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Chlordécone : la Cour de cassation se prononce mercredi sur une QPC


AFP le 05/02/2025 à 13:26

La Cour de cassation doit se prononcer mercredi après-midi sur la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans le scandale de la pollution à la chlordécone aux Antilles.

Mercredi matin, sa chambre criminelle a examiné le dossier. L’avocat au conseil des parties civiles, Me Ronald Maman, a insisté sur le « scandale sanitaire et environnemental sans précédent » que constitue ce dossier « emblématique » dans lequel de hauts responsables, « hommes d’État et hommes d’affaires, ont sciemment exposé une population à un produit qu’ils savaient mortifères ».

En droit, il a estimé que la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 1998 et l’affaire du sang contaminé s’agissant de la définition de l’empoisonnement était trop restrictive, car elle nécessite d’établir une intention homicide pour être caractérisée.

« Scandale sanitaire »

D’après lui, cette jurisprudence ferait par ailleurs fi des contentieux environnementaux et des nouveaux droits constitutionnels apparus depuis, notamment le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, consacré par la Charte de l’environnement en 2004. Il veut donc que la Cour de cassation transmette au Conseil constitutionnel sa QPC, afin que le Conseil se prononce.

L’avocate générale Alexia Bellone s’est dite défavorable à une telle transmission, estimant à titre principal qu’une QPC n’est valable que si elle concerne le texte de la loi lui-même et non la jurisprudence qui en découle, « quelle que soit l’importance des faits dénoncés ».

Le 2 janvier 2023, des juges d’instruction du pôle santé publique de Paris avaient abandonné toutes les poursuites dans ce dossier ouvert en 2008, tout en reconnaissant un « scandale sanitaire ». Les parties civiles ont contesté cette ordonnance de non-lieu. Le 24 avril, la procureure générale de Paris Marie-Suzanne Le Quéau avait annoncé avoir demandé la confirmation de l’abandon des poursuites.

« Faute caractérisée »

La chlordécone, pesticide répandu dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, a été interdite aux États-Unis dès 1975, mais est restée autorisée en France jusqu’en 1990, et même jusqu’en 1993 – quinze ans après les premières alertes de l’OMS – aux Antilles, où elle a bénéficié d’une dérogation. Aux Antilles, le non-lieu prononcé avait provoqué beaucoup d’amertume.

Plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

Lundi, devant la cour administrative d’appel de Paris, dans le volet indemnitaire de la procédure, la rapporteure publique a réaffirmé « la faute caractérisée » et « les carences fautives » de l’État dès la commercialisation du pesticide en 1972.