Bassin d’Arcachon: levée de boucliers face à un possible « permis de polluer »
AFP le 04/10/2024 à 12:47
Alors qu'une contamination du Bassin d'Arcachon par des eaux usées avait été fatale aux huîtres à la fin de l'année dernière, l'éventualité d'une tolérance réglementaire en cas de nouvelles pollutions engendre un raz-de-marée de protestations.
La demande a été formulée par le Siba, syndicat intercommunal gestionnaire du réseau d’assainissement du Bassin, auprès de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM).
Le but ? Modifier la réglementation « pour y intégrer les situations climatiques inhabituelles, durant lesquelles la collecte des eaux usées brutes ne parvient plus à garantir leur transport vers les stations d’épuration sans mobiliser les ouvrages au-delà de leur capacité ».
Concrètement : au-delà de 70 mm de pluie (70 litres par mètre carré) cumulée en sept jours consécutifs, les débordements occasionnés par la saturation du système, du fait de ces précipitations intenses, seraient tolérés par l’autorité administrative.
Le dossier est «en cours d’instruction », indique-t-on à la préfecture de Gironde. Mais un feu vert de la DDTM s’apparenterait à un « permis de polluer », s’insurgent déjà des associations écologistes. Parmi elles, l’Adeba relève que le seuil de précipitations retenu n’a rien d’inhabituel : il a été enregistré « deux à quatre fois par an » depuis 2012 les années peu pluvieuses, « six à huit fois » lors des plus humides – soit « une quarantaine d’épisodes en dix ans ».
Epidémie
« Nous ne pouvons pas imaginer que de tels déversements d’eaux usées non traitées vers le milieu naturel se produisent plusieurs fois par an », abonde le Comité régional des ostréiculteurs, auxquels la pollution de l’hiver dernier a coûté cher.
Entre Noël et le Nouvel An, la commercialisation des huîtres locales avait été interdite pour un mois après une épidémie de gastroentérite chez leurs consommateurs, un coup dur pour la filière qui réalise la moitié de ses ventes durant les Fêtes.
La députée macroniste du Bassin, Sophie Panonacle, a interpellé le préfet en qualifiant la requête du Siba « d’atteinte grave à l’avenir de l’ostréiculture et de la pêche, à la santé publique et à l’image » du territoire.
Sollicité par l’AFP à plusieurs reprises, le syndicat intercommunal n’a pas fait de commentaires. Son président Yves Foulon, également maire LR d’Arcachon, s’abrite derrière une injonction judiciaire, selon des propos rapportés par le journal Sud Ouest.
Le 2 avril, le constat de déversements d’eaux usées dans la nature avait en effet conduit la justice, dans le cadre d’un référé pénal environnemental, à ordonner des mesures d’urgence pour y mettre fin.
« Il ne peut être question d’autoriser des débordements », affirmait alors une magistrate bordelaise. Qui donnait quatre mois au Siba pour demander à la DDTM l’autorisation de construire un « déversoir d’orage » sur chacun des bassins de sécurité du réseau d’assainissement
Bétonisation
Solution proposée « par le Siba lui-même » lors de la procédure, souligne Jacques Storelli, président de la coordination des associations environnementales du Bassin (Ceba), dénonçant une « imposture ». Pour lui, la juge a été « trompée » car les déversoirs « ne permettront en rien d’empêcher » la pollution.
Au contraire : les aménagements envisagés visent à évacuer le trop-plein des bassins de sécurité, de façon maîtrisée certes – afin de procéder à des analyses et mesures, explique le Siba dans un document adressé à la DDTM -, mais toujours dans la nature.
Début mars, le syndicat avait annoncé, conjointement avec l’Etat, une « accélération » des investissements dédiés au réseau d’assainissement, à hauteur de 11 millions d’euros.
« Qu’ont-ils fait depuis ? », interroge la Ceba, qui réclame un « dispositif de guerre » face à l’urgence : de grosses pompes et des moyens de stockage appropriés pour vider les bassins de sécurité quand ils débordent.
Durant l’automne puis l’hiver derniers, des précipitations intenses avaient saturé le réseau, l’eau de pluie s’engouffrant dans les regards du système d’assainissement… à défaut de pouvoir s’infiltrer ou s’écouler ailleurs, déplore l’Adeba.
Son président Thierry Lafon fustige la « bétonisation » qui imperméabilise les sols et comble les fossés, dans un environnement déjà propice aux inondations du fait de la topographie et de l’affleurement des nappes. Et de permis de construire délivrés « en violation des règles », accuse-t-il.
Alors que le schéma d’aménagement du Bassin d’Arcachon prévoit des milliers de logements supplémentaires d’ici 2040, les associations appellent à « remettre fondamentalement en cause » les pratiques de l’urbanisation locale.