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Chez Stéphane Olivier (16)

Strip-till ou semis direct : deux techniques pour les semis de colza 2023


TNC le 01/09/2023 à 18:02
Semisdecolza

En photos ci-dessus : semis de colza au monograine après strip-till à gauche et semis direct à droite.

Céréalier en agriculture de conservation en Charente, Stéphane Olivier utilise, avec son frère Vincent, deux techniques différentes pour semer les colzas depuis l’an dernier, toujours en cherchant à limiter la perturbation des sols. Il nous explique leur démarche.

« Après 15 années de couverts végétaux et 7 de semis direct, les sols se portent mieux et leur taux de MO s’améliore, constate Stéphane Olivier sur son exploitation située dans le nord-est de la Charente. Nos limons sableux ou nos sols sablo-limoneux sont des terres usantes, avec de la silice ». C’est pour des raisons agronomiques d’abord et économiques aussi que les agriculteurs ont cherché à limiter les interventions et la perturbation de leurs sols.

« Aujourd’hui, pour 300 ha de cultures, nous n’avons pas besoin d’avoir de tracteur de grosse puissance. Un 140-160 ch suffit pour emmener le semoir de semis direct à dents, de 6 m de large », précise-t-il. « Le fait que les sols soient couverts limite aussi l’utilisation des produits phytosanitaires, notamment pour le désherbage. « En effet, moins les UV touchent les sols, moins cela lève la dormance des graines d’adventices », ajoute Stéphane Olivier. En colza, par exemple, il réalise un seul désherbage en hiver, jamais au semis de la culture.

Le strip-till : « un outil complexe »

S’ils sont satisfaits du semis direct, les agriculteurs charentais ont toutefois eu recours l’an dernier à une autre technique pour implanter certains de leurs colzas. « Fin juin 2022, on a eu entre 140 et 170 mm en 4 jours avec de la grêle et donc des blés versés. Le semoir à dents n’était pas adapté pour venir semer du colza derrière », explique Stéphane Olivier. Une occasion pour lui de tester le strip-till sur colza, avec un passage ensuite de semoir monograine à 75 cm d’écartement.

En termes de comparaison, les deux techniques semblent se valoir dans ce système : « pour la moisson 2023, les parcelles en semis direct étaient à 30 et 31 q/ha de moyenne, et les autres entre 27 et 33 q/ha ». Les essais ont donc été relancés cette année avec 56 ha en semis direct et 24 ha avec le strip-till.

Ce dernier permet de « passer dans toutes les conditions. Dans le cas de parcelles à silex, cela évite aussi de trop les remonter avec le semoir à dents ». Le strip-till apporte une « forte dynamique de pousse, qui permet de couvrir le sol même à 75 cm d’écartement ». Cela reste toutefois « un outil complexe. Il faut bien faire attention aux réglages et ne pas l’utiliser en conditions humides », met en avant le producteur.

Équipés du RTK, Stéphane Olivier et son frère sont plutôt partisans de séparer les deux étapes, avec un passage de strip-till à 9 km/h, puis le semis à 5 km/h plutôt. « À cette période de l’année, l’intervalle à respecter entre les deux passages est surtout technique, il va dépendre des conditions météo. » Si l’inter-rang dispose d’un mulch pailleux protecteur, l’agriculteur insiste, quelle que soit la technique utilisée, sur l’importance de « conserver au maximum l’humidité. Ainsi le rouleau cambridge suit chaque opération qui touche le sol dans cet objectif ».

Dans les deux techniques, Stéphane Olivier précise privilégier un semis à 4-5 cm de profondeur « pour une émergence homogène ».

Parmi les bénéfices d’utiliser le strip-till, « on profite de la régularité du semoir monograine. Pour chaque graine semée, on vise une plante viable », souligne l’agriculteur. « Cela permet de réduire la densité de semis : 19 grains/m² cette année. Avec 24 gr/m² la campagne dernière, il y avait trop de plants sur la même ligne, du coup les pieds ont tendance à s’allonger et il faut les nourrir ». Il estime qu’il faut plutôt 7 cm entre deux pieds de colza sur une même ligne, « pour qu’ils soient plus gros et plus robustes ».

