Légumineuses associées au colza : un espoir contre l’altise
TNC le 09/12/2019 à 18:02
Dans la Vienne, au moins 30 % des surfaces en colza ont disparu en raison des conditions climatiques et des ravageurs. Des conduites innovantes, reposant entre autres sur les plantes compagnes, sont testées dans l’objectif de préserver cette culture utile dans la région d'un point de vue économique et agronomique.
Le colza est un pilier des rotations culturales dans le département de la Vienne. Toutefois, en raison des difficultés d’implantation liées à la sécheresse et aux dégâts croissants de la grosse altise moins affectée par la douceur des hivers, les surfaces ont diminué d’au moins 30 % ces deux dernières années. « L’année 2019 a été particulièrement pénalisante, indique Mickaël Lomme, conseiller à la chambre d’agriculture de la Vienne. Les populations d’altises étaient tellement élevées au printemps que certaines parcelles ont dû être détruites. »
Depuis une dizaine d’années, la chambre d’agriculture teste l’usage des plantes compagnes du colza. L’objectif au départ était de lutter contre le salissement des parcelles et de s’affranchir du désherbage chimique. « Cela a été peu concluant en raison notamment de la problématique géranium, reconnaît Mickaël Lomme. Quand l’infestation est trop importante, les plantes compagnes ne suffisent pas à étouffer cet adventice. L’homologation de deux nouveaux désherbants foliaires devrait nous aider à nettoyer ces parcelles. » En revanche, les plantes compagnes se sont révélées utiles pour limiter les attaques d’altises à l’automne, en agissant comme un leurre visuel pour les insectes ravageurs.
Retrouvez aussi le reportage chez Dominique Picoche (21) : Colza associé : une pratique aux multiples intérêts, mais soumise à la sécheresse cette année
Semer plus tôt
De nouveaux essais ont été mis en place en 2019 à l’aide de plusieurs partenaires (chambre d’agriculture, BASF, syndicat Eaux de Vienne, GIEE de Gué de Sciaux), dont un chez David Gourmaud à Paizay-le-Sec. Éleveur de porcs, il cultive aussi 200 ha dont une trentaine en colza. Il a mis en place une bande témoin de 2 ha conduite de façon traditionnelle (semis le 28 août avec des semences fermières). Une autre bande de 2 ha a bénéficié d’une conduite améliorée : elle a reçu du lisier de porc puis un semis de féverole à la volée le 8 août (80 kg/ha), suivi d’un enfouissement aux disques. Une variété de colza à bonne vigueur à l’implantation (Chopin à 35 grains/m2) accompagnée de semences de lentille et fenugrec (8 kg/ha de chaque espèce) ont été implantées le 20 août suite à une pluie. « L’objectif était de semer dès le début du mois d’août mais j’étais tributaire d’un prestataire pour l’épandage du lisier, précise David Gourmaud. En 2020, j’aurai mon propre matériel afin d’épandre dès mi-juillet. Il est important de semer tôt pour obtenir un colza robuste de bonne heure, environ 4 à 6 feuilles vers mi-septembre, avec un meilleur pouvoir de défense naturelle. »
Enfin, les semences de colza étaient enrobées de la nouvelle solution de biocontrôle de BASF : Intégral Pro. « Il s’agit d’une bactérie de type Bacillus agissant contre le phoma et stimulant les défenses naturelles des plantes, déclare Pascal Lacroix, responsable du pôle agriculture durable de BASF France. C’est une solution complémentaire aux autres leviers, qui peut contribuer à réduire les dégâts d’altises en renforçant la vigueur des plantes. »
45 unités d’azote restituées au sol
En raison de la sécheresse estivale, seules 30 % des plantes ont levé rapidement ; le reste est apparu un mois plus tard avec les pluies de septembre. La culture a alors été considérée comme « sauvée » et un désherbage à action racinaire a été décidé (Alabama à 2 litres/ha le 15 octobre). « Les plantes compagnes, la féverole notamment, supportent une telle application » souligne Mickaël Lomme.
Aucun insecticide n’a été appliqué à l’automne. Les comptages d’altises réalisés le 22 novembre indiquent une présence de 0,4 larve par plante en moyenne en conduite améliorée contre 3,3 larves pour la bande témoin. Du côté des pesées de biomasse réalisées le 26 novembre, elles ont montré un poids de colza de 600 g/m2 en conduite améliorée contre 500 g/m2 pour le témoin. Il faut y ajouter 1,3 kg/m2 de plantes compagnes, en particulier la féverole. « À ce stade, les restitutions en azote sont estimées à 45 unités/ha dont une quinzaine d’unités bénéficieront au colza, annonce Mickaël Lomme. Le calcul de la fertilisation nécessaire avec la réglette azote de Terres Inovia indique un apport réduit à 140 unités contre 174 unités pour le témoin, pour un objectif de rendement de 30-35 q/ha. »
Réduire les insecticides
La conduite améliorée du colza, cumulant plusieurs leviers dont les plantes compagnes, devrait donc être moins pénalisée par les altises au printemps 2020, et moins coûteuse en fertilisation azotée. Elle permet en outre de réduire le nombre d’insecticides à l’automne (0 ou 1 plutôt que 3 voire 4 dans certains cas).
Avec quelques jours de gel sur des plantes suffisamment développées, la féverole devrait être détruite. Si ce n’est pas le cas, l’agriculteur appliquera un désherbant sélectif : c’est une des limites de cet itinéraire technique. Les autres inconvénients sont le coût des semences des plantes compagnes (20 à 30 euros/ha), et la nécessité de deux passages pour implanter la parcelle, sauf si l’on est équipé d’un semoir à deux trémies. Quant au surcoût du traitement de semences Intégral Pro, il est estimé à 2-3 euros/ha.
Selon Terres Inovia, 15 % des surfaces nationales en colza seraient désormais semées avec des plantes compagnes soit environ 150 000 ha. À Paizay-le-Sec, David Gourmaud les a déjà adoptées sur ses 28 ha de colza.