Après une campagne en tension, la filière semences alerte sur ses fragilités
TNC le 10/12/2024 à 17:48
Si la filière semencière française reste une filière d’excellence, la campagne 2024 a mis en lumière les fragilités du secteur, explique l’interprofession Semae. La disparition progressive des moyens de production pèse notamment sur l’attractivité de la filière.
Avec 2,3 milliards de chiffre d’affaires pour le secteur des semences, la France reste le premier exportateur mondial de semences agricoles, et premier producteur européen, rappelle Pierre Pagès, président de Semae. La balance commerciale positive de 1,3 milliard d’euros pour la campagne 2023-2024 est en progression (1,2 milliard d’euros en 2022-2023) et ce, malgré les aléas de marché et les tensions géopolitiques.
Néanmoins, « la situation est bonne, mais elle est relativement fragile », tempère François Desprez, vice-président de Semae, qui entend bien alerter et accompagner les différents maillons de la filière en anticipation de difficultés à venir.
Une érosion préoccupante des agriculteurs multiplicateurs
L’un des signaux d’alerte, c’est la diminution constante, depuis plusieurs années, du nombre d’agriculteurs multiplicateurs. De 17 194 en 2022, ce nombre est passé à 16 905 en 2023, puis 16 636 en 2024. Cette tendance témoigne de la perte d’attractivité du métier, parallèlement aussi à « des éléments de concentration et de changement de physionomie des exploitations », explique Pierre Pagès.
Les surfaces en multiplication de semences et plants ont également diminué, de 2 % en 2024, s’établissant à 374 773 ha.
Le manque de moyens de production, une menace
Pour Semae, cette tendance à la baisse traduit le manque de perspectives pour les agriculteurs, en lien avec un contexte économique difficile et « exacerbé par la question des moyens de production qui sont de plus en plus restreints », déplore Pierre Pagès. Or, le changement climatique accélère la migration des ravageurs et la pression des maladies.
« Les conditions de production deviennent difficiles et mettent en risque la qualité des semences françaises », alors que c’est cette qualité qui faisait son succès, explique François Desprez. « Les entreprises aujourd’hui ne veulent plus mettre en production si elles ne sont pas sûres que l’itinéraire technique soit assuré », ajoute-t-il, sans compter les difficultés d’accès à l’eau. Pour Semae, il apparait nécessaire d’alerter les pouvoirs publics sur le risque de voir bon nombre d’entreprises semencières délocaliser la production vers des pays où les solutions techniques existent encore et où le poids du changement climatique est moins prégnant.
Le sujet est d’autant plus crucial que la filière connait, au-delà de son déficit d’attractivité, un problème de renouvellement des générations. Pour inverser la tendance, l’interprofession a élaboré un nouveau projet stratégique à horizon 2027, articulé autour de la compétitivité de la filière, de la transition écologique, et de la responsabilité sociétale de la filière.