Une moisson 2024 « pas facile », qui va peser sur des trésoreries déjà tendues
TNC le 12/07/2024 à 18:Jul
Entachée par les pluies tout au long de la campagne, la moisson avance difficilement, s’annonce décevante en termes de rendements, et risque de tendre encore les trésoreries.
« Avec ce temps, la moisson a du mal à démarrer, ça traîne. Il y a un côté stressant : on n’arrive pas à s’y mettre réellement. On aimerait que le soleil arrive, ça permettrait d’accélérer les choses ! », lance Benoît Piètrement.
Le président du conseil spécialisé « grandes cultures » de FranceAgriMer, agriculteur et président de coopérative dans la Marne, est revenu lors d’un point presse sur la moisson en cours : « pas facile, comme le reste de l’année ! ».
« Je suis dans un secteur tardif et je n’ai fauché que mes orges d’hiver, dans des conditions compliquées : le rendement n’est pas bon. Et en plus, des problèmes d’enherbement ont causé de vraies difficultés pour faucher les cultures », explique-t-il.
Et poursuit : « Tous les rendements sont bien à la baisse. On est vraiment très déçus par les orges d’hiver, je pense qu’il nous manque 20 % par rapport à une année normale. Les retours qu’on a sur les colzas sont assez mitigés, et sur le reste, c’est pas terrible ».
Des pluies tout au long du cycle cultural
Il rappelle combien les mauvaises conditions météo tout au long du cycle cultural pénalisent aujourd’hui les rendements : « Depuis le mois d’octobre, on n’a jamais quitté l’automne ! (…) Sur l’année, on cumule beaucoup de choses et (…) l’excès d’humidité est absolument flagrant »
« Les semis qui ont pu être faits l’ont été dans de bonnes conditions jusqu’au 20-23 octobre », avant que les pluies ne viennent les compliquer voire les stopper et reporter les surfaces vers des cultures de printemps.
Les pluies continuelles de l’hiver ont mené à « des niveaux d’enherbement très élevés » dans certaines zones et fait souffrir les cultures impactées par les inondations, tandis qu’elles ont « poussé sans trop de problèmes là où les parcelles étaient plutôt bien drainées et saines ».
Encore des pluies au printemps, si bien qu’ « on se retrouve à la moisson dans des parcelles où il y a un très faible peuplement au mètre carré en nombre de pieds et en nombre d’épis ». Sans atteindre le niveau de 2016, la faible luminosité de mai et de juin entraîne aussi « des épis pas très bien remplis », avec une grande variabilité selon les parcelles et les variétés.
Des poids spécifiques « vraiment pas très bons » en orge
Cette incertitude météo amène aussi des craintes côté qualité : « ça serait bien qu’on ait du soleil, ça calmerait aussi le risque d’avoir des poids spécifiques dégradés ! ». Globalement, la qualité est pour l’instant jugée « à peu près correcte » mais hétérogène.
« Sur ce que je vois des premiers blés récoltés, on peut avoir des poids spécifiques assez bas mais les taux de protéines sont plutôt bons », précise Benoît Piètrement.
Si leur poids spécifique n’est « vraiment pas très bon », la qualité brassicole des orges est « très variable selon les régions. On craignait le pire, mais c’est pas si mal que ça ! ».
Et on peut s’attendre à ce que les acteurs de la première transformation, notamment le secteur de la malterie, modifient leurs critères pour répondre à leurs besoins : « Il est possible que ça bouge un peu sur les niveaux de protéines et les poids spécifiques. Mais à la marge : une mauvaise qualité reste une mauvaise qualité ».
Impact sur les trésoreries
La mauvaise récolte 2024 pourrait-elle jouer sur les prix et sur la compétitivité française, notamment en blé tendre ?
« Ça ne va malheureusement pas changer grand-chose sur les prix, indique-t-il. On l’a vécu en 2016 : on avait fait une année absolument catastrophique, mais comme on est sur des prix mondiaux et qu’il y avait de très belles productions dans beaucoup de pays, la récolte française n’a pas eu d’incidence ».
Il insiste en revanche sur l’impact de cette mauvaise récolte sur les trésoreries des agriculteurs, « déjà tendues en raison des niveaux de charges très élevés, liés notamment au prix des engrais » encore élevés quand ils ont été achetés, « la plupart courant 2023 et fin 2023 ».
« Avec des prix repartis ces derniers jours à la baisse, ça va être très tendu en termes de compétitivité pour les céréaliers », avec une forte hétérogène selon les exploitations, en fonction « du contexte climatique et du niveau de productivité de leurs sols », précise-t-il, évoquant aussi « une ouverture extrêmement importante de dossiers en assurance climatique ».
La situation s’annonce aussi tendue pour les autres opérateurs et notamment les collecteurs : « si on va vers une collecte en baisse de 10 %, 15 %, 20 %, ce sont des niveaux de charges à la tonne qui seront plus élevés ».