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Congrès de la CGB

Doit-on produire plus de betteraves dans un marché du sucre porteur ?


TNC le 08/12/2023 à 12:03
Betteraves_LeoPictures_Pixabay

Si le marché du sucre est porteur, faut-il pour autant augmenter les surfaces ? (© Leo Pictures, Pixabay)

Difficile de répondre clairement à cette question, tout du moins pour les intervenants à la table-ronde du congrès de la CGB. Car si le cours du sucre s’est envolé ces derniers mois, et que la rémunération des betteraves 2023 devrait être au rendez-vous, le risque d’une surproduction dans l’UE rend les planteurs frileux quant à l’augmentation des surfaces.

« Je ne vois pas l’intérêt pour l’Europe et pour la France de faire moins de betteraves », estime en tout cas Sébastien Abis. Invité au congrès de la CGB, le 7 décembre, à Reims, le chercheur en géopolitique, co-auteur du livre « Géopolitique du sucre », a remis en avant les atouts de cette culture utile pour l’alimentation, l’énergie, les industries de la chimie, tout en stockant du carbone.

Si les planteurs ne découvrent pas les atouts de la betterave, ce sont surtout les prix qui les intéressent, d’autant que les coûts de production ont considérablement augmenté ces dernières années, parallèlement à la disparition de solutions de protection des plantes, notamment les néonicotinoïdes. Or, ces prix devraient s’avérer plutôt satisfaisants cette année, dans un contexte de marché particulièrement porteur.

L’intérêt de conserver un déficit européen

Au niveau mondial, le marché était jusqu’alors « capé par l’Inde », deuxième producteur mondial, qui exportait ses surplus dès lors que les prix étaient plus intéressants que sur son marché domestique, explique Olivier Crassard, analyste de marché du groupe Sucres et Denrées. Mais la perspective d’un retrait de l’Inde pour se concentrer sur son marché intérieur et sur la production d’éthanol a suscité des inquiétudes et fait monter les prix. Néanmoins, ces derniers jours, le pays a décidé de cesser la production d’éthanol à base de jus de canne, ce qui va augmenter la production de sucre indienne et fait décrocher les prix.

Les intervenants au congrès de la CGB ont échangé sur les perspectives du marché du sucre, le 7 décembre, à Reims. (© Terre-net Média)

Mais le prix payé aux producteurs européens n’est pas directement indexé sur ce prix mondial, tant que l’Union européenne reste déficitaire en sucre. Une prime pouvant aller de 150 à plus de 500 € la tonne est prévue, en fonction de l’ampleur du déficit. « C’est un marché qui a vocation à rester importateur net », indique Olivier Crassard.

L’inconfort d’une volatilité post-quotas

Quand on demande à Guillaume Gandon, vice-président de la CGB, s’il faut produire plus de betteraves dans ce contexte de marché favorable, sa réponse n’est pas tranchée. « Pour aller dans cette direction, je serais plus rassuré s’il y avait des cours garantis », explique-t-il. Le retournement brutal des prix qui a suivi la fin des quotas en 2017, alors que le marché était porteur, a laissé des traces.

La CGB inciterait donc plutôt à la prudence. « Si les surfaces augmentent de 5 à 10 %, en cas de bons rendements, l’Europe serait excédentaire », rappelle ainsi le directeur général de la CGB, Nicolas Rialland.

Pour 2023/2024, on s’attend en Europe à des prix autour de 800-950 €/t, un prix qui dépendra, pour se maintenir, de la pression ukrainienne, puisque la production du pays en guerre est attendue à 700 000 tonnes, voire 1 million de tonnes, dont l’importation au sein de l’Union européenne déstabiliserait le marché. A échéance décembre 2024, la valeur du sucre sur le marché est estimée à 600 €/t, soit 100 €/t de moins qu’aujourd’hui, ce qui indiquerait un prix à la baisse pour la betterave.

Il reste cependant difficile de se projeter compte tenu des nombreux facteurs influençant le marché. Dans un tel contexte d’incertitude, les représentants des planteurs néerlandais – Arwin Bos, président de la coopérative Cosun aux Pays-Bas- et allemands – Stefan Streng, président de la Confédération des planteurs de betteraves sud-allemands – se sont quant à eux bien gardés de donner la moindre indication de leur vision du marché, sur les prix comme sur l’augmentation ou non des surfaces.