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Installé en septembre 2022

Jean Delarson nous livre ses impressions sur sa première moisson


TNC le 31/07/2023 à 20:15

À Saint-Germain-le-Gaillard en Eure-et-Loir, Jean Delarson vient de finir sa première moisson de jeune agriculteur. Préparation, organisation, résultats… Il nous raconte comment il l’a abordée puis vécue. S’appuyant sur cette expérience, il envisage certaines adaptations pour l’an prochain et donne quelques conseils aux jeunes installés qui moissonneront pour la première fois en 2024.

Le 20 juillet, Jean Delarson, à Saint-Germain-le-Gaillard (Eure-et-Loir), a moissonné le dernier champ de sa première moisson de jeune agriculteur. En septembre 2022, tout juste diplômé de l’Ihedrea (Institut des hautes études de droit rural et d’économie agricole), après un cursus en alternance à la Safer des Pays de la Loire, il a repris deux exploitations de tiers. « Je pensais plutôt m’installer vers 30 ans : mon père n’a que 52 ans et sa structure ne peut pas accueillir deux personnes. D’ici là, j’envisageais d’être expert foncier. Mais une opportunité ne se refuse pas !, lance-t-il. Peut-être plus tard pourrais-je exercer cette activité à côté de la ferme. »

Je ne pensais pas m’installer si vite, mais une opportunité ne se refuse pas.

Mener un projet d’installation agricole, avec toutes les démarches administratives qui s’ensuivent et les délais d’attente (pour les autorisations d’exploitation et les préemptions Safer notamment), en parallèle de sa dernière année d’étude, en alternance, et de son mémoire : l’année 2021-2022 a été plutôt « intense » pour le jeune homme de 23 ans.

Installation et première moisson « intense »

Tout comme sa première moisson. C’est le premier adjectif qui lui vient à l’esprit pour la qualifier, ne s’attendant pas à ce qu’elle le soit autant. « Les orges ont été battues en trois jours, du 3 au 6 juillet, commente-t-il. J’ai enchaîné avec un peu de colza dès le 9 juillet, 5-6 jours avant la date prévue, le temps que le blé soit mûr. Il l’a rapidement été, et j’ai moissonné le blé et le colza en 10 jours. Il n’y a quasiment pas eu d’arrêt pour manque de maturité ou pluie, à part deux jours avant les blés. » Sur les 276 ha de SAU (149 ha issus de la ferme de son oncle et 127 ha de celle du voisin), le blé représente 100 ha, l’orge 40 ha et le colza 90 ha. Le reste de la sole se compose de 20 ha de pommes de terre et 15 ha de semences potagères (carotte, betterave rouge), plus un peu de jachère.

Tout s’est très vite enchaîné, sans presque aucun arrêt pour manque de maturité ou pluie. ( © Terre-net Média)

Presque aucun temps mort !

Heureusement, pour étaler un peu les récoltes, le jeune installé avait introduit de l’orge dans l’assolement, et semé des variétés de blé précoces, comme Prestance, et plus tardives, telles Chevignon et Complice. Niveau anticipation, il a porté une attention particulière à la révision de la moissonneuse-batteuse cet hiver, une Class Lexion 570. Pas trop d’inquiétudes de ce côté-là cependant : « Elle, elle en est à sa 13e moisson, mais mon père l’a achetée neuve. Je connais la machine, elle est entretenue, sachant que nous effectuons l’entretien courant – vidanges et courroies – et laissons le reste au concessionnaire n’ayant pas suffisamment de connaissances en mécanique agricole. » Pas de casse, ni de panne à déplorer donc.

La moissonneuse, une Claas Lexion 570, en est à sa 13e moisson. ( © Terre-net média)

Se préparer et s’organiser

Et en termes d’organisation ? Jean travaille avec son père, qui exploite 185 ha dans le même secteur, pour beaucoup de chantiers, dont le plus important, qui marque l’aboutissement de la campagne culturale. « J’ai la chance d’avoir un parcellaire groupé et bien remembré », reconnaît-il : des parcelles de 20 ha en moyenne à 5-7 km autour du siège d’exploitation. « L’objectif est de s’organiser pour ne pas dételer la coupe de la journée », explique le jeune agriculteur.

Le parcellaire est plutôt bien groupé et remembré. ( © Terre-net Média)

Étaler la maturité des variétés, ne pas dételer la coupe de la journée.

Lui, son salarié (il a gardé celui employé depuis sept ans dans l’exploitation du voisin) et son père conduisent la moissonneuse, mais c’est surtout celui-ci qui a pris le volant cette année, leur confiant les ensembles tracteur-benne, dans les champs et pour les livraisons à la coopérative, la Scael. « Le matin, on commençait le plus tôt possible, dès que la moissonneuse était soufflée et que c’était sec, généralement vers 10 h. Après la fermeture de la coop, aux alentours de 22 h, on remplissait encore deux bennes livrées le lendemain, jusqu’à 23-24 h le temps de tout mettre à l’abri », détaille le jeune producteur, qui ne stocke que le colza parce que « c’est plus intéressant financièrement ».

