Une piste d’amélioration génétique pour faire face au changement climatique ?
TNC le 07/06/2019 à 18:11
Soumises pendant des siècles à la sécheresse, la chaleur et la salinité, les populations de blé des oasis sahariennes ont développé une tolérance unique à ces contraintes. Leur utilisation pour l'amélioration du blé pourrait se révéler extrêmement utile face au changement climatique.
Dans les années à venir, le changement climatique devrait amplifier les sécheresses agricoles selon Olivier Deudon, responsable agrométéorologique chez Arvalis-Institut du végétal. Les conséquences seraient alors inévitables : baisse des productions tant en quantité qu’en qualité… Dans ce contexte, les variétés de blés des oasis sahariennes apparaissent comme une véritable piste d’amélioration génétique, comme l’expliquent Alain P. Bonjean, Philippe Monneveux et Maria Zaharieva dans leur étude*, issue du Demeter 2019.
Une « tolérance notable aux stress abiotiques »
En effet, « dans la mesure où l’échange de semences avec d’autres régions du monde est resté limité jusqu’au siècle dernier, les populations de blés sahariennes, ayant subi de fortes pressions de sélection naturelle liées aux contraintes particulières des oasis (chocs thermiques, sécheresse et salinité) ont développé une tolérance notable à ces stress abiotiques », soulignent les auteurs. Cela représente un « intérêt majeur, pour ne pas dire unique, pour la sélection du blé tendre et du blé dur face à ces stress, alors même que ces ressources génétiques ont été jusqu’ici très peu exploitées », poursuivent Alain P. Bonjean, Philippe Monneveux et Maria Zaharieva.
Ces populations de blés sahariennes, dont le niveau de productivité est proche de celui des blés australiens, pourraient ainsi « contribuer à l’amélioration du rendement potentiel et de la qualité d’autres variétés de blé ». Parmi les différents travaux de collecte et de description des variétés menés, Léon Ducellier a notamment relevé « leur niveau élevé de tolérance à la sécheresse. […] La pubescence du nombre de populations de blés oasiens ainsi que le caractère barbu et compact des épis pourraient représenter des traits d’adaptation aux hautes températures des oasis sahariennes. On peut également noter leur tolérance à l’échaudage ». Une fertilité élevée de l’épi a aussi été notée chez certains blés des oasis par Léon Ducellier et Jean Erroux, ce qui pourrait « contribuer à l’augmentation du rendement potentiel des variétés modernes ».
Autre point non négligeable : ces variétés ne se sont pas adaptées aux conditions extrêmes climatiques au détriment de leurs critères qualités. « Les populations Ali Ben Maklouf, El Mansouri, Farina et Khreci ont été identifiées par Jean Erroux comme disposant d’une excellente qualité boulangère », présentent les auteurs, précisant toutefois que cette connaissance reste à ce jour limitée. Des travaux menés depuis les années 1980 sur certains de ces blés ont aussi mis en évidence « des combinaisons rares à uniques de gliadines et de gluténines pouvant s’avérer utiles dans l’amélioration de la qualité du grain.
Risque de disparition des systèmes de culture sahariens
Or, depuis plusieurs dizaines d’années, les systèmes oasiens se montrent de plus en plus affectés : épuisement des ressources en eau, urbanisation, accroissement des échanges commerciaux… « L’ensemble de ces facteurs fait peser une menace croissante sur la diversité génétique, voire sur la permanence même des blés des oasis sahariennes », notent Alain P. Bonjean, Philippe Monneveux et Maria Zaharieva.
Dans le but de préserver et de valoriser les ressources génétiques de blé des oasis sahariennes, les auteurs de cette étude lancent donc un « appel à la création d’un consortium ». Celui-ci devrait regrouper « des institutions agronomiques nationales de pays sahariens en charge de sélection variétale de blé tendre et de blé dur, ainsi que des expertises complémentaires apportées par des organisations publiques et privées ». Les objectifs : collecter le plus possible de données historiques sur ces blés des oasis du Sahara, « étudier ces collections et identifier des gènes d’intérêt » et ainsi « pouvoir utiliser ces ressources en sélection du blé tendre et du blé dur, au profit de l’agriculture dans les différentes zones du monde fortement touchées par le réchauffement climatique ».