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Trouver la bonne combinaison de solutions face à la jaunisse de la betterave


TNC le 24/01/2025 à 18:10
Betteraves

Les équipes du PNRI-C livrent un premier point sur leurs recherches en cours. (© TNC)

A l’occasion d’un comité technique spécial, les équipes du Plan de recherche et d’innovation consolidé (PNRI-C) ont présenté un premier bilan des recherches en cours sur les solutions de lutte contre les pucerons et la jaunisse de la betterave sucrière. Et la réponse ne semble pas unique, mais serait davantage une combinaison de leviers à ajuster.

C’est fin 2023 que le gouvernement a décidé de prolonger le plan de recherche avec un PNRI-C pour 3 années supplémentaires (2024-2026). L’ambition : « consolider les connaissances acquises sur la période 2020-2023 et réaliser de nouvelles recherches nécessaires pour finaliser l’opérationnalisation des solutions à proposer aux planteurs pour protéger les cultures de betteraves contre les jaunisses virales ».

À ce jour, « nous n’avons pas identifié de solution unique, on travaille plutôt à différentes combinaisons de leviers à adapter, en fonction des coûts et de la pression maladie, indique Fabienne Maupas, directrice du département technique et scientifique de l’Institut technique de la betterave (ITB). Pour les zones très impactées, on va chercher à renforcer l’efficacité de la protection, et dans les secteurs à risque plus modéré, l’idée sera plutôt de réduire le nombre d’aphicides ».

A noter : « dans tous les essais réalisés depuis 2021, dans le cadre du PNRI et du PNRI-C, la considération économique des solutions testées passe en second plan pour n’écarter aucune piste a priori », précise Ophélie Bolingue de Saint Louis Sucre.

Produits de biocontrôle et médiateurs chimiques encore à étudier

Parmi les recherches, une veille est notamment effectuée sur les produits de biocontrôle. Ces derniers montrent, pour le moment, « une efficacité plus faible que les aphicides conventionnels comme le flonicamide (Teppeki). Les résultats sont encore aléatoires et il est nécessaire de continuer les essais », indique Ophélie Bolingue.

Substances actives

Nombre d’essais

Années d’essais

Intervalle d’efficacité (%)

Coût du produit (€/ha)

Flonicamide + huile

124

2018-2024

62-72 %

27

Champignon entomopathogène

14

2019-2020
2022-2024

0-41 %

Non homologué

Huile de paraffine

13

2019-2020
2022-2024

0-21 %

30-50

*Efficacité sur les pucerons verts aptères, 14 jours après le traitement.

Pour rappel, « les solutions aphicides conventionnelles disponibles sont le flonicamide, Teppeki (0,14 kg/ha), limité à une seule application et le sprirotétramate, Movento (0,45 l/ha), limité à 3 applications en 2024 et sous réserve d’une dérogation 120 jours pour 2025. Pour ces deux solutions, le seuil d’intervention est d’un puceron pour 10 betteraves. Les pucerons étant difficiles à observer, l’emploi d’une loupe est généralement conseillé ».

En comparaison, les équipes ont testé l’huile de paraffine (Illion), solution de biocontrôle homologuée déjà utilisée sur pommes de terre. Le produit (10 à 15 l/ha) est limité à 2 applications, dès le stade BBCH 09 (levée). Il a un mode d’action aphicide et/ou sur la transmission virale, on a encore besoin d’approfondir les recherches sur son mode de fonctionnement, précise Ophélie Bolingue.

Les équipes conseillent, en tout cas, d’adapter la stratégie en fonction de l’arrivée des pucerons vecteurs :

– Pour une arrivée précoce : Illion, 1 à 2 passage à 7 jours d’intervalle dès les premiers pucerons, puis relai avec Teppeki 0,14 kg/ha + huile 1,0 l/ha ;

– Pour une arrivée tardive : Teppeki 0,14 kg/ha + huile 1,0 l/ha d’abord, puis relai si nécessaire avec Illion.

« Attention à ne pas mélanger Illion avec le programme herbicide, pour limiter les risques de phytotoxicité. Un intervalle de 2 jours avant ou après toute application d’herbicide est recommandé. »

Sur la question des médiateurs chimiques, « il reste encore des choses à étudier aussi, note Audrey Fabarez de l’ITB. Il faut dire que l’étude de ces solutions ne s’est pas faite dans des conditions optimales d’expérimentation, 2023 et 2024 n’ont pas été des années à forte pression jaunisse ». Ont été mis à l’épreuve les allomones d’AgriOdor (4 kg/ha), qui visent à limiter la colonisation, la reproduction et le comportement alimentaire des pucerons, et les phéromones de M2i (0,5 l/ha, 2 à 3 applications), qui agissent comme des attractifs des auxiliaires.

