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Protection fongicide céréales

« Un T1 de moins en moins justifié »


TNC le 17/12/2019 à 18:05
fiches_Contamination_septoriose_ble_tendre_maladie_-_Credit_photo__bubu1664

Pour Arvalis, l'intérêt technique et économique du T1 méritait d'être réévalué dans un contexte de réduction des phytos. « L'enjeu est considérable, puisqu'actuellement 3 millions d'hectares de blé tendre (sur 5 millions en tout environ) reçoivent un T1 ».  (©@bubu1664/Banque d'images FranceAgriTwittos)

S'il y a quelques années, l'intérêt de protéger le blé au premier traitement fongicide (T1) ne faisait pas de doute, les essais menés par Arvalis ces dernières années ont montré « un bénéfice limité sinon négligeable ». Dans un contexte de réduction des phytos, l'institut technique a donc revu ses recommandations concernant le T1.

Réalisé entre les stades BBCH 31 et 37 (1 à 3 noeuds), le premier traitement fongicide des blés est traditionnellement destiné à protéger la culture contre les maladies du pied et les maladies foliaires du blé se déclarant précocement (piétin verse, oïdium, rouille jaune et/ou septoriose). Toutefois « au fil des années, le cortège des maladies n’est plus le même, les résistances variétales ont évolué et les pratiques agronomiques aussi », constate Claude Maumené, chargé de mission biocontrôle chez Arvalis. À noter également : les printemps plus secs de ces dernières années ont limité l’installation précoce de la septoriose. De ce fait, « les interventions fongicides précoces auparavant justifiées ne le sont plus forcément… ».

« Le risque que l’on prend à ne pas traiter n’est pas plus grand que le coût de l’assurance que l’on prend en traitant »

D’après les données du réseau R2E* et des essais Arvalis, « la rentabilité d’un T1 n’est assurée que dans 27 % des cas » entre 2013 et 2019. Parmi les facteurs qui influent significativement sur le poids du T1 :

  • « Le stade de ré-intervention du traitement suivant » : lorsque le T2 intervient tard (après gonflement), « le poids du T1 est plus important (+ 4,4 q/ha). Si le T2 intervient tôt (dès la dernière feuille étalée), la contribution du T1 est plus limitée : + 1,6 q/ha seulement »
  • « La région » : Bretagne et Pays de Loire sont les régions « où le poids du T1 est le plus important (+ 4,8 q/ha). […] Le plus faible en Barrois-Lorraine  (+ 1,2 q/ha). Les autres régions se situent entre 2,4 q/ha et 3,7 q/ha ».
  • « La date de semis » : « la distinction entre un semis précoce et tardif est faite sur la date du 16 octobre. Le poids du T1 est estimé à 3,9 q/ha en semis précoce contre 2,2 en semis tardif »
  • Puis la « sensibilité variétale » et la « présence de maladies autres que la septoriose ».

À partir des données observées et sur la base d’un seuil de rentabilité de 3 q/ha, Arvalis a montré « qu’un traitement inutile coûte aussi cher, sinon plus cher qu’une mauvaise impasse. Le risque que l’on prend à ne pas traiter n’est donc pas plus grand que le coût de l’assurance que l’on prend en traitant », complète Claude Maumené. De la même manière, « les bénéfices qui résultent d’une impasse ou d’un traitement justifié ne sont pas très différents ».

Calcul économique appliqué à la décision de traiter au T1 en fonction des données moyennes observées sur la base de données (363 données de 2013 à 2019, toutes variétés confondues). (©Arvalis-Institut du végétal)

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Traiter le blé précocement devient l’exception

À partir de ce constat et de l’ensemble des données analysées, Arvalis a donc formulé de nouvelles recommandations en ce qui concerne le premier traitement fongicide :

  • « Traiter au T1 (avant dernière feuille étalée) uniquement en présence de rouille jaune sur variétés sensibles ou moyennement sensibles (note < 7) »
  • « Traiter au T1 également en cas de développement précoce de septoriose sur des variétés sensibles ou moyennement sensibles (note < ou =6) »
  • « Dans tous les autres cas ne pas traiter », selon l’institut technique.

Ainsi, traiter précocement le blé devient l’exception, « la rouille jaune n’étant, ni présente partout, ni précoce chaque année. Par ailleurs les variétés résistantes à la rouille jaune sont aujourd’hui plus nombreuses ».

Recommandations de traitement au T1 en fonction de la sensibilité variétale et de la précocité de développement de la septoriose avec un OAD. (©Arvalis-Institut du végétal)

Concernant les matières actives, Arvalis recommande d’intégrer, en présence de rouille, « une substance de la famille des IDM ou des QoI ». « Aucune solution de biocontrôle ne contrôle actuellement la rouille jaune même partiellement. Le recours à une solution conventionnelle est donc incontournable à laquelle il est toujours possible d’associer (ou non) un peu de soufre pour renforcer l’activité contre la septoriose ». En cas de risque rouille jaune nul, « il est possible d’envisager un T1 de biocontrôle associé à une solution conventionnelle. L’option la plus sûre à ce stade reste d’associer 2 400 g/ha de soufre à une dose réduite d’un IDM ».

La solution 100 % biocontrôle peut, elle, être envisagée hors risque rouilles et « si la pression maladies n’est pas trop forte (en forçant un peu la dose de soufre à 4 000 g/ha, si besoin) ». Arvalis ajoute : « l’association du soufre avec des phosphonates devrait apporter une solution 100 % biocontrôle plus « passe partout » encore, lorsqu’elle sera disponible (sans doute en 2021) ».

L’observation reste indispensable !
L’institut technique tient toutefois à préciser que toutes ces recommandations ne sont pas « une invitation à renoncer à la visite des parcelles ». La résistance génétique peut être parfois rapidement contournée, notamment pour le cas de la rouille jaune. De plus, certaines années exceptionnelles ne sont pas représentées dans les données analysées, « l’échantillon portant sur 7 années seulement (2013-2019) ».
Dans le Sud-Ouest, il peut être utile aussi de prendre en compte la rouille brune qui, « très exceptionnellement peut être présente dès le stade 2 nœuds ».

Lire aussi : Fondamentaux et leviers agronomiques pour une stratégie fongi céréales optimisée

* Réseau R2E : réseau d’excellence expérimentale, réseau de recherche participatif constitué d’organismes collecteurs agréés BPE (bonnes pratiques d’expérimentation) ayant vocation à travailler ensemble à l’élaboration de références agronomiques en vue de développer une agriculture multi-performante.