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Les prix des grains grimpent, entre risques climatiques et géopolitiques


AFP le 02/10/2024 à 18:00
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Mercredi 2 octobre, le blé tendre Euronext s'échangeait à plus de 230 euros la tonne sur l'échéance de décembre, une première depuis plus de deux mois. (© scharfsinn86, AdobeStock)

Les tensions extrêmes au Proche-Orient et des risques climatiques, notamment en Russie, ont entraîné une brusque hausse des cours des céréales sur les marchés mondiaux, poussant le blé à son plus haut niveau depuis l'été.

« Le marché des grains est entré en effervescence », résume Sébastien Poncelet, analyste spécialiste des céréales chez Argus Media France.

Mercredi, la céréale du pain s’échangeait à plus de 230 euros la tonne sur l’échéance de décembre, la plus rapprochée, une première depuis plus de deux mois sur le marché européen.

A la Bourse de Chicago, le sursaut de mardi a propulsé le blé au-delà de 6 dollars le boisseau (environ 27 kg) pour la première fois depuis mi-juin. Le maïs grimpait aussi, au plus haut depuis la fin juin.

« Le maïs est aidé par le blé, mais pour l’essentiel, les achats sont liés au rapport » du ministère américain de l’agriculture (USDA) sur les stocks, explique Jack Scolville, de Price Futures Group.

« Etat d’urgence »

Ce rapport trimestriel a fait état de réserves américaines de grain jaune moindres que prévu, même si elles restent en hausse de 29 % par rapport à l’an dernier.

Les observateurs s’accordent sur les causes principales de cette brusque hausse des cours des céréales : un cocktail de risques climatiques, de l’Australie à la Russie, et une montée des tensions au Proche-Orient.

« L’attaque par missiles de l’Iran sur Israël a ravivé les craintes d’embrasement du Moyen-Orient, faisant monter les cours du pétrole », ce qui a toujours un impact sur les échanges de matières premières agricoles, relève Sébastien Poncelet.

Mais surtout, « c’est la déclaration de l’état d’urgence pour cause de sécheresse dans la région de Voronej, cinquième région céréalière de Russie, qui inquiète », a-t-il ajouté.

Cette mesure, annoncée mardi, permet aux agriculteurs de faire jouer leur assurance et d’être éligibles à des aides publiques, dans une région clé de la culture du blé et de la betterave.

En Russie, « les semis hivernaux se font au rythme le plus lent qu’on ait vu depuis des années du fait de conditions extrêmement sèches. Certains fermiers sèment dans la poussière, d’autres attendent la pluie et pour certains (comme dans la vallée de la Volga), la fenêtre s’est déjà refermée », a déclaré sur le réseau X Andrey Sizov, directeur général du cabinet SovEcon, spécialiste des marchés de la mer Noire.

« On parle beaucoup de cette région parce qu’on y sème très tôt, car l’hiver y arrive plus rapidement que dans les grandes plaines du Sud. Mais dans le Sud, première région céréalière de Russie, on a actuellement des tempêtes de poussière tellement il fait sec », souligne Sébastien Poncelet.

« Rien n’est joué », a-t-il temporisé, « mais il y a actuellement une vraie préoccupation pour les semis en Russie », premier exportateur mondial de blé.

Grève des dockers

L’inquiétude est aussi nourrie par des baisses d’estimation de production de blé dans l’hémisphère Sud, en Australie et en Argentine, notamment pour cause de temps trop sec.

Le fait que la sécheresse perdure dans les grandes régions de production et que les prix du blé russe commencent à se raffermir « confirme la thèse selon laquelle l’offre de grains et d’oléagineux (tournesol, colza) en mer Noire et mer Baltique va être beaucoup plus tendue que ces deux ou trois dernières années », estime Michael Zuzolo, analyste chez Global Commodity Analytics and Consulting.

L’ensemble de ces facteurs, ajoute-t-il, a pour le moment « neutralisé le scénario négatif lié à la grève » des dockers, qui ont commencé à débrayer mardi dans les grands ports de la côte Est et du Sud des Etats-Unis.

Mais « si la grève dure, les denrées les plus périssables vont être les premières à voir leurs prix baisser. Plus cela se prolongera, plus il sera difficile aux cours des matières premières de continuer à monter, à moins que la sécheresse ne continue dans certaines régions de production majeures », explique M. Zuzolo.

Sur les marchés, la hausse des cours est aussi liée aux mouvements des fonds d’investissement, qui rachètent leurs positions sur les marchés des matières premières, et en particulier celui du blé, indique Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.