Un procédé de « destruction » des micropolluants dans les boues d’épuration


AFP le 10/04/2025 à 18:30

Le géant de l'eau et des déchets, Suez, a annoncé jeudi la mise au point avec le CNRS d'un procédé avec lequel il espère détruire les micropolluants présents dans les boues d'épuration, et ainsi réduire la pollution aux PFAS et aux micropolluants dans les sols et les cours d'eau.

Fruit d’un travail entamé en 2021 avec les chercheurs de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (Bordeaux INP/CNRS/Université de Bordeaux), ce procédé de « gazéification hydrothermale » a pris en 2023 la forme d’une machine « qui traite 5 litres d’effluents par heure », a indiqué Suez. Des premiers essais de fonctionnement en flux continu ont été menés.

« Ce premier test fructueux a conduit les équipes de Suez à initier la construction d’un pilote industriel d’une capacité de traitement de 150 litres de boues par heure, sur son site Terre d’Aquitaine, à Saint-Selve (Gironde), en vue de son industrialisation », a précisé Suez.

« Chauffées à 600 degrés sous une pression de 450 bars », selon Pierre Pauliac, directeur de la division eau du groupe, les boues sont ainsi valorisées « pour produire du gaz renouvelable et récupérer les minéraux présents dans les boues, tout en détruisant les micropolluants », selon le groupe.

L’enjeu est de taille, compte tenu de la source de pollution que peut représenter l’épandage dans les champs de ces boues comme engrais, selon des ONG de défense de l’environnement.

« C’est notre plus gros investissement dans l’innovation, je pense, depuis toujours », a déclaré jeudi M. Paulliac, lors d’un échange avec la presse, dans le cadre des « Suez Innovation Days », un investissement chiffré à plusieurs « dizaines de millions d’euros », depuis le lancement des premières études.

Outre la destruction des polluants, notamment des « polluants éternels » ou PFAS, le procédé permet de récupérer le carbone pour « faire des précurseurs pour la chimie verte ou les biofuels », a détaillé Jérôme Bailly, directeur de l’innovation chez Suez. Il espère passer au stade opérationnel « dans trois ans, quatre ans ».

Plus largement, Suez et le CNRS ont annoncé jeudi la signature d’« un accord-cadre d’une durée de 5 ans pour unir leurs efforts de recherche et développement » : « on a déjà 30 projets en commun. Et l’idée, c’est d’en avoir au moins une quarantaine de plus très rapidement », a déclaré M. Pauliac.

« Sur l’eau potable, on pense que le chiffre d’affaires de l’activité (de décontamination des « polluants éternels ») ne va pas être énorme, parce qu’en fait, 95 % des usines avec les réglementations actuelles en France sont conformes », a déclaré M. Bailly. « Le vrai sujet, ça va être dans les boues de station d’épuration », a-t-il ajouté.

Les polluants des eaux usées, dont les PFAS, sont actuellement essentiellement concentrés dans ces boues, ensuite épandues. « On les remet sur nos champs, et donc en fait, on les trouve dans les nappes, et on alimente notre machine à diffuser tout ça dans l’environnement », a regretté M. Bailly.