Les nouveaux venus de l'agriculture, bienvenus pour renouveler les générations
AFP le 23/02/2020 à 11:Feb
Qu'on les appelle « néo-agriculteurs », « hors cadres familiaux », « non issus du milieu agricole », ils sont de plus en plus nombreux à choisir cette profession sans être du sérail, une opportunité à l'heure où il faut assurer le renouvellement des générations. Et un défi pour ces arrivants comme ceux qui veulent les accueillir.
« On ne regrette pas notre choix. Ce qu’on fait au quotidien nous plaît, c’est concret : on vend localement à l’école et au collège, c’est assez gratifiant », raconte Gwendoline Palmer qui s’est reconvertie dans le maraîchage bio dans la campagne normande avec son mari Mahdi Nakechbandi.
Elle était responsable marketing, lui ingénieur mécanique. Ni l’un ni l’autre ne venaient d’un milieu agricole. « Nous n’étions pas satisfaits de nos emplois », et en plein changements environnementaux et sociétaux, ils se demandaient « comment apporter leur pierre à l’édifice », dit-elle.
« Il y a effectivement beaucoup de gens de tous âges qui se posent des questions d’orientation, de réorientation, de transition de vie », explique Pierre Cornu, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Lyon2. « Ils font du bien au monde agricole en montrant qu’il est désirable, et à l’environnement urbain en montrant que cette transition doit être réfléchie, elle doit passer par une formation, elle a un coût et des risques, on n’est pas dans l’utopie. »
En 2018, les installations de chefs d’exploitations ont reculé de 2,8 % à 13 925. Le nombre d’agriculteurs ne cesse de reculer, et d’ici une dizaine d’années, la moitié des agriculteurs en activité devraient partir en retraite. Mais, parmi les installations d’exploitants de moins de 40 ans ayant perçu une aide en 2018, 31 % étaient des « Hors cadre familial » (HCF), le nom technico-juridique désignant ceux dont la ferme n’est pas un héritage familial.
Les accueillir dans de meilleures conditions
« À moyen et long termes, la proportion va nécessairement augmenter, c’est une tendance certaine, et demain, si on veut relever le défi (du renouvellement des générations), il faut qu’on soit capable de les accueillir dans de meilleures conditions », assure Loïc Quellec, vice-président du syndicat des Jeunes agriculteurs (JA).
La dotation Jeunes Agriculteurs (DJA), accordée aux projets d’installation si le porteur a une formation professionnelle agricole et un projet économiquement viable, est de 31 000 euros en moyenne, voire plus pour les installations Hors cadre familial. Car les nouveaux arrivants doivent affronter la difficulté de trouver des terres, la pénibilité du travail et la perspective de revenus plus bas que dans d’autres professions.
Question revenus, « la première année on n’en vit pas forcément, mais notre objectif c’est de toucher un Smic au bout de quatre ans », déclare Gwendoline. « On ne cherche pas qu’un revenu mais une qualité de vie ! Tout ce qu’on mange, on le produit nous-mêmes ou on fait des échanges sur le marché. Il faut en tenir compte », ajoute Mahdi.
Pour Gwendoline, le plus dur a été la partie administrative qu’il a fallu « mener de front avec l’installation sur le terrain ». « On avait l’habitude de la paperasse dans nos anciens métiers, mais en termes de lourdeur administrative, on est passé de la Ligue 2 à la Ligue des champions », complète son époux.
Le Modef, syndicat agricole, réclame une simplification des procédures visant à prouver qu’on est un « hors cadre » pour toucher une aide à l’installation. Il plaide pour une simple « attestation sur l’honneur du maire de la commune mentionnant que le futur installé et le cédant n’ont pas de lien de parenté jusqu’au 3e degré ».
« Je n’ai pas envie de dire que c’est plus difficile » pour les hors cadre familiaux, nuance M. Quellec. Ils ont même « les mains plus libres », avec « une approche différente de celle des fils et filles d’agriculteurs et une vision différente de l’exploitation, car eux n’ont pas le poids du passif et l’historique de l’exploitation qu’on va reprendre ». Toutefois, l’agriculture est « un petit monde où il faut arriver à s’intégrer ».
« Aller convaincre un exploitant qui prend sa retraite qu’on est capable de reprendre sa ferme, c’est compliqué. Mais les mentalités évoluent petit à petit. Et des HCF qui se débrouillent bien sur leur exploitation permettent de faire boule de neige. »
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