La baisse du stockage de carbone par les forêts françaises devrait se poursuivre
AFP le 15/05/2024 à 17:50
La forêt française pourra-t-elle encore à l'avenir jouer son rôle de régulateur du climat ? Rien n'est moins sûr, alerte une étude estimant que la baisse amorcée de son rôle crucial dans le stockage du carbone « devrait se poursuivre dans les prochaines décennies ».
Envisageant différents scénarios prenant en compte aussi bien les conséquences du changement climatique que le niveau de récolte du bois ou une éventuelle reforestation massive, cette étude, publiée lundi par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et l’Institut technologique FCBA, montre que « dans la grande majorité des (…) scénarios, la séquestration du carbone en forêt continue de s’éroder sur la période de projection 2020-2050 ».
L’amplitude du stockage dans la biomasse vivante varierait entre 40 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an dans un scénario optimiste et 3 MtCO2e/an dans un scénario pessimiste.
Depuis plusieurs années, le rôle de la forêt française dans le stockage du CO2 et ainsi dans la limitation du réchauffement climatique tend progressivement à s’essouffler.
Il a été divisé en moyenne par deux entre 2010 et 2019, passant à environ 30 Mt annuels, et continue à diminuer. Selon l’Observatoire climat-énergie, en 2022, la séquestration de CO2 dans les forêts n’a été que de 16,9 MtCO2e, alors que la feuille de route officielle française tablait sur 41 MtCO2e.
Principale cause de cette baisse : la surexploitation et surtout les pressions croissantes du changement climatique, qui multiplient les risques d’incendies, d’infestations de nuisibles et de sécheresses susceptibles de saper la résilience et le rôle crucial de ces écosystèmes pour le climat et la biodiversité.
Néanmoins, l’IGN et le FCBA estiment que la contribution de la forêt au bilan carbone de la France devrait « rester pour la plupart des cas en moyenne positive », même si elle sera également très changeante.
Certaines années, « les écosystèmes forestiers (hors sols) pourraient même passer d’un puits de carbone à une source de carbone », avertit l’étude, destinée à orienter les politiques publiques en matière de gestion forestière.
Même si le bois mort pourrait également jouer un « rôle tampon » dans le stockage, celui-ci serait « peu durable », les stocks actuels de bois mort en forêt étant actuellement d’environ 150 millions de tonnes de carbone contre plus de 1,3 milliard de tC dans la biomasse.
Et il ne faut pas trop compter sur le plan gouvernemental de planter un milliard d’arbres d’ici à 2032. Ses effets sur le stockage de carbone dans l’écosystème et sur l’augmentation de la qualité des bois produits, pointe l’étude, ne seront « visibles qu’à long terme, au-delà de 2050, et sont conditionnés au bon ciblage des peuplements à renouveler ainsi qu’à la bonne réussite des plantations ».
L’étude anticipe par ailleurs que, même dans un scénario optimiste, la production forestière pourrait baisser de 25 % d’ici à 2050, alors que la mortalité augmenterait de 77 % par rapport à aujourd’hui.
L’IGN avait déjà alerté en octobre sur le fait que la mortalité de la forêt française avait augmenté de « près de 80 % en dix ans ».
Enfin sur le plan de la satisfaction des besoins en bois, seule une augmentation de la récolte (de 10 Mm3/an en 2050 et de 22 Mm3/an en 2080) « permettrait de satisfaire globalement » la hausse de la demande, qui devrait être d’environ 16 % hors bois énergie et 14 % avec bois énergie entre 2019 et 2050, estime l’étude, qui anticipe « des tensions sur le bois d’oeuvre résineux ».