Résultats « mitigés », un peu « décevants »

Côté résultats, il est « mitigé », voire un peu « déçu ». Si en orge, les rendements sont excellents, 103 q en moyenne, ils sont « entre 10 et 20 % » en deçà de ses espérances en blé et colza : « 84 et 38 q de moyenne respectivement pour un potentiel de 95 et 45-50 q ». En blé, le PS est pile dans la norme, 75-76, et la protéine, un peu juste. « Les précipitations ont été insuffisantes en hiver et au printemps globalement. À la fin, il a été très pluvieux, mais le mal était fait. Puis, on a eu un peu d’eau juste avant de moissonner le blé, on a eu un peu peur pour le PS, mais comme il n’était pas tout à fait mûr, ça a été », analyse Jean. Les ray-grass sont, eux, responsables de « 10 à 15 % de pertes de rendement », poursuit le jeune exploitant.

103 q de rendement moyen en orge, 84 q en blé et 38 q colza.

Ce fort salissement l’inquiétait depuis plusieurs semaines. « Je me disais que cela ne donnerait pas grand-chose, détaille-t-il. Certes, je craignais de ne pas atteindre près de 85 q, mais ce chiffre est quand même médiocre par rapport aux rendements que je peux espérer malgré l’hiver sec qui a limité l’efficacité des herbicides et les résistances observées dans la région. » Sur près de 20 ha, sous l’effet conjugué de l’adventice, de la pluie et du vent, le blé a versé. « En plus, on a perdu un peu de temps », pointe Jean. Quant au colza, « il a manqué de luminosité pendant la floraison et présentait de nombreuses piqûres de charançons sur les siliques ».

Pour la prochaine moisson, Jean va faire évoluer son assolement et sa stratégie de lutte contre le ray-grass. ( © Terre-net Média)

« Plus d’un tiers de la récolte engagé par sécurité »

« Ne pas pouvoir se projeter économiquement, avoir une vision de ce qui va rester au bout, est compliqué », met-il en avant, même s’il n’est pas trop inquiet vis-à-vis de son prévisionnel d’installation. En effet, il a joué la sécurité en engageant un peu plus d’un tiers de la récolte de blé et colza au moment d’acheter ses intrants, lorsque les prix des grains étaient élevés. Même si en tant que JA, sa coopérative ne lui facture pas le stockage de ses céréales, le jeune producteur les lui vend à la récolte, pour avoir de la trésorerie. Il table sur 230 €/t en blé et 460 €/t en colza, ce qui est certes inférieur aux cours actuels, boostés par les dernières évolutions de la guerre en Ukraine, mais ceux-ci sont tellement volatilsqu’ils peuvent à tout moment retomber en dessous.

Me concentrer sur mes cultures et pratiques.

« Je n’ai pas assez de recul pour commercialiser moi-même, indique-t-il. Il s’agit d’un autre métier. Pour l’instant, je préfère me concentrer sur mes cultures et pratiques culturales car j’ai plein de choses à apprendre en agronomie, sur le terrain, auprès de mon père, de mon salarié et du technicien de la coop, n’ayant pas de formation technique en agriculture. »

Réfléchir, dès maintenant, à la prochaine récolte

À peine sorti de sa première moisson, Jean évoque déjà la suivante en s’appuyant sur l’expérience acquise pour faire évoluer certaines choses et améliorer les points qui, selon lui, le nécessitent. Pour ce qui est de l’assolement, il prévoit de passer à 30-40 ha en orge et 50-60 ha en colza, en raison de la faible rentabilité de cette culture, et d’augmenter à 120 ha en blé. Concernant les variétés (notons qu’il utilise ses propres semences de ferme), il va remplacer Complice en blé par Celebrity, « plus précoce, affichant de bonnes performances, et moins sensible à la verse ». Contre le ray-grass, il va davantage labourer, pratiquer des faux semis et revoir son programme de désherbage.

Adapter l’assolement, les variétés et les pratiques.

Son but est de « simplifier le plus possible ». Pour les semences potagères, il va arrêter les betteraves rouges à cause « du salissement des parcelles et du temps mobilisé ». « Je ne vais garder que les carottes, faciles à désherber, et peu sujettes aux maladies et insectes, et planter des oignons », ajoute-t-il. Pour cette culture et les oignons, il projette de globaliser l’assolement avec son père pour des questions d’irrigation. « J’irrigue principalement les cultures à forte valeur ajoutée, c’est pourquoi j’ai décidé dès ma première année culturale de ne plus semer de maïs, alors que mon oncle en cultivait. » Le jeune exploitant aimerait augmenter les productions sous contrat comme la pomme de terre. « Si l’acheteur est fiable, on sait généralement ce qu’on va gagner avant la plantation. Les variations de rendement et de prix sont moins grandes qu’en céréales. »

Conseil aux JA pour leur 1ère moisson : « Anticipez pour être prêts le jour J »

Jean termine par quelques conseils aux jeunes agriculteurs qui moissonneront pour la première fois en 2024. « Anticipez pour être prêts le jour J. Réfléchissez surtout à votre assolement et, en termes de main-d’œuvre, définissez bien le rôle de chacun. Enfin, mangez et dormez bien pour être opérationnel ! », recommande le producteur qui n’a que quelques jours de répit avant le défanage des pommes de terre, leur arrachage dans une quinzaine de jours, puis la récolte des semences potagères.