Offre abondante, demande incertaine, les cours des céréales peinent à rebondir
AFP le 01/02/2024 à 09:35
Les cours des céréales sont toujours à la recherche d'un plancher, après être descendus à un nouveau plus bas en début de semaine, mais le marché reste lesté par la perspective d'une récolte abondante et une demande qui préoccupe.
Mardi, le prix du contrat de référence pour le maïs américain est tombé à son plus faible cours depuis trois ans et le maïs européen depuis octobre 2020. Quant au soja, il faut remonter à novembre 2021 pour trouver trace d’un prix plus bas. Même le blé européen fait grise mine, revenu à un cours proche de celui de l’été 2021, avant l’invasion de l’Ukraine.
Un début de sursaut, mardi, avait fait naître l’espoir, mais n’a pas duré et les cours se sont repliés de nouveau mercredi.
« C’était sans doute plus un rebond technique lié aux fonds » d’investissement, a décrypté Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage, la journée n’ayant été marquée par aucune nouvelle d’importance. Beaucoup de ces investisseurs parient, depuis plusieurs mois, sur le reflux des cours, et ont mis le marché sous pression. Mardi, ils sont repassés, brièvement, à l’achat, ce qui leur a permis de prendre quelques bénéfices.
« La tendance reste à la baisse », selon Jake Hanley, de Teucrium Trading. « Je ne pense pas qu’on ait trouvé le pallier pour se stabiliser. » Le cours du maïs souffre de conditions climatiques améliorées au Brésil, avec des précipitations, en particulier au centre du pays. Environ 15 % des surfaces ont déjà été moissonnées, selon le cabinet Safras & Mercado.
Sous le joug de son concurrent brésilien, le maïs américain n’est toujours pas compétitif, observe Jack Scoville, de Price Futures Group, bien que « le prix soit inférieur au coût de production pour beaucoup de producteurs ».
Pour Michael Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting, la fermeté du dollar joue contre le grain jaune américain.
La situation est similaire pour le soja, au point que trois vraquiers chargés d’oléagineux en provenance du Brésil ont été livrés aux Etats-Unis cette semaine, souligne l’analyste.
Bataille à l’export
Le tableau n’est guère plus reluisant côté blé, où les exportations russes continuent d’écraser le marché, tandis que les volumes ukrainiens ne cessent de surprendre.
Selon le cabinet Gro Intelligence, janvier a vu le plus grand nombre de vraquiers chargés dans la région d’Odessa depuis l’invasion russe, et l’Ukraine a exporté 1,3 million de tonnes de blé, soit un tiers de plus qu’en décembre.
En outre, le millésime argentin s’annonce meilleur que le précédent et, en Australie, « il y a eu des pluies il y a quinze jours qui ont apparemment sauvé la récolte », détaille Damien Vercambre.
« On sent qu’il y a de la bataille sur le marché de l’export en deuxième partie de campagne. Ca pèse dans les prix », observe Gautier Le Molgat, PDG d’Argus Media France.
Dans le même temps, « pour le moment, les acheteurs ne se manifestent pas pour de grosses quantités », ajoute-t-il. Pour les trois plantes reines des marchés agricoles, « il apparaît que le marché est mieux que bien pourvu par rapport aux prévisions de demande », selon Jake Hanley.
Le plus gros importateur mondial de soja et de maïs, la Chine, suscite même la crainte d’un trou d’air, plombé par une économie anémiée. « Les Chinois ne sont pas en train de constituer de grosses réserves », relève Gautier Le Molgat. « Il n’y a pas eu de dynamique d’importation, malgré les prix bas. » A ce stade, les perturbations du trafic en mer Rouge, consécutives aux attaques des rebelles yéménites Houthis sur des navires marchands, n’ont pas eu d’effet sur les cours.
Pour Damien Vercambre, la Chine pourrait néanmoins préférer éviter cette zone et se tourner davantage vers l’Australie ou l’Argentine, pénalisant ainsi l’Europe.
Dans l’attente des premiers chiffres de récolte brésilienne et des prévisions du ministère américain de l’agriculture (USDA) quant à la répartition des surfaces entre céréales aux Etats-Unis, le marché va manquer d’un point d’appui, selon Jake Hanley.
Le salut pourrait venir des fonds d’investissement, plus attirés, ces derniers mois, par les actions et les obligations.
« Dès que les taux baisseront, les rendements seront moins bons » à Wall Street, prévient Gautier Le Molgat, « et il y aura peut-être une appétence pour le risque et un retour sur les matières premières. »