Diversification : pourquoi ne pas tenter le lin oléagineux de printemps ?
TNC le 13/12/2024 à 05:30
Les superficies de lin oléagineux d’hiver en France ont baissé en 2024, alors que les débouchés créés par Valorex s’accélèrent. Pour limiter l’effet ciseau, la société met en avant le lin oléagineux de printemps : « une culture de diversification avec un intérêt agronomique et un prix de vente garanti ». Respectivement installés en Eure-et-Loir et dans les Côtes-d’Armor, Angélique Le Borgne et Maxime Ruellan sont des producteurs convaincus : ils nous partagent leurs retours d’expériences.
Agricultrice en Eure-et-Loir, Angélique Le Borgne a cherché dès son installation, en 2018, sur l’exploitation familiale à introduire une culture de printemps, en raison d’une importante problématique ray-grass. L’objectif : « créer une rupture dans la rotation historique blé-orge-colza et ainsi diminuer cette pression ».
« N’ayant pas d’irrigation sur la ferme, j’ai rapidement mis de côté l’idée de cultiver des pommes de terre ou des oignons et je ne me voyais pas investir les premières années dans du matériel spécifique supplémentaire », explique l’agricultrice. C’est lors du forum Cultur & Co, organisé en 2019, par la Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir, qu’elle s’intéresse au lin oléagineux de printemps.
Un excellent précédent pour une céréale
« Ça va faire la sixième campagne et j’en suis satisfaite ! », témoigne aujourd’hui Angélique Le Borgne. « Tout d’abord, car le lin a un impact positif sur la pression ray-grass, il n’est plus pénalisant pour les rendements des cultures. L’implantation réalisée entre mi-mars et mi-avril permet de rompre le cycle des adventices. En 2024, le lin a même été semé fin avril et ça s’est bien passé. »
« C’est aussi un excellent précédent. Je souhaitais arrêter le blé sur blé et on remarque un gain de quelques quintaux par hectare sur blé supplémentaire par rapport à un précédent colza », précise l’agricultrice. « La culture du lin oléagineux a également comme avantage de bien structurer le sol et d’être peu sensible aux attaques de limaces, une qualité non négligeable surtout cette année ! »
Sur le plan de l’itinéraire technique, « il faut compter environ 80 u d’azote. Le lin est exigeant en zinc mais celui-ci est le plus souvent apporté directement par le pelliculage autour de la semence. Si le sol est bien pourvu en phosphore et en potasse, il n’y a pas de besoin particulier à ce niveau ».
Quels sont les points d’attention de la culture ?
« Les altises peuvent représenter un souci important à la levée. Certains producteurs vont jusqu’à 4 applications d’insecticides en cas de fortes attaques. Mais la sélection variétale avance avec des lins plus vigoureux à la levée », souligne Angélique Le Borgne. Elle a notamment testé la variété Richess en 2024 et n’a pas eu besoin d’intervenir contre les altises. L’agricultrice prend également soin de bien rappuyer les semis pour limiter ce risque.
Le lin oléagineux est une plante relativement rustique, mais peu couvrante. Côté désherbage, Angélique Le Borgne réalise, en général, 1 passage d’anti-dicotylédones et 1 ou 2 passages d’anti-graminées selon la pression. À noter également : une application fongicide contre la septoriose appliqué au début de la floraison.
Dans les Côtes-d’Armor, Maxime Ruellan est aussi un adepte du lin oléagineux. La culture est présente depuis une dizaine d’années sur l’exploitation où il s’est installé il y a 6 ans avec un tiers. D’hiver ou de printemps, les associés cultivent les deux types : « cela permet de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier », explique l’agriculteur.
« Très bon précédent pour une céréale, peu sensible aux limaces et doté de racines pivotantes… » : Maxime Ruellan partage les atouts du lin oléagineux mis en avant par Angélique Le Borgne. « La culture permet un travail du sol simplifié et c’est un plus aussi niveau diversification pour la Pac », ajoute-t-il. Le lin oléagineux de printemps lui donne également la possibilité de valoriser les fientes issues de sa poussinière (élevage des futures poules pondeuses, pendant 17 semaines), autrement que sur colza et maïs.
