Comment bien choisir ses Cive ?
TNC le 15/04/2020 à 06:04
Pour choisir une espèce à implanter en culture intermédiaire à vocation énergétique (Cive), la production de biomasse constitue un critère primordial. À l’avenir, les services rendus par le couvert devraient prendre de plus en plus d’importance dans le processus de choix de l’interculture à mettre en place.
Avec le développement de la méthanisation se pose de plus en plus la question de l’espèce la plus adaptée à la production de biométhane. À première vue, le pouvoir méthanogène de la culture pourrait constituer le critère de choix à privilégier. Pourtant, il n’en est rien. « Sur les 26 échantillons d’espèces de Cive que nous avons faits analyser, nous n’avons pas trouvé de différence significative de pouvoir méthanogène », indique Sylvain Marsac, responsable du pôle Bioressources au sein d’Arvalis-Institut du végétal. Un constat que confirme Antoine Bedel, chez Caussade Semences, tout en nuançant : « Cela vaut uniquement pour les Cive, pas pour les cultures qui arrivent à maturité. »
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Vers des couverts multiservices
En partant du postulat d’un pouvoir méthanogène comparable, c’est la quantité de biomasse produite qui devient alors le critère prépondérant. À ce petit jeu, ce sont les graminées, de type triticale, blé ou avoine, qui l’emportent pour les Cive d’hiver. L’espèce, voire la variété, doit surtout être adaptée au contexte pédoclimatique pour développer tout son potentiel. Dans ce cadre, Arvalis-Institut du végétal travaille sur une régionalisation de ses essais qui permettrait de disposer de référentiels plus adaptés. Si les Cive sont avant tout sélectionnées pour leur production de biomasse, le choix des espèces est aussi orienté par d’autres fonctions du couvert.
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D’autant que la réglementation pourrait évoluer vers une conditionnalité de ces fonctions pour l’implantation d’une interculture énergétique. « Il existe de nombreuses possibilités : lutte contre les nématodes, plante hôte pour les auxiliaires, désherbage… », liste Sylvain Marsac. Chez Caussade Semences, Antoine Bedel évoque, lui, la structuration du sol ou la floraison des tournesols en automne pour la biodiversité. L’une des fonctions, déjà bien maîtrisée, concerne la captation de l’azote. Des protéagineux sont associés aux graminées dans cet objectif. « Il faut rester sur 20 à 30 % maximum de légumineuses afin de ne pas trop impacter la production de biomasse », fixe le spécialiste d’Arvalis-Institut du végétal.
Penser gestion de l’eau via le choix de l’espèce
Pour les Cive d’automne, un autre critère important concerne la date d’implantation et donc de récolte. Plus la plante sera récoltée tôt, plus les précipitations printanières pourront recharger la réserve hydrique du sol avant la culture principale à suivre. « Dans tous nos travaux, nous avons toujours essayé de limiter l’impact sur la production alimentaire. Pour cela, nous récoltons la Cive vers fin avril-début mai », indique Sylvain Marsac. Pour répondre à cette demande d’espèces précoces, Caussade Semences propose depuis cette année un méteil à base de seigle très typé hiver, accompagné de vesce. Le mélange se sème début septembre et se récolte à partir de mi-avril. « Ce type de développement nécessite du temps, car ce sont des variétés en repos que nous ne travaillons plus depuis longtemps », souligne Antoine Bedel.
Dans le cas des Cive d’été, une attention particulière doit être portée à la problématique de l’eau. « Ces cultures-là se révèlent plus risquées que les Cive d’hiver. Qu’il s’agisse de maïs, de sorgho ou de tournesol, en l’absence d’eau le résultat sera le même… », balaye Sylvain Marsac. Pour lui, un semis après le 10 juillet n’aboutira pas, ce qui restreint le précédent possible à l’orge d’hiver ou éventuellement au pois. Et l’échec peut générer une perte financière importante du fait de l’investissement dans les semences. « Les Cive d’été se gèrent davantage par opportunisme, comme une dérobée fourragère », explique de son côté Antoine Bedel. Caussade Semence propose des mélanges de type sorgho multicoupe plus vigoureux au démarrage, tournesol et niger, adaptés à des conditions sèches. « Nous travaillons aussi sur les espèces et variétés avec des résistances à la verse et des taux de matière sèche à la récolte d’au moins 25 %, voire 30 % pour optimiser la qualité de conservation », ajoute-t-il.
Afin de réduire les coûts, un nombre croissant d’agriculteurs se tourne vers des Cive d’été composées de céréales de type avoine ou orge de printemps. « Le coût de semence est moins important, donc si la culture est belle, elle sera récoltée, et, à défaut, enfouie », rapporte Sylvain Marsac.