Levier

Nombre d’essais

Années d’essais

Intervalle d’efficacité

Coût du produit (€/ha)

 Allomones

12

2023-24

23-62 %

Demande de dérogation, prix indicatif : 70 €

Attractif à auxiliaires

5

2023-24

0-40 %

15 €

Plantes compagnes

Différentes espèces de plantes compagnes ont également été mises à l’épreuve et « ce sont l’avoine rude et l’orge de printemps qui ressortent en termes d’efficacité. La féverole et la vesce sont plus sensibles au désherbage de la betterave. Après, l’intérêt des plantes compagnes se révèle surtout en présence de symptômes de jaunisse, supérieurs à 20 % », estime Audrey Fabarez.

Levier

Nombre d’essais

Années d’essais

Intervalle d’efficacité

Coût (€/ha)

Avoine

47

2021-24

35-60 %

86

Orge

23

2021-24

46-73 %

< 86 €

« La principale problématique de ce levier reste le risque de concurrence avec les betteraves sucrières. Mieux vaut éviter une destruction trop tardive, et être vigilant sur la date de semis et la densité. »

Autre levier testé : le lâcher d’auxiliaires. « On observe toujours un décalage entre l’arrivée des pucerons et celle des auxiliaires sur les parcelles. L’objectif est de faire coïncider les pics de ces deux populations, présente Damien Andrieu. Les résultats doivent, eux aussi, être encore consolidés, car l’efficacité est aléatoire dans les essais, selon les pressions rencontrées et les doses apportées.

Les équipes ont, en effet, testé avec des larves ou des œufs de chrysopes, plusieurs doses à des différentes périodes d’épandage. Et « cela semble davantage fonctionner en conditions plus douces. »

Levier

Nombre d’essais

Années d’essais

Intervalle d’efficacité

Coût (€/ha)

Larves de chrysopes

10

2022-24

1-68 %

150

Œufs de chrysopes

8

2021-24

0-63 %

100

« Sur la question du prix, cela reste élevé pour le moment, mais les entreprises travaillent à une montée en échelle de leur production pour réduire les coûts. »

Du côté du levier génétique, « il n’y a pas de variété résistante/tolérante identifiée à ce jour, indique Fabienne Maupas. La difficulté est liée notamment à la présence de 3 virus. Mais toutes les variétés sont désormais testées dans leur phase d’inscription et les plus sensibles sont éliminées, cela facilite le progrès chaque année. Les sélectionneurs ont identifié des sources de tolérance, mais ne peuvent pas, non plus, mettre de côté les autres caractères, comme la tolérance à la rhizomanie ou à la cercosporiose par exemple. Identification de variétés altérant le comportement alimentaire du puceron Myzus persicae au laboratoire.

Gestion des réservoirs viraux

Sur la gestion des réservoirs viraux, les équipes du PNRI-C recommandent plusieurs mesures prophylactiques pour réduire le risque. Et ça démarre notamment avec les cordons de déterrage, les collets de betteraves qui repoussent sur les tas de terre seront contaminés si la parcelle était atteinte de jaunisse. « Des analyses ont montré que 11 % des échantillons sur les repousses de cordons de déterrage étaient contaminés au printemps 2024 », indique Quentin Tilloy de Cristal Union.

Pour éviter cela, si ces résidus n’ont pas été épandus puis enfouis, deux moyens de destruction restent possibles selon les situations :

– Retournement des andains de déterrage lorsque la terre est suffisamment sèche et maniable ;

– Application de glyphosate sur les bandes de déterrage en respectant deux conditions : l’usage réglementaire (il dépend de la zone sur laquelle le glyphosate est appliqué, donc du positionnement du silo, en parcelle ou en bord de champ) et la spécialité à base de glyphosate doit être homologuée pour l’usage réglementaire.

Autre point de vigilance : « la gestion des repousses dans les céréales implantées après betteraves. Il convient de vérifier si des repousses de betteraves ont survécu aux désherbages d’automne et si oui, d’appliquer fin mars/début avril un anti-dicotylédone. Une attention particulière sera portée pour les variétés Conviso Smart, Bofix (fluoroxypyr + MCPA + clopyralid) est la seule solution qui permette de les détruire ».

Les parcelles contenant de la phacélie ou des féveroles constituent également des réservoirs de pucerons et de virus. Une destruction des couverts est alors recommandée au moins 3 à 4 semaines avant le semis des betteraves, note Quentin Tilloy.

Enfin, le réseau est également complété par un plan d’action commun entre les filières betteraves sucrières et les betteraves porte-graines. Compte-tenu de l’absence de rupture dans le cycle épidémique, les équipes observent un risque accru de propagation de la maladie dans les zones concernées. Elles travaillent pour accompagner les producteurs sur le sujet et proposer des agriculteurs et propositions de solutions à l’échelle du territoire.