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Lutte contre les maladies du blé tendre : les années se suivent et ne se ressemblent pas


TNC le 06/12/2024 à 05:30
Septoriose

Arvalis dresse le bilan de la campagne 2023/24, marquée par une pression record en blé tendre. (© Arvalis)

Les conditions climatiques de la campagne 2023/24 ont favorisé le développement des maladies sur blé tendre, avec comme acteurs principaux : la septoriose, la rouille brune et les symptômes de fusarioses. Avec l’appui de ses derniers essais, Arvalis fait le point sur les moyens de protection et les enseignements à retenir pour le printemps 2025.

Mesurée dans 22 essais du Réseau Performance par l’écart entre le rendement de la meilleure modalité avec une application fongicide unique à DFE protégée et celui du témoin sans fongicide, « la nuisibilité moyenne des maladies du blé en 2024 est évaluée à 23 q/ha, sur variété sensible à la septoriose (note 5) : c’est un record pour les huit dernières années, souligne Jérôme Thibierge, ingénieur en protection intégrée des cultures chez Arvalis. Le choix d’une variété plus résistante (note 7) constitue un levier particulièrement efficace pour réduire la nuisibilité des maladies, elle est restée toutefois à 16 q/ha cette année ».

À noter : « sur la période 2016-2024, l’offre de variétés tolérantes aux maladies s’est considérablement élargie. Près de 60 % de la sole de blé tendre est cultivée avec une variété de note septoriose supérieure à 6,5. C’est le même ordre de grandeur pour les variétés résistantes à la rouille brune et aux fusarioses. La couverture est encore meilleure contre la rouille jaune (81 %) et l’oïdium (68 %), l’offre est, cependant, plus modérée face au piétin-verse, avec 35 % de la sole ».

Septo-LIS a fait déclencher un T1 dans 86 % des cas en 2024

Du côté de la protection fongicide, « les essais sur variétés sensibles montrent une forte variabilité d’efficacité, entre 90 % et 15 %, des solutions appliquées en T2 à BBCH 39 (DFE). L’efficacité de la protection aux maladies est remarquablement liée au rendement cette année : l’efficacité contre la septoriose à elle seule 77 à 95 % de la variabilité des rendements, sur une amplitude de près de 30 q/ha ».

Arvalis précise que « les premiers symptômes de septoriose sont apparus précocement sur les étages inférieurs et les pluies régulières tout au long du cycle ont favorisé un nombre de contaminations record, menaçant chaque nouvelle feuille jusqu’à la F1, rapidement après sa sortie ».

« Septo-LIS a fait déclencher un T1 dans 86 % des cas, sur un échantillon de 565 cas-type. Les essais 2024 ont confirmé la nécessité de cette protection fongicide avant le stade dernière feuille étalée (DFE), avec une valorisation comprise entre 1,2 et 8,0 q/ha (4,9 q/ha en moyenne) sur 9 essais en variétés sensibles, et entre 1,5 et 5,0 q/ha (3,1 en moyenne) sur 4 essais en variétés tolérantes. En comparaison sur les mêmes cas-types, le modèle n’avait jamais déclenché de T1 dans plus de 39 % des cas entre 2017 et 2022, et seulement 7 % en 2020 ».

« Les années se suivent et ne se ressemblent pas, met en avant Arvalis, rappelant l’importance d’utiliser les outils d’aide à la décision pour adapter ses pratiques fongicides à chaque contexte particulier. Le choix d’une variété tolérante aux maladies reste aussi à privilégier pour réaliser toutes les économies possibles. »

Les solutions de biocontrôle en T1 confirment leur efficacité sur la septoriose

« Sur le regroupement de deux essais 2024, présentant une intensité d’attaque moyenne de septoriose (38 %), les modalités traitées en T1 à BBCH 31 (1 nœud) avec du soufre et des phosphonates de potassium, suivi en T2 à BBCH 39 (DFE) de Kardix (bixafen + fluopyram + prothioconazole) 0,75 l/ha ont atteint des efficacités de 5 à 13 points supérieures à celle de l’application unique en T2 de Kardix 0,75 l/ha ».

