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Les premiers enseignements de la plateforme expé « zéro fuite » (51)


TNC le 09/01/2025 à 05:04

Depuis 2019, la Chambre d’agriculture de la Marne conduit, en lien avec le lycée agricole Somme-Vesle, un essai système « zéro fuite » en terre de craies, en vue d’améliorer la qualité de l’eau. Si « les objectifs exigeants fixés ne sont, pour le moment, pas tous atteints », retrouvez les premiers enseignements de cette expérimentation.

Sur la plateforme expérimentale « zéro fuite », située en zone vulnérable dans un bassin d’alimentation de captage, la Chambre d’agriculture (CA) de la Marne et le lycée agricole Somme-Vesle visent à « produire de l’eau propre », qui ne contient pas de résidus phytosanitaires et avec une teneur maximale en nitrates fixée à 25 mg/l.

Des résultats très dépendants de la climatologie

Pour cela, les deux partenaires ont choisi de ne pas recourir aux produits phytos sur la plateforme de 30 ha, composée de 8 parcelles. Ils ont également opté pour une couverture du sol maximisée et une fertilisation azotée réduite (- 30 u/ha). « On teste en grandeur nature des pratiques utilisées en agriculture biologique, mais on s’autorise l’apport d’engrais de synthèse pour maintenir un objectif de productivité », explique Sylvain Duthoit, conseiller à la CA de la Marne.

« La combinaison de couverts détruits tardivement et d’une fertilisation plus faible permet de limiter le lessivage de l’azote. On s’approche de l’objectif de qualité de l’eau trois années sur cinq, entre 2019 et 2023. Les résultats sont, en fait, très dépendants de la climatologie : si la couverture du sol n’est pas performante, c’est forcément plus compliqué. Et le seuil de 25 mg/l pour la concentration en nitrates sous racinaire reste un objectif très ambitieux », fait remarquer le conseiller.

Suivi des paramètres de la qualité de l’eau. (© Chambre d’agriculture de la Marne)

Des cultures bas-intrants ont aussi été intégrées pour diversifier la rotation, comme la luzerne et le chanvre il y a respectivement 3 ans et 1 an. Ces dernières sont mises en avant pour réduire la pression adventices, et notamment le développement des chardons.

« Le miscanthus et la silphie ont également été implantés sur la plateforme, mais les résultats ci-dessus ne tiennent pas compte de leurs performances, car ces cultures pérennes ne font pas partie de la rotation suivie. Ils représentent pourtant une brique intéressante pour atteindre l’objectif défini », ajoute Sylvain Duthoit.

Evolution de la rotation expé "zéro fuite". (© Chambre d’agriculture de la Marne)

Outre l’allongement de la rotation, les équipes ont aussi recours au désherbage mécanique : bineuse pour les blés et le colza, herse étrille sur les orges de printemps et robot Farmdroïd pour le semis guidé au GPS et le binage des betteraves. « Le binage du blé est une pratique plutôt robuste, le contrôle du salissement se montre en revanche plus complexe sur pois et betteraves. »

Sylvain Duthoit fait part d’une implantation difficile de la luzerne sur la plateforme. Pour enrayer le problème, ils ont testé de l’implanter directement dans les pois en 2024.

Parmi les autres leviers mobilisés, on peut citer le choix variétal pour la gestion du risque maladies. « Cela fonctionne en céréales à paille, c’est plus compliqué dans le cas des betteraves sucrières, vis-à-vis de la cercosporiose, précise le conseiller de la CA 51. Le mélange variétal est utilisé pour la plupart des cultures, sauf en orge brassicole, car ce n’est pas accepté par la filière. »

Face aux insectes ravageurs, les équipes misent sur la technique dite de « push & pull », en se servant des intercultures ou des jachères fleuries… pour attirer ces ravageurs en dehors des parcelles de cultures. Leur gestion reste toutefois encore aléatoire.

Un manque de gagner de l’ordre de 400 €/ha

Les performances économiques de l’essai système ont alors été évaluées pour déterminer une possible compensation à l’ha. Sur blé, orge de printemps et colza, les pratiques mises en œuvre engendrent une baisse de productivité de l’ordre de 20 %. Elle atteint 50 % en betteraves car « les leviers préventifs et alternatifs ne sont pas assez robustes pour le moment ».

« Entre 2019 et 2021, le manque à gagner est ainsi estimé à 400 €/ha et il a atteint 740 € en 2023 du fait du prix de vente élevé des betteraves. »

Retrouvez le détail des rendements obtenus par culture et par année :

(© Chambre d’agriculture de la Marne)

Sylvain Duthoit souligne aussi une augmentation du temps de travail de 30 %.

Afin d’éprouver encore les leviers, l’essai « zéro fuite » est reconduit pour la récolte 2025 et prévu également en 2026, l’Agence de l’Eau Seine Normandie ayant validé son soutien au moins jusqu’à cette date.