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Les néonicotinoïdes, quelle toxicité pour l’environnement ?


AFP le 29/01/2025 à 10:47

Pour apaiser un monde agricole en colère, le Sénat a ouvert la voie à la réintroduction en France de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes à la dangerosité avérée pour l'environnement, interdit depuis 2018 dans le pays mais autorisé ailleurs en Europe.

Les néonicotinoïdes, ça sert à quoi ?

Disponibles depuis le milieu des années 1990, ces produits neurotoxiques (acétamipride, clothianidine, imidaclopride, thiaclopride, thiaméthoxame, nitenpyrame et dinotéfurane) sont couramment utilisés dans le monde.

Betteraves, blé, colza, arbres fruitiers, vigne… Ils servent à débarrasser les cultures des chenilles, cochenilles, pucerons ou insectes mangeurs de bois, et protéger ainsi les rendements agricoles.

S’ils peuvent être employés en pulvérisation, les néonicotinoïdes sont souvent utilisés de manière préventive, en enrobage desemences qui seront mises en terre, en général en mars. Les utilisateurs mettent en avant que cet usage localisé permet d’éviter d’épandre des insecticides dans les champs à un stade plus avancé du développement des cultures.

Quels effets sur l’environnement ?

Comme tout insecticide, à certaines doses, les néonicotinoïdes peuvent tuer des insectes autres que ceux ciblés.

Mais la létalité de ces substances peut aussi être indirecte. En butinant les plantes, les pollinisateurs ingèrent certaines quantités de ces insecticides. Et ces derniers, même à faible dose, peuvent s’attaquer au système nerveux de ces insectes, causant chez eux des difficultés à s’orienter, réduisant leur longévité ou leur résistance aux maladies ou des altérations dans la reproduction. Chez les bourdons, des études ont aussi montré des croissances plus lentes ou une production amoindrie de la ruche menaçant sa survie.

D’autres espèces peuvent aussi être affectés, comme les oiseaux en se nourrissant d’insectes contaminés. Des traces de ces substances ont également été retrouvées dans la rate de certains cervidés, affectant leur poids, leurs organes génitaux ou la survie de leurs faons.

Enfin du fait de leur persistance pendant des mois voire des années, les néonicotinoïdes – dont seule une petite partie est absorbée par les plantes, le reste se déversant par ruissellement – s’accumulent et polluent les sols, les eaux de surface et la végétation, affectant les invertébrés et micro-organismes de ces écosystèmes.

Les effets sur la santé humaine apparaissent pour l’instant incertains. Saisie en 2022, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) considère qu’il existe des « incertitudes majeures » concernant leur « neurotoxicité développementale », c’est-à-dire un potentiel effet nocif sur le système nerveux.

Quelle réglementation de ces substances ?

Les néonicotinoïdes ont, au vu de leurs effets multiples sur l’environnement, fini par susciter l’inquiétude. L’Union européenne avait en 2013 suspendu l’utilisation de ces substances sur plusieurs cultures, puis a décidé en 2018 l’interdiction totale en extérieur de trois d’entre eux : imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame.

Le thiaclopride a été interdit en 2020. L’acétamipride reste autorisé jusqu’en 2033. En France, une loi entrée en vigueur en 2018 interdit toutes les substances de la famille des néonicotinoïdes. Des dérogations pour certaines cultures, comme la betterave, avaient été accordées, mais des décisions de justice les ont finalement abrogées en 2023.

Quelles positions politiques en France ?

En février 2024, le gouvernement français n’entendait pas « revenir en arrière », avait indiqué le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, évoquant des produits comme l’acétamipride, le phosmet ou le diméthoate, respectivement utilisés sur les betteraves, le colza ou les cerises. « On est plutôt à travailler, nous, sur les [solutions] alternatives. »

« Personne ne va dire que les molécules qui sont jugées comme cancérogènes (…) ne le sont plus du jour au lendemain, donc il faut quand même garder raison sur ces sujets-là », avait-il insisté.

La ligne rouge s’est récemment estompée : la nouvelle ministre de l’agriculture Annie Genevard ne s’est pas opposée lundi à un amendement de la droite sénatoriale réintroduisant l’acétamipride par dérogation, à titre exceptionnel, pour venir au secours de filières en crise.

Au Sénat, la ministre a évoqué une « dérogation strictement proportionnée », après avoir dit l’opposition du gouvernement à la réintroduction pure et simple de cette substance, tandis que la gauche déplorait un « retour en arrière de dix ans ».

Sollicité par l’AFP, le ministère de la transition écologique affirme, lui, que « la position du gouvernement est sans équivoque : nous nous sommes opposés à la réautorisation des néonicotinoïdes, dont la dangerosité pour la santé humaine (neurotoxique) et l’environnement (abeilles, pollinisateurs, écosystèmes aquatiques) est largement documentée et avérée ».