« Les gains de rendements sont compris entre + 3,2 et + 4,4 q/ha, assurant un supplément de marge brute entre + 25 et + 55 €/ha (hypothèse de prix du blé à 190 €/ha et pulvérisation 10 €/ha). »

Sur un autre regroupement de deux essais, « les différentes solutions de biocontrôle testées en T1 [Aquicine Duo 1,5 l/ha (66 %), et 2 l/ha (70 %), Heliosoufre S 3,5 l/ha (70 %), Pygmalion 2l + Heliosoufre S 3.5 l/ha (74 %)] ont montré des efficacités au moins équivalentes à celle de Juventus 0,7 l/ha (metconazole) (67 %) ».

(© Arvalis)

« Les écarts entre ces solutions ne sont pas statistiquement significatifs. Le meilleur résultat technique (79 % d’efficacité) a été obtenu par une autre modalité ayant reçu deux applications successives d’Aquicine Duo : 1,5 l/ha en T1, puis de nouveau 1,5 l/ha associé au Kardix 0,75 l/ha en T2. Mais en raison de son coût, ce n’est pas cette modalité qui a obtenu la meilleure marge : c’est l’application de soufre seul en T1. »

Les regroupements pluriannuels d’essais viennent confirmer ces conclusions. Arvalis précise toutefois qu’en situations à risques de rouille, jaune ou brune, les protections à base de soufre et de phosphonates doivent être complétées avec un partenaire efficace sur ces cibles.

Résultats d’essais face à la septoriose

Trois essais 2024 comparent aussi les solutions fongicides classiques appliquées en T2 au stade BBCH 39 (DFE), toutes les modalités ayant reçu le même T1 (Faeton SC 3 l/ha pour deux sites, impasse pour le 3e). Tous ont été implantés dans des contextes de forte pression septoriose (nuisibilité de 38 q/ha en moyenne sur le témoin non traité).

(© Arvalis)

Dans ces conditions, « l’efficacité sur la maladie des associations SDHI (Frac 7) + triazole (Frac 3) est inférieure à 40 % : Elatus Era 0,75 l/ha n’a montré que 30 % d’efficaciét et un rendement de 67,4 q/ha. Revystar XL 0,75 l/ha le devance de quelques points d’efficacité (37 %) mais aussi en rendement avec 73,0 q/ha ; la dose 0,6 l/ha reste assez proche avec 36 % d’efficacité et 72,0 q/ha. Entre ces deux doses, s’insère la solution 3 voies (SDHI Frac 7, triazole Frac 3, strobilurine Frac 11) Kardix 0,8 l/ha + Quibilium 0,4 l/ha avec 38 % et 73,0 q/ha ».

« Ce sont les solutions à base de fenpicoxamide, qui avec un mode d’action QiI (Frac 21) plus récemment disponible, et pour lequel aucune souche résistante n’a été détectée à ce jour, arrivent en tête des solutions actuellement disponibles testés : 51 % d’efficacité et 76,7 q/ha pour Silvron 0,5 l/ha + Jessico One 1,0 l/ha, 49 % et 77,5 q/ha pour Questar 1,1 l/ha + Elatus Era 0,5 l/ha et encore 47 % et 73,9 q/ha pour Univoq 1 l/ha. »

Parmi les projets fongicides testés, Arvalis souligne les modalités à base de pydiflumétofène (Adepydin, Syngenta), atteignant 71 % d’efficacité et 88,7 q/ha pour APN04 2 l/ha. A noter : l’évaluation de cette substance est en cours au niveau européen et une première formulation pourrait être autorisée au plus tôt en 2026. « L’association pydiflumétofène + fenpicoxamide se montre aussi prometteuse, avec 76 % d’efficacité, dépassant d’une dizaine de quintaux supplémentaires les meilleures solutions disponibles testées. »

Pour le printemps 2025, la gamme de produits fongicides est annoncée comme sensiblement la même que celle de 2024. Arvalis rappelle donc l’importance d’une gestion responsable de ces produits pour limiter la progression des souches résistantes. Parmi les conseils à retenir :

– « Intervenir uniquement si c’est nécessaire, c’est pourquoi, l’utilisation d’un OAD est fortement conseillée » ;

– « Alterner les modes d’action : une seule application par programme de SDHI, de strobilurine, de prothioconazole, de fenpicoxamide, et éviter d’utiliser deux fois la même matière active de type triazoles » ;

– « Utiliser, si possible, un multisite comme le soufre ou le folpel au T1 et au T2 dans les régions du Nord de la France où la résistance est la plus implantée ».

Résultats d’essais contre la rouille brune

Les conditions 2024 ont également été favorables à une forte pression rouille brune, ses symptômes se sont développés sur l’ensemble des régions quand la septoriose n’avait pas déjà grillé les feuilles. La nuisibilité moyenne est évaluée à 19 q/ha.

