Réchauffement climatique : A quoi l’agriculture devra-t-elle s’adapter en 2100 ?
TNC le 18/02/2025 à 05:45
Température, précipitations, évènements extrêmes… Plusieurs évolutions climatiques sont attendues en France d’ici 2100. Nathalie de Noblet, bio-climatologue, dresse un état des lieux des changements à prévoir en France et notamment pour l’Île-de-France.
« Quels seront les facteurs climatiques impactant pour l’agriculture à horizon 2100 ? » C’est à cette question qu’a répondue Nathalie de Noblet le jeudi 16 janvier 2025 lors de la journée annuelle du VivAgriLab, en s’intéressant plus particulièrement à la région Île-de-France. Directrice de recherche CEA au Laboratoire des Sciences du climat et de l’environnement, elle a d’abord rappelé que le réchauffement moyen en France s’établissait à + 1,9°C sur la décennie 2013-2022 comparé à 1850-1900. La température moyenne annuelle en France s’élève à 12,9°C sur la période 1991-2020.
Pour la région Île-de-France, la hausse des évènements extrêmes est indéniable : augmentation des vagues de chaleur et canicules ; précipitations extrêmes (+ 10 à + 20 % depuis 1950) mais aussi déficit pluviométrique marqué…
2022, une année improbable au début du XXe siècle
L’année 2022, exceptionnellement chaude et sèche, « était une année improbable au début du XXe siècle, elle était statistiquement totalement improbable. Aujourd’hui, sa probabilité est de 1/40 ou 1/50 et, en 2100, elle aurait 90 % de chance de se reproduire tous les ans », alerte Nathalie de Noblet. Si la forte hausse des températures enregistrée en 2022 peut être attribuée au réchauffement climatique, il n’en va pas de même pour le fort déficit pluviométrique, explique la bioclimatologue.
Un scénario à + 4°C en 2100 en France
Elle a ensuite présenté la TRACC (trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique) fixée par la France, qui définit les évolutions à venir du climat.
Dans le scénario retenu, le réchauffement serait en moyenne de + 2,7°C en 2050 et + 4°C en France en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
En Île-de-France, il faut s’attendre à des chaleurs extrêmes plus intenses et plus fréquentes : « un évènement qui n’arrivait qu’une fois pas décennie au début du XXe siècle se produira pratiquement tous les ans si le climat global atteint + 4°C, explique la bioclimatologue. Les canicules récentes et les sécheresses agroécologiques deviendront la norme et il faut se préparer à des phénomènes « hors normes », comme un Paris à 50°C en 2100 ! ». Le réchauffement concernera toutes les saisons mais sera aussi plus marqué l’été que l’hiver.
Mais « un monde plus chaud ne veut pas dire un monde sans hiver rigoureux » ajoute-t-elle, il faudra compter avec une augmentation de la variabilité interannuelle de la température. Les vagues de froid et le gel ne disparaîtront pas mais seront moins fréquents. En revanche, le risque de gel en période de croissance des végétaux sera plus important puisque, du fait d’hivers plus doux, le cycle des végétaux sera plus précoce.
Incertitude sur la pluviométrie
Si la hausse de la température est certaine, il demeure des incertitudes en Île-de-France sur d’autres paramètres et notamment sur la pluviométrie et sa répartition au cours de l’année. Il n’y a pas de convergence des modèles sur ce sujet : si la pluie devrait augmenter en hiver, pour l’été, c’est le flou qui prévaut.
En revanche, il faut s’attendre à une augmentation de la variabilité interannuelle des pluies, avec des années très pluvieuses et d’autres moins. La fréquence des pluies extrêmes va aussi croître avec le réchauffement climatique de même que l’intensité des précipitations : « quand on a 1 degré de réchauffement, on ajoute 7 % de vapeur d’eau dans l’atmosphère mais l’évènement précipitant extrême peut atteindre 30 % d’intensité, il n’y a pas de proportionnalité », explique Nathalie de Noblet.
Ces évolutions en cours du climat ont déjà fortement affecté les agriculteurs ces dernières années. Nicolas Revol, maraîcher sur la Ferme de Gisy à Bièvres (91) a pu témoigner lors de cette journée de l’impact des pluies de 2024 : « nous avons reçu plus de 1 000 mm sur l’année contre 500 550 habituellement ! Avec nos sols limoneux, nous avons eu de nombreuses parcelles inondées et les limaces étaient très présentes. On a enregistré 30 % de pertes de légumes », confie-t-il.
La ferme de Pontaly à Bailly (78), située près du ruisseau Ru de Gally, a été également fortement impactée par les crues de 2024. Le débordement du Ru de Gally a complètement inondé l’exploitation en octobre 2024, et notamment la boutique de vente de produits locaux. Les sols sont restés gorgés d’eau une bonne partie de l’année, laissant peu de créneaux disponibles pour les différents travaux à effectuer.
Dans les années à venir, les évolutions climatiques vont affecter fortement le monde agricole. La hausse des températures impactera les cycles phénologiques des plantes et favorisera la survie de certains ravageurs. Les extrêmes plus chauds augmenteront les stress des plantes mais aussi des animaux. Enfin, l’évapotranspiration va augmenter toute l’année et entraîner un assèchement des sols, affectant la levée des cultures notamment au printemps mais aussi leur développement.
Pour répondre à ces défis, les agriculteurs devront adapter leurs systèmes et leurs pratiques afin d’être le moins vulnérable possible. Car « le risque climatique ne dépend pas que du climat mais aussi de l’exposition, de la vulnérabilité et de la capacité de nos systèmes à s’adapter », conclut Nathalie de Noblet.