Pauline (23) et Jérôme (45) racontent leur apprentissage « hors cadre »
TNC le 13/05/2021 à 06:May
En élevage et plus encore en grandes cultures, la majorité des apprentis ont des parents agriculteurs. Mais pas tous. Certains ont des parcours atypiques, à l’image de Pauline Sibert, apprentie en Creuse, ou de Jérôme Delouche, installé hors cadre dans le Loiret. Ils témoignent.
Pauline Sibert, 18 ans, apprentie dans la Creuse :« Enrichir mon expérience avant de m’installer »
À 18 ans, Pauline Sibert étonne déjà par sa maturité. Peut-être est-ce parce qu’elle n’a pas tout à fait grandi comme les autres enfants. « Quand j’étais en primaire, mes parents nous ont déscolarisé ma sœur et moi pour partir en voyage, raconte-t-elle. Au retour, nous nous sommes installés dans la Creuse et ils ont continué à nous faire l’école à la maison. »
Pauline saute l’étape collège pour entrer directement au lycée en seconde générale. Douée en maths, elle veut passer un bac scientifique et devenir sage-femme. Les notes suivent. Elle reçoit même les félicitations de ses professeurs. Mais le cadre scolaire ne lui convient pas. Alors elle ne s’inscrit pas en première, préférant prendre une année de battement.
Elle en profite pour passer encore davantage de temps sur la ferme voisine, où depuis plusieurs années déjà elle vient donner des coups de main. Car elle aime l’agriculture. Pourquoi pas essayer l’apprentissage dans ce secteur ?, se dit-elle. L’exploitation est prête à l’accueillir. Elle se rend aux portes ouvertes du CFA d’Ahun, et signe son contrat en juillet 2019 pour préparer un bac pro CGEA.
« Laisser de l’autonomie aux apprentis »
« Ça m’a permis d’officialiser mon travail sur la ferme tout en reprenant une scolarité avec au moins un niveau bac », note la jeune fille, qui « apprécie le côté concret et la variété des tâches ». La structure qui l’accueille est une ferme de polyculture-élevage de 350 ha, avec des bovins et ovins viande, et un assolement diversifié. Six personnes, dont Pauline et deux autres apprentis, y travaillent.
Elle a beaucoup de qualités, elle apprend très vite.
Nicolas Dupont, son maître d’apprentissage, ne tarit pas d’éloges. « Elle a beaucoup de qualités, elle apprend très vite », insiste-t-il, pas peu fier. Tous les deux se rappellent en rigolant le chantier de défrichage dantesque où Pauline, à peine son contrat signé, arrache sans sourciller des souches aux commandes d’une pelle de 24 t !
« Je laisse toujours beaucoup d’autonomie aux apprentis, revendique l’agriculteur. Alors oui, il y a de la casse, mais c’est en faisant qu’on apprend. Mais au bout de quelques mois, on a des jeunes qui savent quoi faire, où aller, et peuvent prendre des responsabilités. » « C’est surtout le volet administratif du dispositif qui est chronophage, regrette-t-il. J’avoue aussi avoir plus de mal à les initier à la partie gestion de l’exploitation » qu’à la technique !
Aux commandes d’une pelle de 24 t, à peine son contrat signé !
Plutôt vaches, Pauline se voit d’ici deux à trois ans s’installer à la tête d’un troupeau de Limousines. « J’ai encore besoin d’enrichir mon expérience, confie la jeune femme. L’année prochaine, je veux faire un CAP boucherie en apprentissage pour me préparer à la vente directe et transformer jusqu’au bout. Et peut-être après, un certificat de spécialisation agriculture biologique, transformation et commercialisation. »
Jérôme Delouche, 28 ans, installé dans le Loiret :« Quand on sort de l’apprentissage, on est prêt »
Autre région, autre parcours : installé depuis 2016 dans l’Orléanais, Jérôme a lui enchaîné pas moins de quatre apprentissages agricoles, à chaque fois dans une structure différente. D’abord pour obtenir un Bepa, puis un bac pro, un BTSA… pour finir par une licence en droit, économie et gestion. Il gère aujourd’hui une exploitation de 100 ha de cultures, 20 ha de prairies et 6 bâtiments volailles, en plus d’un mi-temps chez un précédent maître d’apprentissage.
Comme Pauline, il n’est pas directement issu du milieu agricole. Son père est employé communal et sa mère travaille dans l’industrie. Mais Jérôme passe son enfance à la campagne, où le lien avec la terre et les animaux n’est jamais loin. « Mon oncle avait des vaches laitières et j’allais souvent l’aider, explique-t-il. D’après mes parents, à six ans, j’affirmais déjà que je voulais être paysan. C’était mon truc ! »
Inscrit au lycée agricole de Bellegarde, il devient apprenti à 15 ans. Lui qui se destine à l’élevage passe d’abord deux ans sur une structure volailles et grandes cultures pour finalement choisir de s’orienter vers des exploitations purement céréalières, de plus en plus importantes en taille.
« C’est extrêmement formateur »
« Avoir vu différentes manières de travailler, différents types de terre ou de façons de gérer, c’est extrêmement formateur, pointe-t-il. En Bepa, le bureau, on n’en faisait pas beaucoup ! Pendant mon passage dans la Beauce, j’ai appris l’agronomie. En licence, j’étais chez un pur gestionnaire. Quand on sort de tout ça, on est prêt. »
Voir différentes manières de travailler, de gérer.
Un parcours qui l’aide aussi à asseoir sa crédibilité auprès des banques lorsqu’il s’installe. Ses diplômes et son CV parlent pour lui, « et puis un apprenti qui tient la route, ça se sait dans les caisses locales des agences bancaires ». À 28 ans, Jérôme ne manque pas de projets : pose de panneaux photovoltaïques sur les poulaillers et dans les parcours, vente directe, et plus tard peut-être un atelier porcs plein air.
De la crédibilité pour s’installer.
Quels souvenirs garde-t-il de ses années d’apprentissage ? « Quasiment que des bons ! D’ailleurs, je suis resté en contact avec tous mes patrons », se réjouit-il. Lui-même assure qu’il embauchera un jeune dès qu’il ne sera plus pluriactif, d’ici un à deux ans.