Parmi les enseignements de la campagne passée, Arvalis souligne une baisse d’efficacité de certaines solutions utilisées en référence dans ses protocoles, déjà remarquée depuis deux années consécutives et essentiellement dans les essais du sud de la France. Cela concerne notamment « l’association benzovindiflupyr (SDHI, Frac 7) + prothioconazole (triazole, Frac 3) de l’Elatus Era : testée à 0,75 ou 0,70 l/ha, la solution avait toujours assuré -seule-un contrôle très efficace des symptômes de rouille brune. Les efficacités moyennes annuelles n’étaient jamais descendues en dessous de 92 %. Sur les sept essais mis en avant depuis 2022, leurs efficacités plafonnent entre 65 et 77 % ».

Le constat est relativement similaire pour l’association SDHI bixafène + fluopyrame + prothioconazole du Kardix qui, « testé entre 2015 et 2021 à 0,9 l/ha, montrait une efficacité qualifiée de moyenne, comprise en 82 et 88 % (une fois en 2016 seulement 63 %). Sur les trois dernières années, les efficacités de Kardix 0,75 l/ha plafonnent à 50 % en 2024 et seulement 33 et 38 % les deux années précédentes ».

Les experts de l’institut techniques suspectent « une progression, principalement entre 2021 et 2022, de la fréquence de souches brunes résistantes aux SDHI, tout au moins dans les essais du sud France. Toutefois, nous n’avons pas d’analyses de souches sur ces situations pour le vérifier ; mais nous savons par ailleurs que des mutations induisant une résistance aux SDHI ont déjà été détectées ».

(© Arvalis)

Dans le regroupement des deux essais 2024, « les meilleures protections contre cette maladie ont été obtenues par les modalités contenant des strobilurines (Frac 11) : azoxystrobine (Amistar 0,4 l/ha + partenaires de 89 à 91 %) (Maxentis 94 %), pyraclostrobine (Revystar XL 0,9 + Comet 2002 0,35 l/ha – 93 %), fluoxastrobine (Kardix 0,8 l/ha + Quibilium 0,4 l/ha – 93 %) ont été testées en association avec des partenaires. Toutes ont obtenu des efficacités comprises entre 89 et 94 %. La trifloxystrobine à 55 g/ha restant en retrait à 65 % ».

Les meilleures efficacités sans strobilurine ont été obtenues par les associations méfentrifluconazole [triazole, Frac 3 + fluxapyroxad [SDHI, Frac 7] (Revystar XL 0,9 – 91 %), prothioconazole + benzovindiflupyr [SDHI, Frac 7] (Elatus Era 0,75 – 77 %) et prothioconazole [triazole, Frac 3] + fluxapyroxad [SDHI, Frac 7 (Avastel 1,25 – 76 %).

Les modalités prothioconazoles seul (triazole, Frac 3) (Joao 0,6 – 45 %), bixafen [SDHI, Frac 7] (Kardix 0,75 – 50 %), fenpicoxamide (QiI, Frac 21] (Silvron 0,55 + Jessico One 1,1 – 52 %) et Questar 1 + Elatus Era 0,5 – 64 % ont eu des efficacités plus faibles.

Fusarioses des blés : des symptômes mais assez peu de mycotoxines DON en 2024

Concernant les fusarioses, l’institut technique relève de nombreux symptômes observés en 2024 tant sur blé tendre que sur blé dur. « Toutefois, les analyses de grains faites sur les 95 parcelles de l’enquête champ blé tendre 2024 n’ont montré qu’une faible proportion de parcelles dépassant les seuils de mycotoxines fixés par le règlement européen : 4 % de parcelles au-dessus de 1 000 ppb déoxynivalénol (DON) et 2 % dépassant le seuil de 100 ppb de zéaralénone. »

« Les conditions 2024 semblent avoir été plus favorables au développement de Microdochium spp. qu’à celui de Fusarium graminearum. Les symptômes sur épis sont difficiles à distinguer, cependant, contrairement aux Fusarium qui produisent des mycotoxines DON, Microdochium spp. n’en produit pas mais il impacte le rendement. La nuisibilité observée avec le plus fort niveau de contamination a pu atteindre 25 q/ha, pour des contaminations proches de la moyenne, les pertes varient entre 5 et 10 q/ha. »