Comment réduire la volatilisation et les pertes par lessivage de l’azote
TNC le 27/11/2024 à 17:54
Indispensable à la croissance des plantes, l’azote contribue aussi à la pollution de l’air en raison du phénomène de volatilisation ammoniacale. Comment réduire cela sans nuire au rendement des cultures ? Des essais d’inhibiteurs d’uréase et de nitrification ont été réalisés en 2024 par BASF au Gaec de la Poste, à Lavannes, dans la Marne. Retour sur les résultats de ces expérimentations.
En France, 19 % des émissions de GES sont le fait de l’agriculture. Les deux principaux gaz émis par l’agriculture sont pour 45 % du méthane (NH4) et pour 42 % du protoxyde d’azote (N2O) lié aux déjections animales et à l’utilisation d’engrais azotés.
La France s’est engagée à réduire de 15 % ses émissions de protoxyde d’azote en 2030 par rapport à 2015 mais aussi à diminuer de 26 % l’utilisation d’engrais minéraux azotés et de 13 % les émissions ammoniacales en 2030 par rapport à 2005.
Réduire les émissions de GES en optimisant l’usage des fertilisants azotés, c’est aussi l’objectif que se donne BASF France division Agro dans le cadre de sa feuille de route agro-écologique. Le groupe de chimie veut « aider les agriculteurs à réduire de 30 % les émissions de CO2 par tonne de céréales ou colza produite d’ici à 2030 ». Il a pour cela mis en place un réseau de « fermes practice » sur lesquelles sont réalisées des expérimentations.
Deux inhibiteurs testés dans la Marne
Au Gaec de la Poste, dans la Marne, BASF a cherché à limiter la déperdition d’azote, que ce soit du fait de la volatilisation ammoniacale ou du lessivage des nitrates. Pour cela, a été testé l’ajout d’inhibiteur d’uréase et de nitrification lors de la campagne 2024.
Les inhibiteurs d’uréase, comme le Limus Perform de BASF, associés à la solution azotée, bloquent temporairement l’activité des enzymes du sol, ce qui ralentit la transformation de l’urée en ammonium. Cela permet de réduire la forte augmentation du pH et donc la volatilisation d’ammoniac.
Le produit a été expérimenté sur du blé tendre d’hiver au Gaec de la Poste au printemps 2024. La solution azotée seule et la solution azotée avec le Limus Perform ont été comparées dans deux types de conditions :
- optimales : des pluies régulières et des températures fraîches inférieures à 10°C ;
- limitantes : des conditions sèches, faible humidité du sol, températures douces supérieures à 10 °C et du vent).
« Avec les conditions du printemps 2024, pluvieuses et froides, il a été difficile d’obtenir des conditions réellement limitantes favorables à la volatilisation d’ammoniac, reconnaît Franck Bourget, responsable technique chez BASF. Toutefois, dans les deux situations, l’utilisation de l’inhibiteur d’uréase a permis une baisse des émissions d’ammoniac de 32 % en conditions optimales et de 21 % en conditions limitantes ». Le produit a aussi permis d’améliorer le rendement de la culture de + 0,7 q/ha, en permettant à l’azote d’être disponible plus rapidement pour la plante.
Limiter le risque de lessivage
La seconde expérimentation au Gaec de la Poste portait sur l’ajout d’un inhibiteur de nitrification, le Vizura, au digestat. Cette solution doit « retarder la transformation naturelle de l’ammonium (NH4 +) en nitrate en inhibant l’activité des bactéries nitrifiantes sur 4 à 10 semaines », présente BASF.
Associé dans une unité de méthanisation, le Gaec de la Poste récupère du digestat pour ses cultures. L’azote minéralisé lors du processus de digestion se retrouve essentiellement sous forme ammoniacale dans le digestat, ce qui le rend très sensible à la volatilisation. L’ammonium se transforme aussi facilement en nitrate. Pour limiter le lessivage des nitrates vers les eaux souterraines et les émissions de protoxyde d’azote dans l’air, il faut être très vigilant lors de l’épandage du digestat. Pour les essais, le Vizura a été incorporé au digestat juste avant l’épandage dans la parcelle d’essai.
L’épandage a été réalisé lors du deuxième apport d’azote, sur une parcelle de blé tendre. Quatre bandes de parcelle ont reçu soit :
- du digestat sans Vizura ;
- du digestat avec Vizura ;
- du digestat sans Vizura et avec une dose réduite d’azote (- 30 unités par ha)
- du digestat avec Vizura et avec une dose réduite d’azote (- 30 unités par ha).
Des prélèvements de terre ont ensuite été réalisés à 30, 60 et 80 cm. Les résultats ont montré que lorsqu’il était présent, le Vizura a permis de réduire la quantité de nitrates présents dans les différents horizons du sol de 11 à 30 % et donc le risque de lessivage.
À noter aussi que sur les bandes ayant reçu 30 unités d’azote en moins, le rendement est resté quasiment équivalent à celles l’ayant reçu.
Ces expérimentations réalisées dans la Marne ont mis en avant l’intérêt des inhibiteurs d’uréase et de nitrification pour améliorer l’efficience des fertilisants azotés et réduire les émissions d’ammoniac et de GES.
Pour Pascal Lacroix, responsable territoire Est de BASF France division Agro, « ces solutions peuvent s’inscrire comme des leviers de choix pour décarboner les itinéraires de production de céréales et minimiser les externalités négatives associées au développement de la méthanisation, essentielle dans le mix-énergétique de notre pays ».