« Penser au changement climatique pour s'installer et transmettre »
TNC le 28/10/2022 à 05:Oct
Le changement climatique est de plus en plus prégnant, les agriculteurs doivent en tenir compte dès leur installation et jusqu'à la transmission de leur ferme. Responsable du service installation/conseil d'entreprise à la chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme, un des départements les plus impactés par la sécheresse, Fabienne Puel explique comment elle l'intègre dans les dossiers des futurs installés et les accompagne dans ce domaine.
« Aujourd’hui, dans les dossiers d’installation, nous prenons effectivement en compte lechangement climatique : les futurs agriculteurs doivent absolument y penser dans leur projet pour favoriser la durabilité de leur exploitation », insiste Fabienne Puel, responsable du service installation/conseil d’entreprise à la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, un département particulièrement touché par la sécheresse où ses propos prennent toute leur signification. Interviewée par la rédaction au Sommet de l’élevage, suite à la conférence « Votre installation, on en parle : faire face au changement climatique », elle détaille l’accompagnement proposé par l’organisme dans ce domaine en Auvergne-Rhône-Alpes.
Favoriser la durabilité des exploitations.
Comment l’inclure dans l’étude des projets ?
Fabienne Puel : « Nous réalisons d’abord un état des lieux de la ferme à reprendre. Ensuite, au niveau du projet, nous sommes plus vigilants sur certains points, tels que l’autonomie fourragère en élevage. Jusqu’à présent, on disait qu’une année de stock pouvait suffire. Maintenant, en fonction de la situation pédoclimatique de l’exploitation, on conseille plutôt 1,5 à 2 ans. »
Vigilance sur l’autonomie fourragère, la gestion de l’eau, le choix des cultures…
« Nous sommes aussi beaucoup plus sensibles à la gestion du pâturage et à l’abreuvement des animaux, notamment quand l’eau du réseau est utilisée puisqu’à certains moments, cela peut poser problème. Et s’il faut promener la tonne à eau entre les pâtures par exemple, c’est du temps passé, ça a un coût, il faut en avoir conscience. Nous cherchons alors des solutions alternatives avec les futurs installés. Nous faisons également attention au choix des cultures et des rotations pour qu’elles soient adaptées au climat de la ferme. Tout en s’intéressant à ces différentes composantes, l’objectif est d’avoir une approche globale du système. »
Et au niveau des investissements, dans le plan d’entreprise ?
Fabienne Puel : « Là encore, nous essayons d’en tenir compte pour prévoir les adaptations et équipements nécessaires (forages, dispositif de récupération des eaux de pluie, etc.), et donc le montant à investir (sans oublier de se réserver une marge de sécurité pour d’éventuels achats de fourrage entre autres). Mais on ne peut pas tout anticiper, surtout lorsqu’il s’agit du climat. Un jeune, qui n’a pas complètement pris en main son outil de travail, a parfois du mal à envisager l’ensemble des évolutions à mettre en œuvre. Il y a des investissements qu’il ne va décider qu’en deuxième ou troisième année par exemple. »
Davantage de souplesse, face à un contexte instable.
« Le plan d’entreprise n’est toutefois pas figé : on peut le faire évoluer sur les quatre ans que couvre le prévisionnel, en fonction des besoins de l’exploitation. Il faut se dire que le PE n’est pas une fin en soi, que la vie passe par là : établi à un moment donné, il ne se vérifie pas forcément tous les ans. L’instabilité actuelle, économique comme climatique, nécessite davantage de souplesse. »
Une fois installé, quel accompagnement ?
Fabienne Puel : « Nous travaillons effectivement le changement climatique durant les premières années d’installation, quand les jeunes installés ont leur exploitation bien en main, au travers de formations et de groupes d’échange entre autres. Ainsi, ils peuvent discuter de leurs pratiques, des contraintes qu’ils subissent et des solutions qu’ils ont trouvées. »
Se former, échanger entre jeunes.
« En s’appuyant sur ces premières années qu’ils viennent de vivre, nous leur apportons aussi d’autres pistes de réflexion que nous étayons avec les recherches réalisées sur le sujet, comme la démarche AP3C ou le projet cerceau en région Aura. Nous les conseillons, à eux ensuite de choisir celle(s) qu’ils veulent concrétiser. »
En somme, il faut s’en préoccuper tout au long de sa carrière ?
Fabienne Puel : « De nombreux instituts mènent des travaux sur le changement climatique, ses impacts sur l’agriculture et les adaptations possibles. C’est important de se renseigner régulièrement sur ce qui en ressort pour voir ce qu’on peut mettre en place sur son exploitation. Même à l’approche de la retraite, afin d’effectuer les investissements qui permettront de transmettre la ferme plus facilement dans un contexte climatique de plus en plus compliqué. Les producteurs ont déjà dû intégrer la volatilité des prix, puis des charges, ils doivent désormais le faire pour les variations climatiques d’une année sur l’autre. »
Continuer de s’adapter, même près de la retraite, pour pouvoir céder.