Dans son secteur, l’agriculteur n’est pas embêté par la pression altises. Il est, en revanche, plus attentif au risque verse. « À noter que le lin de printemps y est moins sujet que le lin d’hiver, car la plante est plus courte. Dans les deux cas, il faut bien veiller à moduler la dose en fonction du risque, afin d’éviter un impact sur le potentiel de rendement », rappellent les experts de Terres Inovia.
Le lin oléagineux pâtit « d’une mauvaise image »
Aujourd’hui, le lin oléagineux représente environ 25 000 ha en France, donc 15 000 ha sous contrats Valorex. « Alors que deux tiers des approvisionnements se font avec des lins semés en automne, les premières estimations de surfaces 2024 s’annoncent en baisse. Les semis ont été impactés par des conditions climatiques perturbées et on observe aussi depuis 2 ans, un retour du colza, qui avait été mis de côté dans certains secteurs », explique Tiphanie Soulard, ingénieure développement filières végétales pour Valorex.
« Pourtant les débouchés par Valorex en alimentation animale et humaine s’accélèrent. Un audit réalisé pour Bleu Blanc Cœur a d’ailleurs montré que la marque perdure et réussit à sortir son épingle au jeu vis-à-vis des consommateurs et des distributeurs. » La société Valorex compte aller chercher 10 à 15 000 ha supplémentaires dans les 3 à 5 ans à venir. Pour cela, elle peut s’appuyer sur un partenariat avec les organismes stockeurs (OS), coopératives et négoces, pour communiquer auprès des agriculteurs.
Pour Maxime Ruellan, « beaucoup de producteurs sont restés sur une mauvaise image du lin oléagineux avec des difficultés à la récolte. Mais les variétés ont évolué depuis, elles sont nettement moins sensibles à la verse ! » Chez Angélique Le Borgne, en Eure-et-Loir, la récolte s’effectue généralement autour de la dernière quinzaine d’août. « Il faut que la culture soit bien mûre et une journée ensoleillée, avec les bons réglages sur la moissonneuse-batteuse, pointe Angélique. En 2024, on a pu récolter les 15 ha en une après-midi, sans problème. Mais il ne faut surtout pas forcer si le temps n’est pas optimal. » Maxime Ruellan a aussi l’option fauchage-andainage avec une ETA de son secteur, s’il souhaite libérer la parcelle plus tôt.
Que dire alors à un agriculteur qui réfléchit à se lancer dans le lin oléagineux ? « Qu’il faut y aller ! répond Angélique. Quand on n’a pas accès à l’irrigation, le lin oléagineux est une culture intéressante, elle s’en sort mieux en marge qu’une orge de printemps par exemple. Niveau rendement, on a réussi à atteindre jusqu’à 21 q/ha. En 2024, on était plutôt à 19 q/ha de moyenne, malgré un bout de parcelle noyé. Ce qui en fait la culture la plus résiliente de la récolte dernière ! Tout se joue essentiellement à la floraison. »
Dès qu’elle s’est intéressée à la culture, l’agricultrice a rejoint l’association « Graines de lin 28 », qui lui permet de bénéficier d’un accompagnement technique et du retour d’expérience des autres producteurs. Et c’est l’association qui négocie directement les contrats avec Valorex. « Avant d’implanter, on connaît déjà le prix minimum garanti, cela sécurise notre marge. Et ensuite il y a un système de bonus après récolte, suite à l’analyse des échantillons, sur la teneur en matières grasses et oméga 3. En 6 ans, j’ai toujours eu le droit à ce complément de prix qualité ! »
Après comme toutes les cultures, « les cours du lin oléagineux fluctuent, mais on peut dire que c’est autour de 3 fois le prix du blé tendre + 80-100 € supplémentaires », précise Tiphaine Soulard. « L’association « Graines de lin 28 » est un cas plutôt exceptionnel, Valorex travaille en général avec les OS qui s’occupe de la relation avec les producteurs, la réception et le stockage de la marchandise, etc. Nous n’avons pas de minimum de tonnage requis, on peut démarrer petit, ajoute l’ingénieure développement. Il est encore temps d’ailleurs d’agir pour les semis du printemps prochain, un agriculteur intéressé peut contacter directement Valorex via le site web et nous nous occupons de voir ce qu’il est possible de faire avec son OS. »