Les cours du blé secoués par des initiatives russes à l’effet incertain
AFP le 23/10/2024 à 09:33
Les cours du blé sont chahutés par une tentative russe d'instaurer un prix plancher pour ses exportations et de renforcer ses liens avec les pays émergents face à la concurrence d'autres exportateurs.
Mardi, le prix du contrat de référence américain est descendu à son plus bas niveau depuis un mois, et son équivalent européen à un plancher de trois semaines. Selon plusieurs sources de marché, la Russie a fixé un prix plancher officieux de 250 dollars la tonne de blé pour ses exportations, décision qui n’a pas été confirmée par le ministère de l’agriculture. C’est sensiblement plus que le cours du blé actuel à la Bourse de Moscou, soit 220 dollars.
L’information a soutenu le marché en fin de semaine dernière, avant un reflux marqué ces derniers jours. « Le marché hésite », explique Damien Vercambre, de la maison Inter-Courtage. « On ne sait pas trop sur quel pied danser. Est-ce qu’on doit garder ce prix en
tête ? » « Ils ont déjà fait ça avant et le marché a appris que ce n’est pas parce qu’ils donnent un prix qu’ils vont le respecter », avance Jon Scheve, de Superior Feed Ingredients.
En mars 2023, un prix minimum, là encore non officiel, avait été rapporté à 275 dollars la tonne en « FOB », ce qui signifie que le vendeur ne prend ni le coût de transport ni l’assurance en charge. « Cela avait fait perdre des ventes aux Russes », rappelle Damien Vercambre, « parce que sur les appels d’offres officiels, les opérateurs (russes) s’alignaient au prix plancher et les concurrents se mettaient juste en dessous. »
Un marché des Brics ?
Pour l’analyste, outre la circonspection du marché quant au respect de ce prix par les exportateurs russes, le fléchissement des cours pourrait être lié à une autre mesure, officielle, celle-là. Le ministère russe de l’agriculture a décidé de restreindre aux seuls exportateurs nationaux la possibilité de vendre du blé de cette origine à l’étranger, écartant ainsi les intermédiaires.
Tous les acteurs agricoles étrangers qui étaient présents dans le pays s’en sont retirés depuis l’invasion de l’Ukraine, mais certains continuaient à charger dans les ports de la mer Noire. « Il y avait peut-être des opérateurs internationaux qui avaient du blé en Russie et qui ont dû le larguer », suggère ainsi Damien Vercambre, provoquant un afflux de céréales sur le marché, de nature à peser sur les cours.
Active sur plusieurs fronts, la Russie a aussi fait parler d’elle à l’occasion du sommet des Brics, groupement de pays émergents qui se positionne comme alternative aux grandes organisations occidentales. Avant le sommet de Kazan (Russie), qui se déroulait de mardi à jeudi, le pays hôte a tenté, selon l’agence Reuters, de relancer son projet de marché
agricole des Brics, qui renforcerait les échanges entre les pays membres.
Davantage d’opacité
Parmi ces nations figurent certains grands importateurs de blé mondiaux, comme la Chine, le Brésil ou l’Égypte. L’idée avait déjà été soumise fin juin, les Brics la soutenant officiellement, sans que ce partenariat ne se concrétise. « C’est une des grandes inconnues sur le marché du blé », a pointé Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting. « La Russie est-elle en train de créer un nouveau canal d’échanges bilatéraux ? »
« La crainte, c’est que les relations qu’ils (les Russes) cherchent à développer ne se substituent aux appels d’offres et soient plus opaques », soulève l’analyste, au risque de léser les grands exportateurs qui n’en font pas partie, notamment Europe et États-Unis. « Pour l’instant, on ne voit pas ces discussions déboucher, donc l’inquiétude s’estompe », selon Michael Zuzolo.
Tandis que le blé s’agitait, maïs et soja se sont tous deux stabilisés, notamment grâce à la bonne tenue récente des exportations américaines. La semaine dernières, les États-Unis ont ainsi envoyé près de 1,7 million de tonnes de soja en Chine. Les opérateurs voient aussi d’un bon œil approcher la fin de la récolte américaine. Quelque 81 % des surfaces dédiées au soja ont été moissonnées et 65 % de celles consacrées au maïs.
« On a trouvé un plancher » pour les cours de l’oléagineux et du grain jaune, fait valoir Dewey Strickler, d’Ag Watch Market Advisors. Il relève que l’écart de prix s’est estompé entre les contrats pour livraison en décembre et en juillet, ce qui « indique que la demande repart un peu » pour le maïs à court terme.