Avec une faible densité de semis, « on a aussi plus facilement recours aux semences hybrides. Une dose de 1,5 million de graines (220 €) permet, par exemple, de semer 8 ha, ce qui représente un coût de 27,5 €/ha environ ». Les deux frères utilisent également des semences hybrides en semis direct (36 gr/m², coût : environ 53 €/ha). Ils gardent tout de même, toujours, une partie en lignées pour des semences fermières, en cas de parcelles non prévues.

La technique du strip-till a toutefois quelques limites pour Stéphane Olivier : on peut noter tout d’abord « son coût d’utilisation supérieur, avec 2 passages nécessaires et des pièces d’usures plus coûteuses. On touche plus le sol qu’en semis direct, et donc on fait lever plus d’adventices », ajoute aussi le producteur. « Nous n’avions jamais eu de souci de sanves et de ravenelles en semis direct, et on a remarqué, l’an dernier, quelques levées localisées sur les bandes du passage du strip-till ». En ce qui concerne le risque limaces, les agriculteurs comptent sur deux passages cette année, dont un sur la ligne au moment du semis.

Le colza, « une culture à associer »

Autre limite soulevée par Stéphane Olivier : le fait qu’il ne puisse pas associer le colza avec son semoir monograine. « Pour moi, le colza, qui reste environ 11 mois en terre, est une plante qui ne devrait pas être semée seule. Elle fait partie de la seule famille de plantes, les brassicacées, qui ne mettent pas en place de mycorhizes. Associer le colza représente donc une alternative ». Sur 6 années de pratique, les agriculteurs n’ont pas constaté « d’effet dépréciatif des plantes compagnes présentes jusque décembre-janvier sur le rendement du colza ».

Pour la partie semée en direct, ils ont ainsi rassemblé, cette année, les 36 gr/m² de colza avec 5 kg/ha de fenugrec, 5 kg de sarrasin, 500 g de tournesol, 500 g de lin et 70 kg de féveroles. « Avec ce mélange, on a deux plantes qui fleurissent avant l’hiver, le sarrasin en septembre et le tournesol fin septembre/début octobre environ. C’est une bonne chose pour la biodiversité ».

« Cela permet aussi d’intégrer des légumineuses dans le système, car c’est plus compliqué en cultures principales : il n’y a que le lupin qui soit adapté dans le secteur. La rotation blé — colza — blé — tournesol peut alors bénéficier des bénéfices agronomiques des légumineuses, sans le « souci économique » de ces espèces, via les plantes compagnes du colza et le couvert avant tournesol. »

Si on estime généralement à 30 uN la réduction possible de la dose d’azote apportée au printemps, Stéphane Olivier et son frère ne l’appliquent pas sur colza, « ce sera plutôt bénéfique pour le blé suivant, indique-t-il. La féverole vient aussi acidifier le sol autour de ses racines, ce qui améliore la disponibilité des nutriments pour les plantes. »

L’agriculteur met également en avant l’effet « leurre » des plantes compagnes face aux bioagresseurs. « En six ans, nous n’avons pas eu de souci avec les altises, excepté l’an dernier sur la partie sans plantes compagnes, où nous avons eu besoin de passer avec un insecticide. »

Si les deux techniques ont montré des résultats similaires lors de la dernière moisson, ce n’est pas le cas partout, souligne Stéphane Olivier. Pour lui, la réussite du colza peut varier selon le type de semoir utilisé, et va surtout dépendre de l’état nutritionnel du sol. En termes de fertilisation, l’agriculteur précise avoir apporté avant le semis : « 3 t/ha de lisier de porcs (phase solide), 10 t/ha de déchets verts et 2 t/ha de carbonate de calcium ».