamment mis en place un protocole spécifique. « Tout est écrit dans le sol, pour le lire, il faut l’ouvrir », explique l’expert. Pour lui, la meilleure façon de le faire est de « creuser une fosse de 2 mètres de profondeur, car un diagnostic en surface ne permet pas la prise en compte du sol et de son potentiel dans son intégralité. Les racines peuvent descendre jusqu’à 2,50 m, voire davantage ». C’est lors d’une journée organisée par la Sobac, chez Thomas Bourgeois, agriculteur à Léglantiers dans l’Oise que Christophe Frebourg nous a invité à en découvrir davantage sur cette technique. Objectif de la matinée : réaliser deux fosses pédologiques pour comparer l’utilisation de Bactériosol, amendement organique utilisable en agriculture bio, depuis 6 ans (100 kg/ha/an) sur le sol, par rapport à une partie témoin. « Les fosses sont espacées de 15 m l’une de l’autre. Elles ont les mêmes origines géologiques et un potentiel agronomique identique, de très haut niveau. »
Plus d’informations sur l’exploitation de Thomas Bourgeois :
– SAU : 248 ha dont 90 ha de céréales à paille, 25 ha de soja, 30 ha de tournesol, 25 ha de féverole, 6 ha de trèfle violet, 11 ha de luzerne, 35 ha de maïs grain, 8 ha de fétuque élevée et 18 ha de jachère.
– Passage en agriculture biologique depuis 2019.
– Utilisateur Sobac depuis 6 ans.
Concernant la parcelle observée :
– Sol à tendance limono-argileuse
– Fosses 1 et 2 réalisées sur la même parcelle de 15,5 ha, exploitée par la famille depuis 5 générations.
– Culture en place : blé tendre d’hiver, semé le 10/11/2020, variété LG Absalon.
Variabilité du pH, indicateur de la capillarité
Et le diagnostic démarre dès les premiers coups de pelleteuse réalisés par Dominique, en observant la terre, sa couleur… Christophe Frebourg prend soin, dès le départ, de réaliser les mesures de températures : d’abord de l’air, puis du sol à différentes profondeurs de 0 à 2 m. « Enfoncer la sonde dans le sol donne aussi un premier indice sur la compaction », souligne Christophe Frebourg, attentif à tous les détails que le sol peut lui livrer.
Puis il effectue les mesures du pH : « il n’y a pas de pH idéal, cela dépend de la roche mère et du terrain », reconnaît l’expert. « Ce qui est intéressant, c’est surtout la variabilité du pH entre 0 et 2 m. La stabilité de ce dernier nous indique que la capillarité est bien optimisée. »
Vue, toucher, odorat, goût : faire intervenir ses sens
Christophe Frebourg rafraîchit ensuite les parois de la fosse d’un geste sûr et note l’importance de faire intervenir la plupart de ses sens pour les prochaines observations. Cela permet notamment de déterminer la compaction du sol et de retrouver, par exemple, des traces d’anciens arrachages de betteraves. On observe la présence de débris végétaux et leur évolution, ainsi que la présence de vers de terre, déterminante pour l’activité biologique d’un sol. « Plus il y a de vers de terre, plus il y a de rejet d’humus, la base de la fertilité d’un sol. Les vers anéciques sont ceux qui créent les galeries verticales, ils avalent chaque jour leur poids en terre, détaille l’expert. Les épigés (vers rouges), eux, travaillent de 0 à 10 cm de profondeur et les endogés travaillent plus bas, ce sont eux qui vont faire évoluer le système racinaire… ».
Autre élément à regarder : les racines de la culture. L’expert s’assure qu’elles sont « bien rondes, blanches, sans nécroses (porte d’entrée des maladies) et droites. Si les racines font des zigzags, cela peut révéler un souci de compaction ». On peut les goûter aussi : « elles doivent être croquantes ».
En faisant le diagnostic, l’expert attire également l’attention sur l’importance de sentir et de toucher la terre. « Si un sol est malade, il y a un dégagement d’ammoniac et une odeur de putréfaction. Si un sol est moins vivant, il devient inodore. En revanche, si un sol est vivant, on peut sentir des odeurs de champignons, de sous-bois ». En touchant la terre, il regarde si elle est grasse, friable… Avec de plus de 5 000 profils à son actif, Christophe Frebourg détermine au toucher le taux d’argile, de limon… dans le sol, il détaille ainsi les différents horizons.
« Assembler ensuite le puzzle »
Une fois toutes les mesures et observations réalisées, il suffit, pour l’expert, « d’assembler le puzzle » pour établir le diagnostic complet et proposer des conseils. Pour ces deux profils réalisés, il explique : « la fosse 2 (avec Bactériosol) montre un sol plus souple et de couleur différente, plus sombre dans l’horizon travaillé et plus coloré dans l’horizon sous-jacent par oxydation de fer et du manganèse. Le pH est complétement régulé uniquement par la voie biologique, alors que nous constatons une variation de 2,6 points dans la fosse 1 (témoin). L’aération, la porosité et la gestion de l’eau liée par humification sont quasiment doublées. Ce sol plus vivant et plus oxygéné voit sa dynamique de fonctionnement s’accélérer grâce à cet équilibre naturel ».
« Toutes les formes de matières organiques évoluent mieux et plus vite pour créer de l’humus stable. On assiste alors une création très importante d’acide humique, d’acide fulvique et d’humine qui renforcent l’action des exsudats racinaires pour dégrader la roche mère sable et créer 3 à 5 t d’argile néoformée par hectare et par an. Autres conséquences très importantes, il y a un stockage plus important d’azote organique et de carbone. Le système racinaire est plus profond et plus dense, ce qui permet une alimentation régulière et complète en solution du sol. Il est clair et net que la fertilité biologique de la fosse 2 est très supérieure, ce qui impacte à la hausse la fertilité physique et chimique. »