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Sommaire du dossierDossier : Election des chambres d’agricultures : Quelle gouvernance ?
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Après les élections et avant le Sia : quid des principaux syndicats agricoles ?
AFP le 17/02/2025 à 10:Feb
Trois grands syndicats représentent les agriculteurs en France : l'historique FNSEA, à l'hégémonie ébranlée lors des récentes élections professionnelles, la radicale Coordination rurale en nette progression, et les agroécologistes de la Confédération paysanne.
Pas de big bang donc lors du scrutin mais une énorme secousse : l’alliance de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes agriculteurs (JA) devrait conserver la tête d’environ 80 chambres d’agriculture sur une centaine, mais perd sa majorité absolue en voix, avec pour la première fois un score national inférieur à 50 %.
L’hégémonie bousculée de la FNSEA
Son nombre d’adhérents, son assise au sein des chambres d’agriculture et une forme de « cogestion » avec l’exécutif en font le syndicat le plus influent et l’interlocuteur privilégié du gouvernement depuis l’après-guerre.
Le mouvement naît en 1946, alors seule organisation syndicale, et regroupe la quasi-totalité des paysans. « Réunis en congrès, ils prêtent tous le +Serment de l’unité paysanne+, dans une forme de corporatisme mâtiné de christianisme social », souligne Bertrand Hervieu, sociologue des questions rurales. L’objectif est alors de relancer la production, à l’aide des premiers tracteurs américains et de la révolution chimique: la France a faim.
La FNSEA revendique 212 000 adhérents et le soutien de 31 associations spécialisées. Elle est alliée aux JA, qui regroupent depuis 1957 les exploitants de moins de 38 ans. Pour la première fois en 2025, l’alliance FNSEA-JA a perdu sa majorité absolue, avec quelque 46% des voix (contre 55 % en 2019), selon les résultats publiés par les Chambres d’agriculture agrégés par l’AFP avant la publication des résultats officiels par le gouvernement.
Arnaud Rousseau, patron de la FNSEA et président du conseil d’administration du géant des huiles Avril, admet un « recul notable » qu’il attribue notamment à « la colère » exprimée dans des territoires fragilisés où « les réponses apportées » par l’État ont été tardives.
Depuis plus d’un an, la FNSEA réclame des « moyens de production » (accès à l’eau, moratoire sur les pesticides), une simplification administrative et une concurrence plus loyale. Favorable à « une agriculture ouverte », la France étant un grand exportateur, le syndicat a toutefois pris position contre l’accord de libre-échange UE-Mercosur.
Percée historique pour la Coordination rurale
Deuxième syndicat agricole avec 29% des voix (contre 21,5% en 2019), la Coordination rurale (CR) réalise une percée historique, après une campagne de « dégagisme » visant l’alliance FNSEA-JA.
La CR, devenue un syndicat en 1995, est née fin 1991 d’une scission de la FNSEA, qu’elle accuse de « double jeu » sur la Politique agricole commune, vue comme le bras armé d’une mondialisation malheureuse. À la fois libérale et souverainiste, dirigée par l’éleveuse laitière bio Véronique Le Floc’h, la CR défend les petits exploitants qu’elle estime broyés par le libre-échange.
Les « bonnets jaunes » de la CR confortent leur ancrage dans la Vienne, la Haute-Vienne et, surtout, dans leur fief du Lot-et-Garonne, où l’emblématique président de la chambre d’agriculture Serge Bousquet-Cassagne revendique « 18 procès en 30 ans » et sa proximité avec l’extrême droite.
Le syndicat s’impose dans 11 départements supplémentaires : dans le sud-ouest – la CR pourrait emporter en mars sa première chambre régionale en Nouvelle-Aquitaine – mais ravit aussi les Ardennes ou le Cher à la FNSEA.
Adepte des actions coup de poing, le syndicat milite contre les accords de libre-échange et « la soumission à l’agro-industrie », et pour réduire encore les charges des agriculteurs et supprimer l’Office français de la biodiversité.
La Confédération paysanne, une autre agriculture
Troisième syndicat agricole avec un peu plus de 20% des voix, la Confédération paysanne (CP) conserve Mayotte, où le scrutin a été reporté après le cyclone Chido, et s’impose dans trois nouvelles chambres, en Guyane, Corse et Ardèche.
Son score évolue peu au niveau national mais progresse nettement dans une douzaine de départements. Le syndicat appelle à « remettre à plat la gouvernance des institutions agricoles » et notamment un mode de scrutin qui favorise la liste arrivée en tête. Portée par des mouvements écologistes et altermondialistes, la CP naît en 1987, cofondée par l’agriculteur José Bové.
Elle critique le modèle dominant du « productivisme » qui épuise la terre et les hommes, s’oppose au libre-échange, plaide pour un développement agricole durable et dénonce le recul du gouvernement sur les normes environnementales, sous la pression de la FNSEA et de la CR. Très mobilisée sur le terrain contre des industriels comme Lactalis ou Avril, la CP défend « un revenu juste » pour les paysans.
Enfin, le Modef (Mouvement de défense et de coordination des exploitations familiales), plutôt proche de la Confédération, l’a emporté en Guadeloupe, avec un score national stable de 1,3%.