Stockage à la ferme : « bien réfléchir son projet avant de se lancer »
TNC le 25/02/2022 à 07:35
Pour la souplesse de travail permise, pour reprendre la main sur la commercialisation de leur récolte ou bien parce que leur organisme stockeur (OS) les y incite, environ 58 % des agriculteurs disposent à l'heure actuelle d'une capacité de stockage de grains à la ferme. Et vous ? Retrouvez quelques éléments de réflexion à ce sujet.
De nombreux agriculteurs envisagent de stocker leurs grains à la ferme. Parmi eux : Lucien Gerbel, installé près de Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), pour son blé notamment. Pour le moment, il vend toute sa production au prix moyen de la coopérative, mais souhaite « s’investir davantage dans la commercialisation ».
Quels intérêts ?
En effet, l’intérêt économique est l’une des principales motivations citées par les agriculteurs*, grâce à la souplesse sur les choix de mise en marché. Si ce gain peut varier selon les années, en fonction de la volatilité des cours, les producteurs stockeurs peuvent compter sur les primes de stockage, versées par les OS : « entre 12 et 15 €/t » pour François Mathellié, agriculteur dans la Marne, sur l’exploitation familiale.
Autre argument soulevé : « la souplesse de travail offerte par rapport aux horaires d’ouverture et l’engorgement des silos de collecte », ajoute-t-il. Même constat pour Nicolas Mangniers, installé entre Arras et Bapaume (Pas-de-Calais) depuis 2008. Il a franchi le pas en 2015 et nous confie son seul regret aujourd’hui : « ne pas l’avoir fait plus tôt ». Il a investi dans un bâtiment de stockage à plat de 720 m² (36 x 20 m) avec une dalle en béton et des plaques béton autour, sans ventilation, pour un coût de 130 €/m². Cet hangar lui permet aujourd’hui de stocker du blé, mais aussi le lin textile et des engrais. Sur 6 campagnes, l’agriculteur note également « un gain moyen de 10 €/t par rapport au prix moyen de la coopérative, permettant de prendre en charge la moitié de l’annuité du bâtiment ».
« Anticiper les évolutions à venir »
Représentant des investissement conséquents, il est, en effet, important de « bien réfléchir son projet avant de se lancer et chercher à anticiper les évolutions à venir », précise aussi François Mathellié. Stockage à plat ou en cellules par exemple ? Tout va dépendre du contexte de chaque exploitation et des objectifs, eux-mêmes liés à la capacité de financement. L’agriculteur marnais dispose d’un hangar construit en 1990, dans lequel il stocke à plat 450 à 500 t de blé, et est en attente d’un permis de construire pour un nouveau bâtiment pour 1 000 t supplémentaires (colza, blé, orge) avec une toiture photovoltaïque et un espace aussi pour ranger du matériel. En effet, le stockage à plat permet de se servir des hangars pour autre chose lorsqu’il n’y a plus de grains en dessous.
François Mathellié explique ainsi « faire partir son blé en janvier ou février maximum pour stocker ensuite les plants de pommes de terre fécule », qu’il reçoit généralement dans le courant du mois de mars. Pour une conservation optimisée à plat, on conseille généralement de ne pas excéder 8 mois de stockage. L’investissement pour le stockage à plat est estimé entre 100 et 140 €/t. Plus coûteux, le stockage en cellule (entre 120 et 200 €/t) permet, lui, de conserver le grain plus longtemps, jusque plusieurs années même. Et cela ouvre aussi à d’autres cahiers des charges spécifiques, avec un potentiel de valorisation plus élevé, comme le blé CRC par exemple.
Avantages et inconvénients du stockage à la ferme pour les agriculteurs :
Avantages | Inconvénients |
– Suppression du coût du premier km – Absence d’attente ou de dépendance par rapport aux horaires d’ouverture des silos de collecte – Meilleure maîtrise de la commercialisation – Primes de stockage pratiquées par les OS potentiellement intéressantes |
– Une responsabilité plus importante (notamment au niveau financier) post-récolte (risque insectes) – Nécessite un investissement technique et financier – Réduit les rentrées de trésorerie après moisson |
(Source : étude « Évaluation des coûts de la chaîne logistique céréalière française » 2020, Ceresco, FranceAgriMer)
À quels équipements penser ?
Si on veut stocker du maïs, une cellule de séchage sera nécessaire. Pour les autres céréales, ainsi que les oléagineux et les protéagineux, l’option ventilation est généralement suffisante. Son absence représente, par contre, un risque d’autant plus important dans des stratégies sans insecticides de stockage. N’étant pas équipé de ventilation, Nicolas Mangniers explique, par exemple, faire en sorte que tout son blé soit parti avant le 1er décembre et ne pas stocker de colza.
Cela peut paraître évident mais les agriculteurs rappellent aussi l’importance de récolter dans de bonnes conditions, du grain sec et mûr. Pour les accompagner ensuite dans la surveillance de leurs stocks, ils peuvent aussi s’appuyer sur différentes solutions connectées. En ce qui concernent les machines de triage et de nettoyage, cela n’est imposé que pour l’agriculture biologique. En conventionnel, de bons réglages à la récolte et une boîte à dépoussiérage seront suffisants. La manutention est aussi un élément clé. À plat, un télescopique va être indispensable. Concernant les cellules, les possibilités sont diverses : le choix va surtout dépendre du coût, du confort de travail et de la vitesse d’exécution souhaités.
* Données issues de l’étude « Évaluation des coûts de la chaîne logistique céréalière française » 2020, Ceresco, FranceAgriMer.