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Vers une baisse d’au moins 15 % des exports de blé tendre français sur 2024/25


TNC le 12/07/2024 à 09:30
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D'après les premières estimations publiées par FranceAgriMer, la baisse des exportations françaises de céréales à paille d'une campagne à l'autre atteindrait 3,5 Mt. (© S. Leitenberger - stock.adobe.com)

La chute de la production 2024 de blé tendre et d’orge devrait conduire à un repli important des exportations françaises de céréales à paille sur la campagne commerciale qui commence, surtout vers les pays tiers.

FranceAgriMer vient de livrer son premier bilan prévisionnel pour les céréales à paille sur la campagne de commercialisation 2024/25, à partir des estimations du service statistique du ministère (Agreste). Ce que l’on retient surtout, c’est que les exports de blé tendre et d’orge sont attendus en forte baisse.

Commençons par le blé tendre. Pour Agreste, la production 2024 atteindrait environ 29,7 Mt contre 35,1 Mt en 2023. « On a fait l’hypothèse d’une hausse du volume des importations pour répondre à la quantité souhaitée par les opérateurs, à 200 000 t contre 125 000 t sur la campagne passée », explique Maria Gras, de l’unité Grains et sucre de FranceAgriMer.

Les utilisations domestiques ne varieraient pas beaucoup par rapport à 2023/24, à 13,9 Mt. À noter : une hausse du poste amidonnerie/glutennerie (+ 100 000 t) et une baisse des utilisations pour la fabrication d’aliments du bétail (- 150 000 t), « sachant qu’il y aurait une incertitude sur les déclassements en blé fourrager et la concurrence possible avec le maïs ».

C’est donc du côté du débouché à l’export que la donne devrait changer : d’après ces premières prévisions, la France expédierait 6,5 Mt de blé tendre vers les pays de l’UE contre 6,2 Mt en 2023/24, et seulement 7,5 Mt vers les pays tiers, contre 10,2 Mt en 2023/24 ! Soit une baisse globale de 15 % et de 2,4 Mt d’une campagne à l’autre.

La situation est assez proche pour l’orge. La production est estimée à 11,3 Mt (- 988 000 t) et ne donnerait pas lieu à plus d’importations ; les utilisations domestiques grimperaient un peu (+ 18 000 t), avec une baisse de l’utilisation en malterie intérieure et une hausse en fabrication d’aliments du bétail.

Tandis que les exports de malt gagneraient 20 000 t d’une campagne à l’autre (+ 2 %), les expéditions de grains perdraient 989 000 t et 15 %. Elles n’atteindraient que 3 Mt vers les pays tiers contre 3,8 Mt en 2023/24, et 2,8 Mt vers l’UE contre 3 Mt en 2023/24.

Quant au blé dur, FranceAgriMer envisage une production, des importations et des utilisations domestiques stables sur 2024/25, mais là encore une baisse des exportations de grains (- 95 000 t et — 10 %), aussi bien vers l’UE que vers les pays tiers.

Des chiffres à prendre avec précaution

Mais attention, ces premières prévisions sont à prendre avec des pincettes : elles sont « sans doute bien en dessous de la réalité », avertit Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé « grandes cultures » de FranceAgriMer.

En cause, la méthode de calcul : comme à son habitude, l’organisme s’est basé sur les prévisions d’Agreste (arrêtées au 24 juin) et notamment sur les surfaces indiquées dans les déclarations Pac pour évaluer le poste production… dont découlent ensuite les autres estimations.

« On est en décalage avec ce qui a été prévu par Arvalis et Intercéréales et par des opérateurs privés […]. La méthode fait que ça a été travaillé sur le mois de juin, et depuis la météo ne s’est pas forcément améliorée, poursuit-il. On a aussi ce problème de statistiques entre les surfaces déclarées au sens large et les dégâts dans les parcelles ».

« On a eu des débats assez longs » à ce sujet, « des incertitudes voire des désaccords » lors du conseil spécialisé du 11 juillet, souligne-t-il aussi. La veille, des experts réunis par FranceAgriMer avaient aussi échangé leurs avis. « Ils raisonnent sur des hypothèses de récolte plus dégradées que celles retenues avec notre méthodologie ».

Quand Agreste table sur une production de 29,7 Mt pour le blé tendre, 11,3 Mt pour l’orge et 1,3 Mt pour le blé dur, ces experts évoquaient plutôt « entre 27,1 Mt et 28,5 Mt pour le blé tendre, entre 10,3 et 10,7 Mt pour l’orge et un peu plus d’1 Mt pour le blé dur », reprend Maria Gras.

Le contexte de marché aussi jouera sur les exportations françaises

Ces prévisions évolueront dans les mois qui viennent, en fonction notamment de l’actualisation des données d’Agreste. Le niveau du poste exportations dépendra du « disponible exportable en volume et en qualité, une fois les utilisations intérieures servies », mais aussi « du contexte de marché et de la concurrence internationale ».

Marc Zribi, directeur de l’unité Grains et sucre de FranceAgrimer, cite à ce titre « le précédent de la récolte 2016, qui s’était traduit par une fragilisation de l’offre française », dans laquelle la Russie s’était engouffrée.

« Mais on n’est a priori pas dans les proportions de 2016, à la fois en termes de volumes et de qualités exportables », et le risque de perdre des marchés paraît lointain : « même si la production et la collecte de blé devaient encore baisser d’1 Mt ou 2 Mt, il resterait quand même de l’ordre de 14 Mt disponibles pour l’exportation ».

Les exports français évolueront aussi selon l’offre et de la demande mondiales et des liens commerciaux entre les pays. Vu le niveau élevé de ses récoltes, la Chine devrait par exemple « moins importer auprès de l’ensemble de ses fournisseurs » et notamment de la France, note Marc Zribi.

La hausse des expéditions de blé russe en Afrique du nord ces derniers mois pourrait tendre à réduire les perspectives de la France vers ces marchés. D’autant plus que la Tunisie serait en pourparlers avec la Russie pour conclure un accord bilatéral d’achat de céréales.

« Face à un accord de ce type avec un pays exportateur concurrent, il faut être vigilant. […] Mais quoi qu’il arrive, c’est quand même toujours le marché qui fait la loi », conclut Benoît Piètrement.