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Témoignage

Passer au bio après 30 ans en conventionnel, «une décision difficile à prendre »


TNC le 06/09/2019 à 18:02
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Le passage en bio a « quand même été une décision difficile à prendre. Il a fallu faire face à toutes sortes de préjugés », expliquent Gilbert et Nicolas Ariès. (©Nicolas Mahey)

Le Gaec du Camp de la Salle exploite 250 ha à Montégut-Bourjac (Haute-Garonne), en polyculture-élevage. Après avoir cultivé plus d’une centaine d’hectares de cultures de vente en conventionnel pendant trente ans, Gilbert, Annick et leur fils Nicolas ont fait le pari de passer au bio. Objectif : sortir de la dépendance au marché conventionnel.

« Après plus de 30 ans de travail, ne pas rester sur ses acquis et tout remettre en question, je dis : respect ! » C’est Nicolas qui s’exprime ainsi à propos de son père, Gilbert Ariès. « C’est lui qui a proposé de passer au bio. Même à moi, qui suis plus jeune, ça me faisait un peu peur ! » Céréaliers et éleveurs dans le sud de la Haute-Garonne, les trois associés du Gaec du Camp de la Salle ont cultivé pendant une trentaine d’années plus de 100 hectares de cultures de vente, principalement du blé, du soja et du tournesol, à destination du marché conventionnel. « J’avais investi sur du stockage, et nous passions parfois deux ans à mal vendre nos récoltes à cause des variations incessantes du marché, explique Gilbert Ariès. Nous utilisions toujours plus de phytos pour atteindre les objectifs de rendement et qualité. J’avais l’impression de travailler directement pour les firmes. »

En 2017, après une année de réflexion et d’accompagnement, le processus de conversion démarre : « Cela a quand même été une décision difficile à prendre. Il a fallu faire face à toutes sortes de préjugés : salissures des parcelles, rendements en baisse… » Laissant les critiques de côté, les associés convertissent l’intégralité de la ferme, élevage compris. « Bien entendu, les aides ont été déterminantes, mais nous l’avons d’abord fait par conviction, font remarquer le père et le fils. Sinon, nous n’aurions pas engagé toute l’exploitation. Actuellement, c’est comme si nous avions 100 ha sur lesquels nous ne touchons pas d’aides. »

« Presque toutes nos pratiques ont changé »

Le pulvérisateur est vendu ; à sa place, les associés investissent dans une herse étrille, une bineuse et une houe rotative. Décision est également prise de diminuer les surfaces cultivées de moitié. Un rééquilibrage qui permet également à la ferme de redevenir autonome en fourrage et en protéines pour les vaches. « Nous avons allongé nos rotations, implanté des couverts végétaux… Presque toutes nos pratiques ont changé. C’est un état d’esprit qui ne vient pas tout de suite. Avant, on se préoccupait peu de la vie du sol. Aujourd’hui, on s’intéresse aux associations culturales, ou au non-labour… au point de penser à vendre la charrue ! On se sent redevenir agronomes. Pour autant, nous n’avons pas fini d’apprendre, et c’est ce qui est motivant. »

Si côté protection des cultures, Gilbert Ariès avait déjà une approche très raisonnée, le passage à l’AB a tout de même permis à l’exploitation une importante économie sur le poste traitements. Après deux années en C1 et C2, la récolte 2019 promet également une plus-value intéressante, notamment sur soja, où les rendements s’annoncent quasiment identiques d’un système à l’autre : 15 q/ha en sec, 35 q/ha en irrigué pour un prix de vente estimé à 650 €/t en bio contre 380 €/t en filière classique. « Attention, notre but n’est pas de faire du soja bio partout ! Ce ne serait pas logique. Notre stratégie est de diversifier les cultures avec des rotations longues, pour les sols, mais aussi pour ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier ».