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Retenues

Dans une vallée agricole de l’Aquitaine, de précieuses retenues en manque d’eau


AFP le 19/02/2023 à 21:36

Aux confins de la Dordogne et du Lot-et-Garonne, dans la vallée du Dropt aux coteaux couverts de vergers, le faible remplissage des retenues d'eau cet hiver fait craindre le pire aux agriculteurs, si la pluie ne fait pas son retour d'ici peu.

Ici comme ailleurs selon Météo-France, il n’a pas plu depuis bientôt un mois et la menace d’une nouvelle sécheresse plane. Le cumul de précipitations n’atteint que 100 millimètres dans la vallée depuis juin dernier, contre 400 à 500 habituellement. Et aucune grosse précipitation ne pointe à l’horizon.

Résultat : au lac des Graoussettes, la végétation a envahi plusieurs dizaines de mètres de berges à sec. Ce réservoir de 32 hectares utilisé par une quarantaine d’agriculteurs locaux, où l’on taquine aussi le sandre et le brochet, n’est rempli qu’au quart de sa capacité. Plus loin, le barrage de 112 hectares du Lescourroux, à Eymet (Dordogne), atteint difficilement les 46 % de remplissage, malgré le pompage hivernal de la rivière du Dropt. Devant cette pénurie en eau, « historique depuis 2012 », le président du syndicat mixte Epidropt, qui gère l’alimentation des retenues collinaires, ne cache pas son inquiétude. « Si l’on ne devait atteindre que 50 % de remplissage selon les prévisions les plus pessimistes, il y aura forcément cet été un problème d’irrigation », abonde Stéphane Faresin, producteur de céréales et de pruneaux d’Agen.

Une nouvelle sécheresse synonyme de « catastrophe » pour ce territoire où l’on cultive pommes, prunes, noix, noisettes, tomates, fraises, céréales et autres semences grâce au pompage de ces réserves créées il y a 30 ans. Sans eau en quantité suffisante, point de maraîchage, encore moins de grandes cultures. Les sociétés agroalimentaires ou semencières locales ne passeront pas commande, « par crainte de ne pas recevoir la marchandise », pointe M. Faresin.

Roue de secours

Pour ne pas revivre l’« été infernal »de 2022, où les cultures devaient être irriguées « jour et nuit » en raison des chaleurs caniculaires, certains agriculteurs ont pris les devants. Installé à Roumagne (Lot-et-Garonne), Manuel Dezen a implanté des couverts végétaux sur ses futures parcelles de maïs, pour favoriser l’infiltration de l’eau, et va tester cette année le sorgho, moins aquavore. Il prévoit aussi de diminuer drastiquement sa production de tomates de plein champ.

« On est obligé d’évoluer car le pompage, ce n’est qu’une roue de secours », affirme ce quinquagénaire qui a investi plusieurs dizaines de milliers d’euros dans des enrouleurs d’irrigation – et une récolteuse à tomates qu’il doit encore amortir.

Alors que les batailles autour de l’accès à l’eau se multiplient dans les régions agricoles, « on peut dire merci aux « anciens » qui sont allés au devant des problèmes », estime celui qui dispose de deux petits lacs privés sur son exploitation, ainsi que de sa propre station de pompage au bord de la rivière Dourdenne – un affluent du Dropt – alimentée notamment par le lac des Graoussettes. Outre l’irrigation, les retenues de la vallée du Dropt soutiennent à 30 % l’étiage du cours d’eau, toute l’année, pour permettre un bon fonctionnement des milieux aquatiques et la dilution des eaux usées des stations d’épuration. Et éviter, tant que faire se peut, les conflits d’usage. Aujourd’hui, ce serait plus compliqué d’obtenir les autorisations et les financements pour construire de telles retenues , affirme l’exploitant.

Dans le Lot-et-Garonne, l’hiver 2018-2019 a été marqué par la construction illégale du lac de Caussade, à l’initiative de la Chambre d’agriculture dirigée par la Coordination rurale. La justice administrative a confirmé en appel l’illégalité de l’ouvrage sans pour autant ordonner la remise en état du site déclenchant la colère des associations écologistes. Mardi, dans les Landes voisines, les syndicats FNSEA et Jeunes Agriculteurs appellent à manifester à Mont-de-Marsan en vue du renouvellement des autorisations de prélèvement pour l’irrigation. Redoutant une baisse de leurs captages, ils défendent « la gestion en bon père de famille » de leurs besoins en eau. 

L’Agence de l’eau Adour-Garonne tire la sonnette d’alarme pour cet été. « On s’achemine vers une année plus compliquée que 2022, où tous les plans d’eau et les nappes étaient remplis » à cette période, souligne Nicolas Ilbert, directeur de la délégation Atlantique-Dordogne. Selon lui, si les retenues de la vallée du Dropt ne sont pas la solution unique, elles lui sont désormais « indispensables ».